La main coup?e (Отрезанная рука)
Шрифт:
Au moment de partir, ses yeux se mouill`erent de larmes :
— Bouzille, s’'ecria-t-il, en prenant dans ses bras le chemineau, adieu mon ami, mon fr`ere.
Les deux hommes s’'etreignirent. Puis se hissant p'eniblement jusqu’`a l’appui de la fen^etre, le bonneteur l’enjamba, disparut dans le vide… Bouzille le regardait descendre, lui prodiguant ses conseils, lui signalant de temps `a autre les anfractuosit'es de la muraille o`u il pouvait prendre appui.
Puis, le bonneteur disparut dans l’ombre et, `a un moment donn'e la corde 'etant redevenue souple, le chemineau rest'e seul dans sa cellule se rendit compte que l’'evad'e avait atteint le fond du ravin. Bouzille alors d'enoua la corde et l’envoya rejoindre le fugitif.
Tant bien que mal il remit en place le barreau coup'e ; il ne voulait pas avoir d’ennuis, il ne devait pas laisser croire que lui aussi pouvait avoir eu l’intention de se sauver.
Le chemineau alors, 'etouffant un b^aillement, s’'etendit sur son matelas.
Puis, avant de s’endormir, il d'eclara en guise de conclusion :
— Bah, j’avais envie d’avoir un compagnon, et voici que je suis content qu’il soit parti. Certes, ce Mario Isolino n’est pas un mauvais homme, mais enfin je ne le connais pas plus que ca, il aurait pu me voler mes v^etements ou me faire quelques tours pendant mon sommeil. Pour se reposer tranquille quelque part, il vaut mieux ^etre seul.
L`a-dessus Bouzille se souhaitait bonsoir `a lui-m^eme puis s’endormit profond'ement, seul prisonnier peut-^etre de toute cette prison, v'eritable prison familiale d’ailleurs o`u nul ne se pr'eoccupait des prisonniers, o`u l’on ne faisait pas la moindre surveillance pendant la nuit, convaincu que ceux qui s’y trouvaient n’auraient jamais l’intention de s’en aller.
***
Mario Isolino, descendu dans le ravin, tr'ebucha, se d'echira la peau aux broussailles. Des ronces lui ensanglant`erent le visage, il se piqua les doigts aux 'epines :
— Sale aventoure, sale aventoure, grogna-t-il et dire qu’en sortant d’ici io vais trouver la m`ere H'eberlauf.
Pour un peu et si Bouzille n’avait pas d'etach'e la corde Mario Isolino aurait r'eint'egr'e sa cellule.
N'eanmoins, courbant la t^ete et r'esign'e `a sa situation, le bonneteur poursuivait son chemin, remontant par un sentier rocailleux et plein d’emb^uches au sommet du ravin.
Mais lorsqu’il y fut parvenu, une surprise inattendue l’attendait.
Ce n’'etait pas M meH'eberlauf qu’il trouva en face de lui, c’'etait un homme, un homme envelopp'e d’un long manteau noir, un masque sur le visage :
— Approche, avait command'e cet homme, en voyant Mario Isolino 'emerger du ravin.
Le bonneteur stup'efi'e par cette apparition se tra^inait plut^ot qu’il n’approchait aux pieds de l’inconnu :
— Ze vous demande bien pardon, faisait-il, ze ne veux pas vous faire de mal.
— Parbleu, s’'ecria l’homme en ricanant, il ne manquerait plus que cela.
Mais le myst'erieux personnage continuait :
— Tu t’es mis dans un bien mauvais cas, mon garcon. Lorsqu’on s’'evade d’une prison on encourt des peines s'ev`eres et s’il me pla^it de te reconduire dans quelques instants `a tes ge^oliers, tu seras jet'e dans une v'eritable oubliette, et charg'e de fers.
— Gr^ace, pleura Mario Isolino.
L’homme le releva d’un coup de pied :
— Je t’'epargnerai, peut-^etre, si tu ob'eis.
— Ze zouis `a vos ordres.
— Lorsqu’on ob'eit aux ordres de Fant^omas on s’en trouve toujours bien.
Mario Isolino crut s’'evanouir. Comment, c’'etait Fant^omas.
Cependant que Mario Isolino, de plus en plus terroris'e, consid'erait avec respect celui que la rumeur publique avait baptis'e le G'enie du Crime, Fant^omas ordonnait :
— Tu vas partir, Mario Isolino, tu vas descendre jusqu’`a la c^ote, tu vas rejoindre une bande qui attend au bord de la mer mes ordres d'efinitifs. Tu rencontreras ces braves gens aupr`es de la grotte o`u habite Bouzille.
Le c'el`ebre bandit tira alors de dessous son manteau une sorte de filet aux allures de filet de p^eche, il le remit au bonneteur.
Il ajouta encore :
— Tu demanderas `a parler au Bedeau. Tu lui diras :
« Il sait ce que cela veut dire.
« Apr`es quoi, Mario Isolino, quoi qu’il arrive, quoi qu’il advienne, tu ob'eiras aveugl'ement aux ordres du Bedeau et souviens-toi toujours que si tu commettais quelque incartade ce serait `a Fant^omas que tu devrais en rendre compte. Allez, fous le camp.
***
Mario Isolino d'egringola rapidement le sommet du ravin, se dirigea au pas de course dans la direction de la falaise.
Certes, il 'etait fort ennuy'e d’^etre embarqu'e dans une aventure myst'erieuse maniganc'ee par Fant^omas, mais cette aventure avait cela de bon, tout au moins, qu’elle l’arrachait momentan'ement, et, peut ^etre pour toujours, aux sympathies exag'er'ees, `a l’amour exc'edant, `a la farouche passion de l’excellente M meH'eberlauf.
***
— J'er^ome Fandor.
— Ouf, qu’y a-t-il ?
— Allons, pas de mani`eres. Debout.
— Ma"is que me voulez-vous ?
— T’occupe pas, jeune homme, ob'eis, sans quoi le rigolo va parler.
Brusquement arrach'e au sommeil, J'er^ome Fandor voyait braqu'es sur lui plusieurs canons de revolver :
Ah c`a, par exemple, que lui arrivait-il encore ?
Avec stup'efaction le journaliste regardait l’homme qui le menacait ainsi et derri`ere lequel se trouvaient trois ou quatre individus aux mines farouches, qui semblaient fort d'ecid'es `a ne pas laisser le journaliste s’'ecarter d’un pouce de la ligne de conduite qu’on voulait lui imposer.
— Bougre, pensa Fandor, voil`a qu’il y a encore de « l’eau dans le gaz », que signifie cette nouvelle histoire ?
J'er^ome Fandor 'etait ext'enu'e par ses marches, contremarches, courses folles pendant toute la nuit.
Fandor, depuis qu’il avait arr^et'e et ligot'e Ivan Ivanovitch, pourchass'e la fille de Fant^omas, fui avec elle devant Juve, couru retrouver le policier, pour repartir sur les traces de Fant^omas, n’avait pas ferm'e l’oeil.
Les incidents du Casino ne devaient pas contribuer `a lui rendre le calme.