L'agent secret (Секретный агент)
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« Cette mort est assez myst'erieuse. Le capitaine, qui, par ses fonctions, d'ependait du Deuxi`eme Bureau de l’'Etat-Major, avait des relations dans des milieux qu’il serait int'eressant de conna^itre. J’en ai parl'e tout `a l’heure avec le ministre de l’Int'erieur et le ministre de la Guerre. Tous deux sont d’accord pour que nous proc'edions `a une enqu^ete assez discr`ete, minutieuse. Vous ^etes l’homme tout d'esign'e…
Une heure apr`es l’entretien qu’il venait d’avoir avec M. Dupont (de l’Aube), J'er^ome Fandor, pantalon retrouss'e, col du pardessus relev'e traversait, sto"ique sous la pluie, l’Esplanade des Invalides, 'eclair'ee par quelques becs de gaz.
Le journaliste arriva de l’autre c^ot'e de la place, `a la rue Fabert, regarda le num'ero de la premi`ere maison qui se trouvait devant lui, suivit un instant le trottoir, en tournant le dos `a la Seine, puis enfila la rue de l’Universit'e et parvint `a l’avenue de Latour-Maubourg.
J'er^ome Fandor se rappelait ce qu’avait dit Dupont : interviewer le baron de Naarboveck, lier connaissance avec une jeune personne du nom de Bobinette, telles 'etaient les grandes lignes de sa mission. Il n’'etait pas inquiet sur l’issue de son interview. Ce n’'etait pas la premi`ere occasion dans laquelle Fandor faisait pareille besogne, et cette fois la t^ache 'etait facilit'ee par la lettre de recommandation que M. Dupont (de l’Aube) lui avait donn'ee pour obtenir un entretien de M. de Naarboveck.
Un autre journaliste que Fandor serait 'evidemment all'e droit chez le personnage `a interviewer, ne songeant pas `a s’'ecarter de sa mission. Mais Fandor avait une id'ee de derri`ere la t^ete. D’abord inspecter les lieux. Contournant le p^at'e de maisons qui limitait la rue de l’Universit'e, il 'etait all'e dans l’avenue de Latour-Maubourg afin de se rendre compte si l’h^otel 'etait double ou simple, s’il avait une ou deux issues.
Lorsqu’il faisait une enqu^ete, il songeait, certes, `a atteindre droit le but qu’il se proposait mais il songeait aussi `a l’impr'evu.
L’inspection de Fandor fut courte. L’h^otel, en effet, comportait deux entr'ees : celle de l’avenue de Latour-Maubourg 'etait r'eserv'ee au service.
La facade de l’h^otel donnait sur la rue Faber. Une cour par derri`ere le s'eparait de l’avenue de Latour-Maubourg, il 'etait compos'e de trois grands 'etages, b^atis sur un rez-de-chauss'ee sur'elev'e de quelques marches.
Fandor retourna `a l’Esplanade des Invalides et se promena quelque temps sous les arbres, surveillant les all'ees et venues du voisinage.
Soudain une automobile, une limousine fort 'el'egante, s’arr^eta devant la maison de M. de Naarboveck. Un homme d’un certain ^age en descendit et s’engouffra sous un portail qui s’'etait ouvert d`es l’approche de la voiture.
— Naarboveck, pensa Fandor. La voiture rentre, le patron ne sortira plus.
Peu apr`es cette opinion 'etait encore confirm'ee ; le m'ecanicien ayant enlev'e sa livr'ee sortit de l’h^otel et partit.
— Bon ! observa Fandor, le
Ensuite deux femmes, jeunes en apparence, qui entr`erent dans l’immeuble ; puis vingt minutes s’'ecoul`erent.
Les pi`eces du premier 'etage jusqu’alors demeur'ees sombres s’illumin`erent successivement, l’h^otel sembla s’'eveiller et Fandor allait se d'ecider `a sonner lorsqu’un taxi-auto amena devant la porte un quatri`eme personnage. Fandor s’approcha de celui-ci, au moment o`u il r'eglait sa course. C’'etait un jeune homme 'el'egant, distingu'e, tr`es blond, portant la moustache mince et longue `a la gauloise. Ses attitudes trahissaient sa profession : un officier en civil, `a n’en pas douter.
Fandor contourna l’immeuble une fois encore, il arrivait devant la facade de l’avenue de Latour-Maubourg, lorsqu’il vit un petit p^atissier s’introduire dans la maison.
Naarboveck habite seul avec sa fille, m’a dit M. Dupont (de l’Aube), se dit le journaliste, c’est donc qu’il recoit du monde `a d^iner ce soir. Renoncant `a son id'ee premi`ere : se pr'esenter tout de suite au diplomate, Fandor d'ecida apr`es r'eflexion :
— Ma foi, je m’en vais d^iner aussi. Autant leur donner une heure de r'epit.
Le journaliste savait, par exp'erience, combien il est mauvais d’interviewer les gens lorsqu’ils sont press'es, attendus, ou `a jeun.
Fandor avisa un marchand de vins. Trois quarts d’heure apr`es, Fandor sortait de la boutique, ayant mal d^in'e, mais compl`etement renseign'e sur l’existence priv'ee et publique du personnage chez lequel il allait se rendre. Il avait fait bavarder ses voisins, le patron de l’'etablissement ; Fandor aurait pu dire `a quelle heure se levait Naarboveck, quelles 'etaient ses habitudes, s’il faisait maigre le vendredi et le prix qu’il payait ses cigares.
***
— M. de Naarboveck, s’il vous pla^it ?
Neuf heures sonnaient, en effet.
— C’est ici qu’il demeure, monsieur, r'epondit le serviteur.
Fandor tendit sa carte, ainsi que la lettre de M. Dupont (de l’Aube).
— Voulez-vous passer ceci, demanda-t-il et me faire savoir si M. de Naarboveck peut me recevoir ?
Le concierge invita le jeune homme `a le suivre.
Ils gravirent les marches du perron, le portier sonna, un valet de pied en petite livr'ee se pr'esenta aussit^ot et prit des mains du portier la lettre et la carte destin'ees `a M. de Naarboveck.
Le domestique, longuement 'epela le nom de Fandor grav'e sur le bristol, regarda l’inconnu, esp'erant qu’il pr'eciserait d’une parole le but de sa visite, mais J'er^ome Fandor demeurait impassible et comme sa qualit'e de journaliste ne figurait point sur sa carte, le domestique en fut pour sa curiosit'e.
— Veuillez attendre un instant ici, fit le laquais d’un air assez aimable, je m’en vais aller voir si monsieur recoit.
Fandor demeura seul dans un vaste hall aux meubles Renaissance o`u des tapisseries de haute lice d'eroulaient sur les murs leurs 'epop'ees grandioses en somptueux tableaux.