Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— `A moi la banque.
Elle avait bondi sur la chauss'ee. Le receveur, soudain enrag'e, avait attrap'e le signal d’arr^et et tirait dessus de toutes ses forces en vocif'erant :
— Ma sacoche, nom de Dieu, rendez-moi ma sacoche !
B'eb'e, qui 'etait encore pr`es de lui, lui coupa la parole d’un coup de poing :
— Suffit, la lev'ee est faite.
L’homme s’'ecroula. B'eb'e avait saut'e `a son tour sur le sol et s’'eloignait en courant dans la direction de la Recuerda.
Or, `a l’int'erieur du tramway, ayant assist'e `a la sc`ene sans mot dire, philosophe comme `a son ordinaire, se trouvait, par hasard, Fandor. Le journaliste, occup'e `a lire La Capitalen’avait gu`ere pr^et'e attention `a l’embarras du receveur, mais, au moment m^eme o`u, avec un cri 'etouff'e, le malheureux employ'e s’'ecroulait, atteint par le poing du redoutable B'eb'e, Fandor, comme m^u par un ressort, se dressa :
— Ah, mais non, pas de ca, murmurait-il, ils vont tuer ce bonhomme-l`a.
En deux enjamb'ees, il avait travers'e la voiture :
— Bon Dieu, ma sacoche ! hurlait toujours le receveur.
— Attendez, dit Fandor.
Il venait de d'egringoler sur la chauss'ee, un revolver brillait dans sa main, il courait derri`ere la Recuerda et B'eb'e.
— Bon sang, arr^etez-vous, hurlait-il, ou ca va barder.
`A ce moment, la Recuerda et B'eb'e traversaient le boulevard. Fandor fit comme eux.
Courant aussi vite qu’il le pouvait, Fandor poursuivait les deux ombres et gagnait du terrain. Derri`ere lui, le conducteur s’'etait relev'e. Il l’entendait qui courait aussi, cependant que le cocher de l’omnibus, tir'e de son assoupissement professionnel, s’'egosillait :
— Au secours ! Au secours !
Marchant `a la rencontre de B'eb'e et de la Recuerda, un homme, un palefrenier sans doute, revenait `a pied, conduisant deux chevaux.
— Arr^etez-les ! criait Fandor.
B'eb'e, sans doute, avait eu peur du palefrenier. Il avait tir'e son revolver et l^ach'e un coup en l’air. Les deux chevaux se cabr`erent. L’homme qui les conduisait s’occupait encore `a les ma^itriser que la Recuerda, tenant toujours la sacoche, arrivait `a sa hauteur. Et c’est avec une incomparable souplesse que la fille bondit `a califourchon sur le dos d’un des chevaux, piqua des deux, s’'eloigna au grand galop, cependant que, poursuivi par le palefrenier, le second cheval d'etalait.
Fandor courait toujours. Puis, la respiration lui manquant, force fut `a l’ami de Juve de s’arr^eter.
D’un coup d’oeil rapide, il s’'etait assur'e que le boulevard 'etait d'esert. `A peine voyait-on au lointain quelques pierreuses immobiles au coin des rues, guettant un hasardeux client. Le receveur distanc'e avait d^u abandonner la poursuite et regagner son tramway.
— Mis'ericorde, se disait Fandor, mais qu’est-ce que tout cela veut dire ? Enfin, j’ai bien vu ce que j’ai vu, une femme, une femme jeune, souple, mince, 'elanc'ee, vivant dans la soci'et'e des apaches et se r'ev'elant 'ecuy`ere consomm'ee. Ah c`a, si v'eritablement il s’agissait bien d’OEil-de-Boeuf et de Bec-de-Gaz, comme je l’ai cru, est-ce que cette femme ne pourrait ^etre…
L’hypoth`ese 'etait folle, invraisemblable, fond'ee sur rien et pourtant Fandor, en cette minute, e^ut jur'e qu’il ne se trompait pas.
H'elas, H'el`ene, depuis quelque temps avait disparu, 'etait en fuite.
— Mon Dieu, mon Dieu, soupirait Fandor, est-ce donc H'el`ene que je poursuis ?
Il poursuivait en effet toujours la femme qui, si audacieusement avait d'erob'e la sacoche du receveur. Il demanda deux ou trois fois `a des passants si l’on n’avait pas vu l’'etrange amazone, et, guid'e par les r'eponses qu’il obtenait, finit par arriver sur les berges de la Seine, supposant bien que la cavali`ere n’avait pas d^u traverser le fleuve. Or, Fandor n’'etait point depuis quelques instants sur les quais, qu’il tressaillait de surprise. Devant lui, `a peu de distance, abandonn'e, hennissant `a la nuit, il apercut un cheval sell'e, brid'e : le cheval qu’avait enfourch'e la fugitive.
— J’arriv'e trop tard, souffla Fandor.
Il s’approcha de la b^ete et, bien qu’elle f^ut encore fort effray'ee, parvint `a la saisir.
— `A mon tour de l’enfourcher.
Fandor n’'etait point, `a vrai dire, excellent cavalier. Cependant, il sauta sur le cheval, fouilla de longues minutes le quartier de Grenelle, cherchant aussi bien `a retrouver la fugitive qu’`a d'ecouvrir le malheureux palefrenier qui devait assur'ement se lamenter sur la perte de sa b^ete.
Vaines recherches.
De guerre lasse, au bout d’une heure d’efforts, Fandor s’en alla au premier poste de police qu’il apercut :
— Monsieur le brigadier, expliqua le journaliste `a l’agent qu’il trouvait fort occup'e `a jouer aux cartes, voici un cheval que je vous am`ene, qui vient d’^etre vol'e et que j’ai pu heureusement rattraper.
— Et alors, quoi ? lui demanda le brigadier, qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse de votre cheval ? Vous ne vous imaginez pourtant pas que je m’en vais le garder au poste ? `A la fourri`ere !
Et Fandor eut beau parlementer, s’insurger, supplier, courir m^eme `a deux autres postes de police, il ne pouvait arriver `a se d'ebarrasser du cheval.
De guerre lasse, il finit en effet par mener la b^ete `a la fourri`ere.
— D'ecid'ement, dit-il `a l’employ'e qui lui d'elivrait un r'ec'episs'e, si jamais je retrouve un cheval 'egar'e sur la voie publique, comment donc que je m’empresserai de ne pas le recueillir. Ah zut alors ! c’est trop amusant de tra^iner jusqu’`a quatre heures du matin pour arriver `a s’en d'efaire !
Or, tandis que Fandor effectuait ainsi d’abord ses recherches, puis enfin sa promenade m'elancolique `a travers Paris jusqu’`a la fourri`ere, la bande des apaches se reformait dans un bouge de Grenelle.
L’enthousiasme 'etait `a son comble. On applaudissait la Recuerda, on la portait presque en triomphe :
— Bravo la m^ome, `a ta sant'e !
— Tr`es bien la Recuerda, `a ton honneur !
— Fameux, fameux, ah, ce qu’il a d^u rigoler le palefrenier !