La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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En revanche, du tas des lettres, tombait une s'erie de t'el'egrammes qu’il se h^ata de d'ecacheter. Le premier lui arrachait une exclamation de surprise :
Ce t'el'egramme disait :
Viens d’urgence Imp'erial H^otel Biarritz.
C’'etait sign'e : Juve.
— Oh, oh, s’exclama Fandor, et c’est dat'e d’hier. Il n’y a pas `a h'esiter, c’est bien ce que je disais `a ma respectable concierge : il faut que je reparte.
Un second t'el'egramme, dat'e de l’avant-veille et 'emanant aussi de Juve, 'etait non moins myst'erieux :
Je t’attends le plus vite possible `a Beylonque, Landes. Arrive.
— D'ecid'ement, remarquait Fandor, Juve a besoin de moi. Le pauvre, il doit se demander pourquoi je ne suis pas arriv'e plus t^ot.
Une autre d'ep^eche, une premi`ere, avait d^u ^etre envoy'ee au moment o`u l’affaire Granjeard avait trouv'e sa solution :
F… disparu, Granjeard innocent'es. Havard m’exp'edie 'eclaircir une affaire myst'erieuse, je te tiendrai au courant. Juve.
Cette troisi`eme d'ep^eche en mains, Fandor perdit quelques minutes `a r'efl'echir, `a m'editer. Puis, avec son imp'etuosit'e de caract`ere habituelle, il se redressa et commenca par jurer, saisi d’une subite et ironique col`ere :
— Ah bien, elle est raide, celle-l`a, murmurait le jeune homme, et l’on m’y reprendra `a me balader sur des toitures vitr'ees pour, de l`a, tomber dans des bras de femme-m'edecin. Cette sacr'ee Mme Olivet, avec son histoire de jambe cass'ee, vient de me jouer un sale tour. D’apr`es ce que je trouve ici, Juve est encore lanc'e dans une s'erie d’aventures int'eressantes, et tandis que je buvais des tisanes trop sucr'ees, il avait besoin de moi et il m’appelait. Bougre de nom d’un chien ! Et de plus, Juve me parle de Fant^omas. Cr'edibis`eque !
Au m^eme moment on sonnait `a la porte du petit appartement. Fandor courut ouvrir, un t'el'egraphiste lui tendit une formule dont il d'echira le pointill'e en h^ate. C’'etait une nouvelle d'ep^eche de Juve.
Suis tr`es inquiet de ne pas te voir, disait le policier, viens, il s’agit de F…, t'el'egraphie si tu es malade.
Il s’agit de F… ?
Dans toute la d'ep^eche, Fandor ne vit que cette ligne en apparence insignifiante. Mais F…, dans le langage convenu dont Juve et lui se servaient, d'esignait Fant^omas. Si Juve t'el'egraphiait `a deux reprises diff'erentes qu’il s’agissait de F…, c’est qu’une fois encore, le policier 'etait sur la piste du bandit, c’est qu’aussi Juve avait r'eellement besoin de Fandor.
— Comment diable le pr'evenir ? songeait le journaliste, comment lui dire que j’arrive ?
Par mesure de s^uret'e, en effet, il 'etait depuis longtemps entendu entre les deux amis que lorsqu’il s’agissait d’affaires polici`eres, ils ne devaient jamais, l’un ou l’autre, se t'el'egraphier, sauf `a leur domicile parisien. D’apr`es cette convention, Fandor ne devait pas envoyer de d'ep^eche `a Juve, et cela 'etait assez naturel, car il 'etait logique de redouter qu’un autre avant Juve pr^it connaissance du t'el'egramme.
— Tant pis, murmurait Fandor, apr`es avoir r'efl'echi, il m’attendra encore aujourd’hui, parbleu. Il y a un train ce soir, je serai demain matin, pas trop tard, aupr`es de mon vieil ami, et `a nous deux…
Fandor n’acheva pas. Une h^ate f'ebrile s’emparait de lui.
Quatre `a quatre, il d'egringolait ses 'etages, allait chercher sa concierge, l’appelait :
— Eh, jolie Madame, V'enus manqu'ee, t^achez de vous grouiller un peu. Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, je pars en voyage. Il faut faire ma valise, allez, hop ! Soyez aussi leste que vous ^etes belle.
La brave femme qui 'etait la concierge de Fandor n’'etait plus `a s’'etonner des 'ecarts de langage. Elle savait de longue date que Fandor plaisantait toujours et que si, en apparence, il semblait se moquer d’elle, en r'ealit'e, il 'etait bon garcon et t^achait de lui donner satisfaction chaque fois qu’elle avait besoin de lui.
— Voil`a, voil`a, Monsieur Fandor, je monte tout de suite ! Sortez les affaires dont vous avez besoin, je vais venir vous les ranger dans votre valise.
Fandor, en toute h^ate, remontait ses 'etages. Mais quand, un quart d’heure plus tard, la brave concierge, ayant fini de pr'eparer son d^iner, monta rejoindre le journaliste, elle le croisait qui descendait quatre marches par quatre marches, tra^inant un lourd et grand sac.
— Seigneur, Dieu, J'esus, s’'ecria la pipelette, vous ^etes donc pr^et, Monsieur Fandor ? Vous avez donc fait votre valise ?
— Parbleu, r'epondit le journaliste, passant en trombe, j’ai tout pris et j’ai tout flanqu'e dedans au hasard. Dame, ca doit ^etre une jolie salade. Mais ca n’a pas d’importance. J’ai un train dans une demi-heure, il ne faut pas que je le manque.
— Et vous allez loin ?
— Je ne sais pas.
— Vous reviendrez bient^ot ?
— Je l’ignore.
— Mais vos lettres ? Votre courrier ?
— Zut !
Sur cette derni`ere r'eponse p'eremptoire, Fandor, qui avait atteint le bas de l’escalier, se h^ata de sortir de chez lui. Il h'ela un fiacre, lui jeta l’adresse de la gare, puis enfin souffla un peu.
— Tout de m^eme, murmurait Fandor, quand je pense que mon r^eve est d’arriver `a devenir gras, je crois qu’il serait bon que j’y renonce. Quelle vie, seigneur Dieu, quel m'etier !
`A la gare, Fandor ahurissait la buraliste pr'epos'ee `a la distribution des billets :
— Donnez-moi un aller premi`ere classe pour Biarritz, demandait-il, je vais me faire r'eserver un wagon couchette, mais j’exige qu’il n’y ait avec moi ni cur'es, ni femmes. Tous les cur'es que j’ai connus, et je n’en ai d’ailleurs connu qu’un seul, 'etaient d’abominables bandits. Quant aux femmes, je suis si joli garcon qu’elles deviennent amoureuses de moi et cela me casse bras et jambes, ou plut^ot non, les jambes seulement. Vous comprenez, Mademoiselle ?
La jeune pr'epos'ee, 'evidemment, ne comprenait pas. Sans mot dire, elle donna `a Fandor le billet que celui-ci r'eclamait, et Fandor la supplia, en r'eponse, de bien faire attention `a ses paroles.