La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
Шрифт:
Il ralluma, ramassa sur le sol son revolver d’abord, puis le revolver que son agresseur avait abandonn'e au moment o`u il se jetait sur lui, tout pr`es de l’arme enfin, il ramassa un paquet, un paquet soigneusement fait, peu volumineux et relativement lourd.
— Qu’est-ce que c’est que ca ? se demanda Juve.
Puis, une id'ee soudain se fit jour dans son esprit.
— Oh, oh, songea le policier, vais-je donc avoir enfin un peu de chance ? ce petit paquet ne contient-il pas ce que Timol'eon Fargeaux aurait perdu `a l’Imp'erial H^otel ?
Accroupi sur le sol, Juve d'efit h^ativement les ficelles, puis la toile cir'ee. Les mains de Juve tremblaient un peu. Il devait se douter sans doute de ce qu’il allait d'ecouvrir, mais `a peine eut-il ouvert le paquet qu’une exclamation de surprise, d’horreur presque, s’'echappait de ses l`evres. Le paquet que Juve venait de retrouver dans l’'egout, qui avait 'et'e jet'e par l’homme en fuite, contenait tout simplement un gros 'eclat d’obus, un 'eclat couvert de sang, dont les bords 'etaient tranchants et pr'esentaient des traces de cassure tr`es fra^iches.
— Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? d’o`u peut provenir cet extraordinaire 'eclat d’obus et pourquoi est-il souill'e de sang ? D'ecid'ement je comprends de moins en moins.
Juve, cependant ne r'efl'echit que fort peu de temps `a la trouvaille qu’il venait de faire. C’est m^eme avec une grande h^ate qu’il s’occupa `a refaire le paquet qu’il venait d’ouvrir inconsid'er'ement. Les ficelles renou'ees, Juve 'eteignit sa lampe, se rapprocha du soupirail de l’'egout, regarda :
Sur la chauss'ee de la rue Christine, `a quatre pas du trottoir, un homme se tenait, un homme qui 'etait Timol'eon Fargeaux, et Juve le voyait qui regardait le sol. Juve n’h'esita pas.
D’une voix qu’il d'eguisait, le policier appela :
— Monsieur Fargeaux, par ici.
Dans la rue, le mari de Delphine tressaillit.
— Par ici, continuait Juve, vous connaissez nos conventions ?
Timol'eon Fargeaux, cependant, regardait de tous c^ot'es, n’ayant point l’air de savoir d’o`u on pouvait lui parler.
— De mieux en mieux, pensa Juve, je crois d'ecid'ement que je suis sur la bonne piste.
Et il acheva :
— Les conventions que je vous proposais dans ma lettre, les acceptez-vous ?
— Je suis pr^et `a les accepter, r'epondait Timol'eon Fargeaux, mais o`u ^etes-vous ?
Juve ne r'epondit pas tout de suite.
— Si vous ^etes d'ecid'e, faisait-il, `a me donner satisfaction, pr'eparez-vous `a me payer.
Timol'eon Fargeaux, d'ej`a, fouilla dans son portefeuille :
— Voici les vingt-cinq mille francs, dit-il, en tirant une enveloppe. O`u allez-vous me donner ce que vous m’avez promis ?
— Ici m^eme, affirma Juve, penchez-vous vers l’'egout.
Pendant que Timol'eon Fargeaux s’agenouillait, paraissant fort 'etonn'e, `a hauteur de la bouche d’'egout, Juve, par cette m^eme bouche, tendais l’obus envelopp'e et r'ep'etait :
— Donnant, donnant, voici ce que vous m’avez demand'e, donnez-moi l’argent.
Timol'eon Fargeaux tendit vers la main qu’il voyait sortir de l’'egout, et sans d’ailleurs pouvoir distinguer les traits de son interlocuteur, une large enveloppe bourr'ee de billets de banque. En m^eme temps, il se saisissait avec une h^ate extr^eme du paquet que lui offrait Juve.
— Vous ^etes satisfait ?
Mais Juve n’acheva pas. `A peine 'etait-il en possession du paquet que Timol'eon Fargeaux, sans en examiner le contenu, le mit dans sa poche, s’'eloigna en toute h^ate.
Il 'etait en quelques m`etres hors de la vue de Juve qui n’entendait plus que son pas, s’'eloignant de plus en plus.
Cette fois le policier 'etait abasourdi.
— Je n’y comprends plus rien de rien, s’avouait Juve, dix minutes plus tard, sortant de l’'egout, en assez piteux 'etat en raison des chutes qu’il avait faites dans le ruisseau, je n’y comprends rien de rien, mais il y a quelque chose qui me semble nettement d'emontr'e. C’est d’abord que je viens de jouer le r^ole d’un ma^itre chanteur et ensuite, que Timol'eon Fargeaux est une belle crapule.
***
Lorsque, la veille, Juve avait apercu le marchand de grains comptant sept enjamb'ees, puis quatre, et s’immobilisant au centre de la chauss'ee, il n’avait, `a vrai dire, rien devin'e, aux motifs qui pouvaient conduire le mari de Delphine Fargeaux `a se livrer `a une pareille manoeuvre.
Lorsqu’il avait 'et'e en possession des morceaux de la lettre d'echir'ee par Timol'eon Fargeaux, la lumi`ere s’'etait faite en son esprit :
— Parbleu, s’'etait dit Juve, tout cela doit vouloir dire ceci : on offre `a Timol'eon Fargeaux de lui restituer quelque chose, moyennant vingt-cinq mille francs s’il veut se rendre au milieu de la chauss'ee de la rue Christine.
Juve alors s’'etait imm'ediatement rendu, malgr'e l’heure tardive de la nuit, dans la petite rue Christine. Avec son habituelle perspicacit'e, Juve n’avait pas 'et'e long `a remarquer qu’`a proximit'e de l’endroit d'esign'e se trouvait une bouche d’'egout :
— H'e, h'e, s’'etait alors dit Juve, est-ce qu’un ma^itre chanteur ing'enieux ne pourrait pas avoir eu cette id'ee : convoquer sa victime dans une rue d'eserte, lui dire :
Le proc'ed'e qu’inventa Juve 'etait en effet nouveau et v'eritablement surprenant. Si r'eellement il s’agissait d’un chantage, le chantage s’annoncait d’une facon int'eressante : on disait `a Timol'eon Fargeaux, en prenant des formes myst'erieuses : « Venez au milieu de la rue Christine, apportez vingt-cinq mille francs et l’on vous rendra ce que vous avez perdu. »
Juve n’avait pas h'esit'e `a conclure que l’on ne pouvait offrir ainsi au grainetier que les document qui lui avaient 'et'e soustraits dans le vol de l’Imp'erial H^otel.