L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Ah, c`a, qu’est-ce qui te prend ? Es-tu folle ? Que veux-tu me faire ?
— Je veux te crever. Entends-tu bien ? Te crever, car tu n’as jamais m'erit'e autre chose.
H'el`ene demeurait interdite. Fleur-de-Rogue poursuivait :
— Imb'ecile, fit-elle, crois-tu donc que je suis venue jusqu’ici, que je t’ai amen'ee dans ce patelin perdu pour le seul plaisir de t’aider `a te d'ebarrasser d’un m^ome dont je me fiche ? Crois-tu donc que, depuis quarante-huit heures, je te fais bonne figure et je te passe de la pommade pour le simple plaisir de te voir me dire des gentillesses ? Non, non, La Gu^epe, tout cela n’existe pas. Voil`a plus de deux ans que j’ai mis dans ma t^ete que j’aurai ta peau et l’heure a sonn'e. Il y a une justice, sacr'e bon Dieu, et les vermines de ton esp`ece, c’est fait pour engraisser les cimeti`eres, pas pour emb^eter les vivants.
— Mais que me reproches-tu donc ? Que t’ai-je fait, Fleur-de-Rogue ?
— Ce que tu m’as fait ? Tu as besoin de le savoir. Souviens-toi simplement, la Gu^epe, que tu as bien mauvaise m'emoire, que tu as fait expr`es d’oublier.
— D’oublier ? r'ep'eta H'el`ene, de plus en plus interdite, je ne comprends pas.
— Oui, d’oublier que c’est toi qui as d'etourn'e de moi mon premier homme, Jean-Marie, et qui l’a fait tomber dans les pattes de ta canaille de p`ere, dont il n’est sorti qu’avec la t^ete s'epar'ee du corps. Tu oublies que c’est gr^ace `a toi et par ta faute que la Bande des T'en'ebreux a 'et'e poiss'ee par la police et que Ribonard, mon deuxi`eme homme, a 'et'e assassin'e par Fant^omas. Tu oublies, la Gu^epe, que le Bedeau, mon amant, malgr'e toi, malgr'e tout le monde, a failli claquer rapport `a ton amant Fandor et que, hier encore, Fandor a voulu l’assassiner. Tu t’imaginais comme ca, grande niaise, que j’allais te laisser faire toutes tes combines sans faire de rousp'etance et qu’`a tous tes sales coups, j’allais r'epondre : amen, comme toutes les mignardes qui vont `a l’'eglise 'ecouter les boniments du cur'e. Non, non, ca n’a rien `a faire. La Gu^epe, je t’ai attir'ee ici parce que je connaissais la t^ole, parce que j’en ai caus'e depuis longtemps avec le Bedeau, qui ne te porte pas dans son coeur, lui non plus. Il voulait venir te faire ton affaire. J’ai refus'e, je lui ai dit que ca me regardait, moi seule, et que moi seule je voulais avoir la joie de te d'etruire. Ah, malheureuse, tu as coup'e dans le pont. Tu as march'e dans l’histoire de la tante Gertrude et de sa ni`ece Catherine, j’en rigole maintenant. Penses-tu qu’elle existe la tante ? Non, la Gu^epe, elle n’existe pas plus que la ni`ece. D’abord, moi, je n’ai pas de famille, on m’a trouv'ee dans le ruisseau o`u je barbote depuis ma naissance et j’y barboterai toujours, je m’en vante, seulement, le ruisseau, c’est ton sang maintenant qui va le remplir.
Comme une furie, Fleur-de-Rogue s’'etait pr'ecipit'ee sur H'el`ene, et c’'etait d'esormais, entre les deux femmes une lutte terrible et sauvage. H'el`ene avait ramass'e pr`es d’elle une b^uche de bois et menacait d’en frapper sa terrible adversaire. Mais celle-ci avait une arme plus redoutable, un 'enorme couteau, dont la lame miroitait, dont la pointe ac'er'ee menacait `a chaque instant le visage, la poitrine de l’infortun'ee fille de Fant^omas. `A deux ou trois reprises, H'el`ene avait r'eussi `a parer le coup fatal, `a 'eviter la blessure meurtri`ere, mais cette lutte 'etait in'egale et la jeune fille sentait que, peu a peu, ses forces allaient l’abandonner.
Fleur-de-Rogue 'etait plus forte qu’elle et la col`ere qui l’animait d'ecuplait sa vigueur. Une petite fen^etre donnant sur la for^et 'etait ouverte et H'el`ene avait appel'e au secours. Plainte inutile. Comme l’avait dit Fleur-de-Rogue, la sinistre masure 'etait bien isol'ee au milieu de cette for^et d'eserte. Dans un angle de la pi`ece, H'el`ene avait d^u reculer et, d'esormais, Fleur-de-Rogue la serrait de pr`es. Elle avait comprim'e un des bras de la jeune fille sous l’'etreinte puissante de sa main nerveuse et elle le tordait ce bras `a le faire craquer, arrachant `a H'el`ene un affreux cri de douleur. De sa main rest'ee libre, Fleur-de-Rogue brandissait le couteau. Elle allait le plonger dans le sein de celle qu’elle consid'erait d'ej`a comme sa victime et, pour appuyer son geste d’un blasph`eme, Fleur-de-Rogue hurla :
— Cr`eve donc, cr`eve !
Mais son cri s’arr^eta dans sa gorge et s’acheva par une plainte, une plainte qui n’'etait autre qu’un r^ale. Une d'etonation venait de retentir, Fleur-de-Rogue tombait en arri`ere, en g'emissant, un flot de sang s’'echappait de sa m^achoire fracass'ee, de sa gorge ouverte. Que s’'etait-il pass'e ? H'el`ene se relevait d’un bond, se penchait sur la pierreuse et, avec les yeux agrandis par l’'epouvante, elle assistait, crisp'ee par l’'emotion, aux derniers spasmes de la ma^itresse du Bedeau qui agonisait en se tordant.
`A deux ou trois reprises, Fleur-de-Rogue essaya de se soulever, malgr'e la douleur effroyable qu’elle 'eprouvait, une de ses mains cherchait le couteau qu’elle avait d^u l^acher, l’autre se portait `a son visage, `a sa m^achoire fracass'ee, puis la pierreuse tomba lourdement sur le sol. Elle 'etait morte.
Cependant, H'el`ene 'etait demeur'ee quelques secondes paralys'ee de surprise et d’effroi, unique t'emoin de cet horrible spectacle. Mais une pens'ee, soudain, lui venait `a l’esprit :
Elle cria :
— Mais qui donc ?
D’un bond, la jeune fille couru `a la fen^etre ouverte sur la for^et. Elle se pencha dans l’embrasure 'etroite, regarda aux abords de la maison, il faisait tout noir, elle ne voyait rien. Mais, cependant, au bout de quelques instants, ses yeux, qui s’'etaient habitu'es `a l’obscurit'e, devinaient plut^ot qu’ils ne voyaient nettement une ombre qui se profilait `a la lisi`ere des arbres. H'el`ene tressaillit d’'emotion, c’'etait une ombre humaine, une ombre aux formes gracieuses, 'el'egantes, il n’y avait pas `a en douter : c’'etait une femme qui s’enfuyait, qui disparaissait au loin, s’enfoncait dans la nuit, mais quelle 'etait cette femme ?
25 – LE MA^ITRE CHANTEUR
Fant^omas, qui, depuis quelque temps d'ej`a, avait r'eussi `a se faire passer, aupr`es de certaines personnes, pour le c'el`ebre policier Juve, arrivait ce matin-l`a d’un pas pr'ecipit'e `a Saint-Denis, s’engouffrait dans la rue de l’Estacade et carillonnait `a la porte de la propri'et'e occup'ee par la famille Granjeard.
Les ateliers venaient de s’ouvrir depuis quelques instants seulement. Il n’'etait que huit heures et demie du matin. Fant^omas attendit sous le porche de la maison cependant qu’il jetait un regard sournois et rapide sur l’enfilade des ateliers et des vastes hangars qui s’'elevaient tout autour de l’immeuble.
Avec une audace inou"ie, une t'em'erit'e fantastique, le bandit revenait `a la charge. Il n’h'esitait pas `a se pr'esenter dans la famille Granjeard et il le faisait sans redouter, en apparence du moins, les cons'equences de la conversation que la veuve et ses deux fils avaient eue, la veille, avec le v'eritable Juve, venu pr'ecis'ement les voir au moment o`u Fant^omas se pr'esentait, ce qui, d’ailleurs, avait d'etermin'e le bandit `a s’enfuir, non sans avoir gliss'e au pr'ealable dans la poche du policier la chevelure de Blanche Perrier, qu’il avait assassin'ee.
Fant^omas ignorait que Juve n’avait pas r'ev'el'e sa personnalit'e et qu’il s’'etait pr'esent'e `a Mme Granjeard sous le nom du courtier en vins. C’est pourquoi le bandit 'etait anxieux de conna^itre les d'eclarations 'eventuelles de Juve, c’est `a quoi il songeait lorsqu’il sonna. Son visage avait une expression dure, tourment'ee. Machinalement, Fant^omas palpait sous l’'epaisseur de son v^etement `a l’int'erieur de sa poche, la crosse de son revolver.
— Il est bien charg'e, cette fois, se disait-il, on ne sait pas ce qui peut arriver.