Le magistrat cambrioleur (Служащий-грабитель)
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— Dieu que je suis b^ete, murmura-t-il et il regardait amus'e, se d'etachant sur le texte du quotidien, les gros caract`eres gras de ce titre : « Cherchez la Femme ». Fandor s’'etait amus'e, la veille, par pur dilettantisme, et parce qu’il n’avait rien de mieux `a faire, `a proposer une explication au vol myst'erieux de Saint-Calais, qui, de la paisible petite ville de la Sarthe, commencait `a 'eveiller des 'echos jusque dans la haute soci'et'e parisienne.
« Cherchez la Femme
Et Fandor, avait d'evelopp'e ce th`eme :
« Du moment qu’il s’agit d’un vol de bijoux, ce vol a d^u ^etre commis pour une femme ou par une femme.
« Du moment qu’il s’agit d’un vol incompr'ehensible, ce vol a d^u ^etre commis par ce qu’il y a de plus incompr'ehensible au monde, par l’^etre 'enigmatique par excellence, par une femme.
« Du moment que sont seuls soupconnables, deux individus d’honorabilit'e parfaite, M. Chamb'erieux et le marquis de Tergall, il est certain que ces personnes n’ont pu ^etre entra^in'ees `a un acte ind'elicat que par un affolement passionnel, que par un amour, que par une femme. »
Et apr`es avoir envisag'e toutes les cons'equences de ces axiomes, Fandor avait termin'e son article par des phrases lapidaires :
« Le marquis de Tergall est mari'e, avait pr'ecis'e J'er^ome Fandor ; le bijoutier Chamb'erieux est c'elibataire. Nous ne voulons pas supposer que le marquis de Tergall ait une ma^itresse, nous serions fort 'etonn'es que le bijoutier n’en e^ut pas. Or, ce n’est pas pour une femme l'egitime que l’on vole apr`es trente ans d’honorabilit'e, c’est pour une ma^itresse. Il semble donc bien que M. Chamb'erieux soit la personnalit'e la plus incriminable. Cherchez la femme. Cherchez la femme de Chamb'erieux. »
Fandor, toujours couch'e dans son lit, continuait `a rire en lisant son papier :
— Ma foi, murmurait le journaliste, ce que j’ai 'ecrit l`a d'epasse, en cr'etinisme accumul'e, tout ce que j’avais os'e 'ecrire jusqu’ici. Je n’ai oubli'e qu’une seule chose, j’aurais d^u mettre le cur'e hors de cause, en 'etablissant qu’un cur'e ne peut pas avoir de femme. Hum. Enfin, cela ne fait rien. Si j’'etais M. Chamb'erieux, je prendrais le train aujourd’hui m^eme et je viendrais flanquer une paire de gifles `a l’excellent J'er^ome Fandor.
J'er^ome Fandor s’appr^etait `a se rendormir tout tranquillement, lorsqu’il sursauta violemment. On carillonnait `a sa porte.
— Allons, bon, grommela le reporter, voil`a encore quelqu’un qui s’imagine que j’ai des habitudes matinales.
Le visiteur devait
Pour toute r'eponse, Fandor se retourna dans son lit.
— On n’a pas id'ee de ca, maugr'eait le journaliste, venir me voir `a huit heures du matin.
Un troisi`eme coup de sonnette, prolong'e, lui coupa la parole.
— Zut, cria le journaliste, rigoureusement d'ecid'e `a ne pas se lever. On verra bien qui se lassera.
Mais une id'ee soudain agitait Fandor :
— Si c’'etait de la part du journal ?
Fandor chassa vite cette supposition :
— Non, du journal on ne viendrait pas me voir `a cette heure-ci, on t'el'ephonerait.
Fandor, malheureusement, n’avait pas formul'e cette supposition, qu’un nouveau carillon retentissait dans sa chambre.
Il provenait pr'ecis'ement de l’appareil t'el'ephonique plac'e `a la t^ete de son lit, et cette fois, le journaliste bondit :
— Ah c`a, ils ont jur'e de se donner rendez-vous. En voil`a des raseurs.
On continuait de carillonner `a la porte.
— Bon Dieu, hurla Fandor, qui, soudain, venait de se d'ecider `a quitter sa nonchalante torpeur : Patientez, que diable, je vais vous ouvrir tout de suite. On m’appelle au t'el'ephone.
La sonnerie de la porte s’arr^eta. Fandor d'ecrocha le r'ecepteur de l’appareil t'el'ephonique et, maussade, hurla :
— Allo ?
C’'etait une voix inconnue qui lui demandait :
— C’est bien `a M. J'er^ome Fandor, auteur de l’article « Cherchez la femme » que j’ai l’avantage de parler ?
— `A lui-m^eme, r'epondit Fandor, qui, en m^eme temps grimaca en songeant :
— Voil`a le nomm'e Chamb'erieux qui rousp`ete.
Mais ce n’'etait pas Chamb'erieux.
— C’est Fant^omas qui vous parle, et Fant^omas vous ordonne de ne pas vous occuper des affaires de Saint-Calais.
Un d'eclenchement sonore suivit imm'ediatement la fin de la phrase.
Le correspondant avait raccroch'e son t'el'ephone.
— Nom de Dieu, murmura le journaliste. Fant^omas ! Fant^omas m’ordonne. Fant^omas est m^el'e aux affaires de Saint-Calais.
Puis avec son insouciante gaiet'e habituelle, Fandor soudain 'eclata de rire :
— Eh bien, il en a un culot, Fant^omas, de me r'eveiller `a huit heures du matin pour me flanquer des ordres.
L’'eclat de rire de Fandor, toutefois, fut brusquement interrompu.
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