L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Fant^omas.
Naturellement, au nom de sang, au nom du Tortionnaire, au nom du Glorieux – car pour tous les apaches, Fant^omas passait pour une v'eritable Gloire –, l’int'er^et se manifestait sur tous les visages :
— Fant^omas, criait-on, t’en as des nouvelles, OEil-de-Boeuf ? Ouss’ce qu’il est ?
Et, de fait, tous les bougres r'eunis l`a pouvaient se demander ce qu’'etait devenu le bandit.
Depuis l’affaire de l’autobus, depuis l’affaire de la Banque, sauf aux Buttes-Chaumont, nul dans la p`egre ne l’avait revu.
T^ete-de-Lard 'etait le dernier qui lui avait parl'e, et naturellement, chacun songeait qu’un jour ou l’autre, Fant^omas reviendrait se mettre `a la t^ete de la bande.
— Ce qu’il m'edite, continuait pourtant OEil-de-Boeuf, vous ne le savez pas, les copains ?
— Non, quoi ?
— Para^it qu’il va zigouiller sa gonzesse !
Mais `a ces mots, la stup'efaction se peignit sur tous les visages. Certes, personne, parmi tous ces apaches ne connaissait exactement la vie de Fant^omas, ce qu’il voulait, ce qu’il faisait, ce qu’il 'etait en r'ealit'e. Pourtant, les uns et les autres soupconnaient `a peu pr`es, s’ils ne le savaient point v'eritablement, que Fant^omas avait une ma^itresse qui s’appelait lady Beltham, qui 'etait une femme de la haute et qui l’aimait tendrement. Les journaux, `a maintes reprises, avaient parl'e de cette 'enigmatique personne. Interrog'e sur ce point, Fant^omas avait d'edaign'e de r'epondre, mais cependant avait laiss'e entendre qu’il 'etait vrai qu’il avait une ma^itresse et qu’il l’aimait. Et voil`a que c’'etait cette femme, cette
`A ne jamais conna^itre exactement la ma^itresse de Fant^omas, tous s’'etaient habitu'es `a la diviniser un peu, `a la consid'erer comme une cr'eature extraordinaire.
Et Fant^omas voulait la tuer ?
Ah non, cela ne prenait pas.
— C’est rigolo tout de m^eme, disait Bec-de-Gaz, ce qu’OEil-de-Boeuf a l’imagination puissante ! Voil`a maintenant qu’il jaspine que Fant^omas veut crever sa poule. Non mais des fois ! Ouss’qu’il a 'et'e p^echer ca ?
Et Mort-Subite ajouta :
— Parbleu, si on voulait ^etre renseign'e, faudrait voir `a trouver B'eb'e. Lui la conna^it, lady Beltham. Il pourrait bien nous dire si y sait qu’il y a eu du grabuge dans le m'enage.
B'eb'e, jadis, en effet, avait rencontr'e lady Beltham lorsqu’il l’avait conduite, batelier improvis'e, au Phare de l’Adour [28]. B'eb'e pour cela m^eme, jouissait d’une certaine r'eputation aupr`es de ses compagnons. Mais B'eb'e n’'etait pas l`a.
Et puis, OEil-de-Boeuf insista :
— Eh bien les potes, d'eclarait l’apache, c’est pourtant tout juste exactement comme je vous le dis. C’est le bruit qui court partout. Cet apr`es-midi, on me l’a dit aux Halles, et il para^it que ca se r'ep'etait aussi `a Montrouge. Fant^omas en a assez de la dame, et il lui a proprement 'ecrit qu’il allait la zigouiller.
— Quand ? demanda Bec-de-Gaz.
— Cette nuit ! M^eme que Juve avec tous les flics de la Tour Pointue [29] sont autour de la gironde [30], histoire de lui faire un rempart. Tu parles que si Fant^omas veut descendre sa gerce, ca va le g^ener le moins du monde.
Et OEil-de-Boeuf qui 'etait d'ecid'ement lanc'e, tapait `a tour de bras sur la table :
— Hol`a, p`ere Korn, une tourn'ee g'en'erale ! C’est moi qui raque, et v’l`a les sous. On boit `a la sant'e de Fant^omas qui redevient garcon. Para^it que c’est son go^ut, `a c’t’homme, d’^etre un peu veuf.
Il y eut des grands rires. Puis quelqu’un sursauta :
— Tiens, qui c’est qui vient de refermer la porte ?
Du m^eme geste, tous tourn`erent la t^ete. Un homme inconnu, `a figure de pauvre h`ere, qui paraissait sommeiller `a l’entr'ee du mastroquet, 'etait parti.
Les autres, un instant, demeuraient stup'efaits, inquiets de cette disparition furtive. Le p`ere Korn, lui se pr'ecipitait.
— Ah nom de Dieu ! hurlait le cabaretier. Et il n’a pas raqu'e, ce salaud-l`a !
Mais, arriv'e `a la table o`u l’homme avait pris place, le p`ere Korn s’immobilisa.
— Eh ben, mes cochons, radinez voir…
Les apaches se bouscul`erent. Sur la table il y avait un louis de vingt francs. `A c^ot'e, il y avait, grav'e, `a la pointe du canif sur le vernis du bois, une inscription :
« Fant^omas vous prie tous de vous taire, il n’aime pas les bavards ».
La grande Berthe avait 'epel'e cette phrase d’une voix tremblante.
— C’'etait lui, bon Dieu ! hurla-t-elle.
Et le Bedeau lui-m^eme confirmait la supposition :
— S^ur que c’'etait lui !
Puis OEil-de-Boeuf avait un claquement de langue :
— M’est avis que si Fant^omas est parti, s’il court les rues `a c’t’heure-ci, cette nuit pr'ecis'ement, eh bien, la lady Beltham elle n’a qu’`a se tenir sa peau `a deux mains et `a pr'eparer du fil pour la recoudre au besoin. Le Fant^omas pourrait bien s’^etre barr'e pour aller la crever…
***
Sorti du cabaret du p`ere Korn, Fant^omas avait suivi la rue de la Charbonni`ere et gagn'e les boulevards ext'erieurs en grande h^ate.
Il n’avait pas perdu un mot de ce qu’avaient dit les apaches et, entr'e au cabaret tout souriant, ne paraissant nullement pr'eoccup'e, il en sortit le front soucieux, se mordant les l`evres, l’air hagard.
Fant^omas 'etait-il tout simplement furieux de voir que l’on savait dans la p`egre la myst'erieuse affaire de la menace de mort adress'ee `a lady Beltham ?
'Etait-il, au contraire, boulevers'e en apprenant que tout le monde croyait que c’'etait lui qui menacait sa ma^itresse ?
Fant^omas, ayant march'e jusqu’`a la place Clichy, puis ayant baiss'e le col de son veston, arrang'e savamment sa casquette pour se donner l’air plus pr'esentable, il h'ela un taxi-auto.
L’infernal bandit poss'edait vraiment l’art subtil de se grimer en moins de rien. Il lui suffisait de changer quelques d'etails `a son costume, d’affecter une nouvelle d'emarche, pour devenir m'econnaissable. Dans le cabaret du p`ere Korn, Fant^omas avait eu l’air d’un pauvre bougre, d’un apache. Place Clichy, il apparaissait plut^ot comme un honn^ete ouvrier attard'e.