Бретонская любовь. Избранные стихотворения
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Sa po'esie correspond `a ces consid'erations. Telle une 'eponge, elle absorbe le climat et l’atmosph`ere de l’Armor. Une certaine douceur de ton lui est propre, elle 'evite la d'emesure et le mani'erisme des 'epith`etes. On y rel`eve des notes nostalgiques: le regard se perd `a suivre les rivages marins qui s’'eloignent `a l’infini.
Dans les landiers gris, le long du rivage,Sala"un chantait sous les deux dolents:– Avec les pluviers et les go'elands,Mon coeur est parti sur la mer sauvage…Il a 'et'e le t'emoin des changements radicaux dans sa province 'eloign'ee du centre qui, peut-on dire `a son corps d'efendant, s’est vue projet'ee du moyen-^age dans l’`ere industrielle et la soci'et'e de consommation. Les conflits li'es au partage des sph`eres d’influence, les migrations massives de population, l’enseignement la"ique obligatoire, le d'eveloppement effr'en'e des moyens de transport ont conduit `a la disparition des particularit'es r'egionales et `a l’uniformisation de tout et de chacun. Dans la pr'eface de Po`etes de la mer, il 'evoque la g'en'eration d’Apollinaire, de Biaise Cendrars, de Jean Cocteau, de Valery Larbaud avec leur vertigineux sens plan'etaire, quand
On peut remarquer que depuis le dernier quart du dix-neuvi`eme si`ecle a d'ebut'e un processus actif de globalisation qui ne s’est jamais arr^et'e jusqu’`a ce jour. Conscient que la Bretagne des l'egendes et des mythes 'etait en train de dispara^itre `a jamais, Charles Le Goffic s’est fix'e pour but de transcrire et de sauver ce qui pouvait l’^etre. Suite `a ses convictions conservatrices, r'egionalistes et chr'etiennes, il collabore avec Charles Maurras dans l’Action francaise et fonde en 1886 avec ses amis Maurice Barr'es et Raymond de La Tailh`ede la revue litt'eraire Les Chroniques.
Par la force de ses traditions familiales et son attachement `a la Bretagne historique, il demeure fid`ele au catholicisme. Les Bretons, quand ils se sont convertis au Christianisme, ont conserv'e une bonne part de leur riche h'eritage celte de croyances et de l'egendes. Le po`eme Membra Dei laisse deviner les traces d’une narrativit'e propre aux bardes celtes tout en demeurant assez fid`ele au contenu du douzi`eme chapitre de la premi`ere 'ep^itre aux Corinthiens de l’ap^otre Paul. Dans le po`eme, Dieu descend de son tr^one dans notre mis'erable sph`ere humaine et s’y dilue de facon mystique.
O`u vous croyez qu’il tr^one `a la droite du P`ere,Lui pla^it moins que notre humble et mis'erable sph`ere.Et, dans l’immensit'e de la mis`ere humaine,Son corps divin, que vous cherchez au firmament,C’est comme dilu'e myst'erieusement.Dans son discours de r'eception `a l’Acad'emie francaise du 4 juin 1931, Le Goffic pose des questions essentielles qui demeurent d’une br^ulante actualit'e.
«La science, «la nouvelle Idole», va-t-elle d'etr^oner Dieu et, d'esormais, le monde sera-t-il sans myst`ere ou si les t'en`ebres spirituelles doivent nous presser de plus en plus? Et d'ej`a Berthelot entrevoyait un stade de civilisation o`u manger, aimer, – penser aussi sans doute, quand nous aurons l’'ecole unique – se traiteraient chimiquement et perdraient toute leur importance».
Le nouvel acad'emicien ach`eve son long discours par une derni`ere interrogation rh'etorique avec une r'eponse possible en latin: «– solutio totius difficultatis Christus, «Le Christ qui r'esout toutes les difficult'es»?
Charles Le Goffic n’a pas encore trente ans quand Anatole France, laur'eat d’un prix Nobel qui n’avait encore rien perdu de son prestige, lui consacre un grand article. Il souligne fort justement le r^ole qu’`a jou'e la famille du jeune po`ete dans ses pr'ef'erences litt'eraires. Son p`ere, Jean-Francois Le Goffic, 'etait imprimeur et 'editeur. Dans sa petite imprimerie de Lannion, il 'editait et imprimait les textes des bardes, leurs chants, leurs po`emes, leurs l'egendes, en continuit'e avec les traditions celtes et m^eme avec celles des druides qui avaient v'ecu sur ces terres avant la venue des Celtes. Anatole France cite Charles Maurras qui d'ecrit ainsi les r'eunions annuelles dans la maison de Le Goffic
Selon Anatole France, l’art po'etique de Le Goffic «est rare, pur, achev'e». Dans son article, il cite 'egalement Paul Bourget: «Ces vers donnent une impression unique de gr^ace triste et souffrante. Cela est `a la fois tr`es simple et tr`es savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui `a toucher certaines cordes de cet archet-l`a, celui d’un m'en'etrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi».
Le Goffic a pay'e son tribut au romantisme, pr'ecoce et tardif, qui a ouvert la voie au mysticisme, au personnalisme et `a l’individualisme. Le Parnasse l’a attir'e en tant que ma^itre de la composition po'etique, auteur d’un trait'e de versification, par la grande attention qu’il pr^etait aux probl`emes de forme. Andr'e Ch'enier, Th'eodore de Banville, Paul Verlaine, po`etes qu’il admirait tout particuli`erement, ont exerc'e sur lui une influence certaine. Et Paul Bourget a raison de souligner les liens particuliers qui le liaient `a Gabriel Vicaire. Plus qu’une camaraderie, il partageaient la m^eme compr'ehension profonde de ce que devait ^etre selon eux la po'esie de leur temps. Rapprocher la langue po'etique du parler populaire qui n’avait pas perdu son substrat historique, ses l'egendes, son folklore.
Dans son article Gabriel Vicaire ou la plaisante histoire d’un Bressan devenu Breton, il cite une lettre de Vicaire que celui-ci lui a adress'ee: «Mon r^eve serait d’introduire dans notre po'esie francaise une forte dose de po'esie populaire. Je vois que cette id'ee fait son chemin: je n’ai cess'e de la r'epandre de mon mieux».
Dans cet article il d'efinit le d'eveloppement de la po'esie de Vicaire en des termes qu’on peut, cent ans plus tard, appliquer `a Le Goffic lui-m^eme.
«Le vers de Gabriel Vicaire, d'ej`a si souple et si libre, se fait plus musical encore, m^elant les rythmes, se jouant aux allit'erations et aux assonances internes et qu’en m^eme temps que son sensualisme s’affine une 'emotion plus p'en'etrante, une d'elicieuse fleur de r^eve s’'eveille en lui».
C’est tout particuli`erement dans ses po`emes d’amour qui occupent une place d’honneur dans son 'ecriture – ses oeuvres compl`etes commencent par un cycle intitul'e Amour Breton — qu’on percoit la facon dont il construit sa d'epiction, le principe de description visuelle de sa po'etique. Le Goffic n’utilise pratiquement jamais les objets qui s’offrent directement `a son regard. Dans sa m'emoire, comme sur la palette d’un peintre s’organisent des images n'ees d’une impulsion spirituelle, que son inspiration redessine apr`es les avoir fix'ees, recompose avec d’autres pour cr'eer ses vers. Ce qui explique l’attention particuli`ere qu’il pr^ete au folklore populaire et plus g'en'eralement `a tout ce qui constitue la m'emoire d’une soci'et'e. La m'emoire est la mati`ere qu’il travaille. Prenons par exemple cette petite pi`ece, comme la nomme fort justement Anatole France.
Il neige `a nos vitres glac'ees;Mais viens! Durant les mauvais mois,Les ^ames des fleurs tr'epass'eesHabitent encore dans les bois.L’air s’impr`egne d’odeurs plus douces.Voici le lilas et voici,Avec la sil`ene des mousses,La fleur dolente du souci.Et de toutes ces fleurs ensemble,Par je ne sais quels lents accords,'Emane un parfum qui ressembleAu parfum secret de ton corps.