L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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— Oh pardonne-moi, Taxi, ca n’est pas press'e. J’aurais simplement voulu avoir de ses nouvelles, mais je vois que ca t’ennuie. N’en parlons plus.
Taxi, en effet, devait ^etre ennuy'e par cette conversation, car il avait fronc'e les sourcils, mais, surtout, une vive rougeur lui 'etait mont'ee au front et il avait tressailli comme malgr'e lui.
— Je suis en retard, je suis en retard, grommela-t-il.
Et, en h^ate, il se fit rouler sur le palier, commenca `a d'egringoler les marches, ce qui attira aussit^ot Riquet qui, portant le petit Jacques, n’eut aucune peine `a le faire 'eclater de rire :
— Regarde le bonhomme, vois comme il d'egringole les escaliers. 'Ecoute sur les marches, boum, boum. Non, mais ce qu’il est rigolo, ce Taxi.
Mais brusquement, Riquet rentra dans le logement de Blanche Perrier, d'eposa l’enfant `a c^ot'e de sa m`ere, et murmura `a l’oreille de cette derni`ere :
— Je me d'ebine, Blanche Perrier, v’l`a ton homme !
— Vrai ? s’'ecria la jeune femme, dont les yeux p'etillaient de joie.
— Puisque je te le dis. Je l’ai vu, comme je te vois… Il montait l’escalier pendant que Taxi d'egringolait en bas. M^eme qu’il a failli y avoir un abordage. Au revoir, ma vieille, `a bient^ot, on viendra prendre de tes nouvelles.
Riquet s’'etait `a peine 'eclips'e qu’entrait Didier Granjeard.
— Blanchette, ma pauvre petite Blanchette, murmura-t-il, quel malheur, que de choses, que de tristesses.
Mais avant de s’en entretenir, il tendit des billets de banque `a Blanche :
— Ce sont mes 'economies. Avec ca, tu peux parer au plus press'e. Apr`es, on verra.
Et il lui expliqua o`u en 'etait ses affaires.
Attentivement, Blanche Perrier l’'ecouta : les chiffres que Didier lui avait donn'es l’'etourdissaient un peu, elle en comprenait mal l’importance, n’ayant jamais ou"i parler d’aussi fortes sommes d’argent. Mais elle 'etait intelligente et se rendait compte qu’il s’agissait d’int'er^ets 'enormes et que la fortune de Didier d'ependait de son attitude `a elle.
Blanche Perrier n’h'esita pas :
— Didier, fit-elle, 'ecoute bien ce que je vais te dire : tu vois que je te parle sans arri`ere-pens'ee. Je me suis donn'ee `a toi librement, voici deux ans, non point parce que tu 'etais le fils du patron de la maison dans laquelle je travaillais comme ouvri`ere, et que j’esp'erais tirer de nos relations un b'en'efice. Je n’aurais d’ailleurs pas agi de la sorte. C’est au-dessus de mes forces. J’ai 'et'e ta ma^itresse simplement, parce que je t’aimais, mon Didier, je ne t’ai jamais rien demand'e, tu ne m’as rien promis, et nous n’avons d’engagement ni l’un ni l’autre. Si tu restes avec moi en d'epit de ta famille, tu auras les pires ennuis et la plus grande mis`ere. Si tu me quittes, au contraire, c’est pour toi la richesse et le bonheur. N’h'esite pas, Didier, va-t’en, oublie-moi, comme je m’efforcerai de t’oublier.
Mais Didier l’interrompit. Il prit la main de Blanche Perrier, obligea la jeune femme `a se retourner `a demi. Et comme celle-ci ob'eissait, tous deux se trouv`erent face `a face avec le petit Jacques qui jouait paisiblement sur le plancher avec sa vieille poup'ee :
— Blanchette, murmura doucement Didier, je me demande `a quoi tu penses ? Mais, m^eme si nous devions agir ainsi l’un et l’autre, si nous pouvions nous s'eparer comme cela, froidement, quelque chose devrait nous retenir, quelqu’un nous retiendrait, notre enfant, Blanchette… Nous sommes d'esormais l’un `a l’autre, unis pour toujours. Je ne t’abandonne pas, tu ne me quitte jamais.
— Je ne suis qu’une pauvre ouvri`ere, murmura-t-elle, et je ne sais pas dire de beaux mots comme toi, mon Didier, mais je comprends `a tes paroles combien tu m’aimes.
***
Les deux amants avaient pass'e, apr`es leurs tendres effusions du matin, une journ'ee tr`es douce et tr`es calme. Il avait fait beau dans l’apr`es-midi et comme un rayon de soleil 'etait venu vers quatre heures rompre la monotonie pluvieuse du temps, ils avaient 'et'e en bons bourgeois paisibles, promener le petit Jacques au Square de la Chapelle. L’enfant y avait jou'e, puis, on 'etait rentr'e, Blanche Perrier avait fait en cours de route quelques emplettes pour le d^iner que les amants m'editaient de partager dans leur modeste logis. Didier, un peu moins triste, 'etait all'e acheter une bonne bouteille de vin.
Dans l’atmosph`ere ti`ede du petit logement, Blanche avait rapidement pr'epar'e son d^iner, mis le couvert cependant que Didier, 'etudiant la position de quelques meubles qui garnissaient `a peine le logement bien simple et bien exigu pourtant,, s’'etait dit qu’il lui faudrait acheter une armoire et une table pour ses propres affaires. Entre-temps, il avait expliqu'e `a Blanche qu’il trouverait certainement du travail. Un de ses amis lui avait promis de le faire entrer comme courtier dans une compagnie d’assurances. Blanche se placerait dans quelque industrie, apr`es tout, on ne vivrait pas trop mal, on pourrait ^etre heureux.
Et puis enfin Didier ne d'esesp'erait pas d’obtenir de sa m`ere l’argent auquel il avait droit.
Blanche Perrier ne comprenait pas grand chose `a ces histoires compliqu'ees de comptes, elle n’en retenait que ceci : c’est que si Didier avait voulu l’abandonner, il pourrait ^etre millionnaire, alors que s’il restait avec elle, il se condamnait `a la pauvret'e.
Apr`es le d^iner, Didier 'ecrivit une lettre.
— Pour qui est-ce ? demanda Blanche.
— C’est pour ma m`ere, fit le jeune homme. Je tiens `a pr'eciser nettement la situation, je lui raconte que je ne veux pas rentrer chez elle et que je ne la reverrai pas avant que nos affaires ne soient d'efinitivement r'egl'ees.
— Tu aurais d^u la pr'evenir plus t^ot.
— Pourquoi ?
— Elle t’attend peut-^etre ce soir, tu aurais d^u rentrer, oui, tu devrais m^eme rentrer, qui sait apr`es tout si ta m`ere n’a pas chang'e d’opinion, si elle n’est pas d'ecid'ee `a s’arranger avec toi.
— J’en doute, on voit que tu ne la connais pas.
— C’est 'egal, fit Blanche, tu ferais mieux de partir, demain tu reviendras pour ne plus me quitter, mais ce soir, crois-moi, rentre chez ta m`ere.
Didier h'esitait.
Perplexe, Didier se leva apr`es avoir achev'e sa lettre :
— Je descends, dit-il, mais je crois bien que je remonterai.
— Tu auras tort, fit Blanche, crois-moi, rentre chez ta m`ere, ce soir au moins.
Didier prit son chapeau. Il embrassa sa ma^itresse.
— Je ne sais pas du tout ce que je vais faire, dit-il, et c’est tr`es d'elicat pour moi de choisir. 'Ecoute, c’est bien simple : si, dans un quart d’heure, je ne suis pas remont'e, c’est que j’aurai suivi ton conseil et alors, je ne te reverrai plus que demain.