L'agent secret (Секретный агент)
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Les pr'evisions du commandant Dumoulin soudain, se trouvaient boulevers'ees. Ce n’'etait plus le train-train habituel du Conseil, mais brusquement, pour son entr'ee en fonctions, le gros proc`es, la cause sensationnelle. Donc, apr`es avoir fort mal dormi, le commandant 'etait arriv'e de bonne heure `a son bureau pour travailler avec ses collaborateurs. Heureusement, il avait trouv'e, parmi ses substituts, un jeune officier tr`es au courant, z'el'e, le lieutenant Servin.
— Lieutenant, nous allons proc'eder sans plus attendre `a l’interrogatoire du caporal Vinson. Faites-le demander, je vois sur le registre d’'ecrou qu’il occupe la cellule vingt-six…
— Pardon, mon commandant. Vinson, 'ecrou'e ce matin `a la prison du Cherche-Midi, doit ^etre actuellement dans les b^atiments du Conseil, o`u il occupe la cellule vingt-sept.
— Vous faites erreur ; dans la cellule vingt-sept se trouve un individu nomm'e Butler.
— Oui, mon commandant, Butler, c’est Vinson…
— Je ne comprends pas. Vous devez faire une confusion, lieutenant. Le caporal Vinson a 'et'e arr^et'e hier `a la gare Saint-Lazare. On l’a conduit ici et 'ecrou'e dans la cellule vingt-six. l’en ai d’ailleurs 'et'e inform'e par une d'ep^eche priv'ee, `a mon domicile…
— Mon commandant, le caporal Vinson, qui se cachait sous le nom de Butler, a 'et'e arr^et'e cette nuit, ou, pour mieux dire, ce matin, `a la gare de Calais, comme il arrivait d’Angleterre. L’arrestation a 'et'e effectu'ee par l’inspecteur de la S^uret'e Juve, qui a men'e son prisonnier, vers six heures ce matin, au Cherche-Midi : c’est l’occupant de la cellule vingt-sept.
— Voyons, lieutenant, grogna le commandant, vous perdez la t^ete. Puisque Vinson a 'et'e arr^et'e hier `a la gare Saint-Lazare, il est 'evident qu’on ne l’a pas arr^et'e cette nuit `a Calais. Vinson et Butler, ca fait deux !…
— Je vous demande pardon, mon commandant, ca ne fait qu’un !
— Il suffit, lieutenant Servin. Faites-moi chercher le caporal Vinson qui occupe la cellule vingt-six.
— Bien, mon commandant !
***
— Approchez. Vous ^etes bien le caporal Vinson ?
— Non, mon commandant.
— ^Etes-vous le caporal Vinson, oui ou non ?
La m^eme r'eponse, avec la m^eme nettet'e, tomba des l`evres de l’inculp'e :
— Non, mon commandant !
L’officier allait 'eclater, quand Servin dit `a voix basse :
— Mon commandant, quelqu’un d'esire ^etre recu par vous, tout de suite.
Le commandant lut sur le bristol :
— Que veut-il ? demanda le commissaire du gouvernement .
— Mais c’est ce policier qui a arr^et'e le caporal Vinson…
— Eh bien ! rugit Dumoulin dont l’exasp'eration s’accroissait, il arrive `a pic, ce particulier-l`a ! faites entrer.
Une seconde apr`es, Juve 'etait dans le cabinet de Dumoulin, qu’il saluait d’un aimable sourire :
— Figurez-vous que cet animal, ajouta-t-il en regardant s'ev`erement l’inculp'e, ne veut pas avouer son identit'e !…
Juve allait droit `a l’officier et, sans regarder le militaire qui se trouvait `a contre-jour :
— C’est moi, mon commandant, d'eclara-t-il, qui ai proc'ed'e `a l’arrestation du caporal Vinson, en cons'equence, j’ai cru devoir venir me mettre `a votre disposition…
— Vous avez joliment bien fait, s’'ecria Dumoulin en coupant la parole `a l’inspecteur de la S^uret'e ; eh bien ! obtenez donc qu’il avoue. Obligez-le `a nous dire s’il est oui ou non le caporal Vinson !
Dumoulin, d’un geste th'e^atral, d'esignait `a Juve le prisonnier.
Mais le policier resta bouche b'ee, cependant que le militaire, instinctivement, allait `a lui d’un mouvement vif, spontan'e :
— Fandor !
— Juve !
— Ah ! par exemple, qu’est-ce que cela signifie ?…
— Cela signifie, Juve, que je suis arr^et'e aux lieu et place du caporal Vinson !
— Pas le moins du monde, j’arrive de Londres et j’ai arr^et'e Vinson hier soir `a Calais !… Mais me diras-tu, Fandor, comment il se peut que je te retrouve sous cet uniforme ?
Le journaliste 'eclata de rire :
— Mon cher Juve, j’en ai pour deux heures `a vous en raconter avant que vous ne compreniez un mot de cette affaire. Mon commandant, je dois vous confirmer qu’en effet je ne suis pas le caporal Vinson, mais bien un journaliste… que vous connaissez peut-^etre de nom : J'er^ome Fandor, r'edacteur `a La Capitale. Si vous me voyez sous cette tenue, ou pour mieux dire, dans l’esp`ece, sous ce
Le commandant Dumoulin, de plus en plus interdit, regardait successivement le policier, le journaliste, son greffier… Il se tourna, congestionn'e, 'ecarlate, du c^ot'e du lieutenant Servin. Celui-ci, d`es le d'ebut de cette sc`ene vaudevillesque, 'etait all'e dans son bureau donner un ordre `a un secr'etaire qui pr'ecis'ement venait de revenir.
Et le lieutenant ayant enregistr'e la r'eponse que lui apportait le sous-officier rentrait juste dans le cabinet du commandant au moment o`u celui-ci le cherchait des yeux. Le lieutenant haletait comme sous le coup d’une 'emotion indicible.
Enfin il s’expliqua :
— Mon commandant… Monsieur Juve… Un 'ev'enement inattendu…, une chose invraisemblable que j’apprends `a l’instant… Je venais de donner l’ordre de faire amener ici, imm'ediatement, le caporal Vinson, le vrai, celui que M. Juve a arr^et'e sous le nom de Butler, or, il para^it qu’en arrivant dans sa cellule, il est mort.
— Qu’est-ce que vous dites ? interrog`erent ensemble Juve et Dumoulin.
— Je dis qu’il est mort ! r'ep'eta le lieutenant.