La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Delphine Fargeaux fit mine d’h'esiter un instant, puis rougissant jusqu’`a la racine des cheveux, elle murmura, d’une voix s^ure :
— Eh bien, Messieurs, je suis pr^ete, jamais je n’aurai trop de reconnaissance pour les bont'es de Son Altesse, je vous suivrai jusqu’`a elle.
Le marquis r'eprima un sourire, parut interloqu'e :
— Mais, pardon, et en se d'ecidant `a regarder enfin Mme Fargeaux, mais ce n’est pas `a vous, Madame, que je m’adresse en ce moment.
— Comment ? il ne s’agit pas de moi ? Mais de qui donc, alors ?
Le marquis s’inclina plus profond'ement encore. D’un geste qui ne pouvait permettre aucun doute, il d'esigna H'el`ene.
— Il s’agit, fit-il, de Madame, ou de Mademoiselle.
H'el`ene sursauta :
— Que signifie, Monsieur ? s’'ecria-t-elle, la voix vibrante de col`ere, est-ce une plaisanterie ?
— Je ne plaisante jamais, Madame, lorsqu’il s’agit d’affaires aussi s'erieuses que les amours de Son Altesse Royale. Je suis charg'e de vous amener aupr`es d’elle.
— Mais, interrompit Delphine Fargeaux, il y a certainement erreur, c’est moi, moi Delphine Fargeaux qu’aime Son Altesse Royale. Voyons, Monsieur le marquis, vous vous souvenez bien de ce qui s’est pass'e il y a huit jours `a peine.
Le majordome de l’infant d’Espagne s’inclina de plus en plus, multipliant les obs'equieuses salutations :
— Depuis huit jours les sentiments de don Eugenio se sont modifi'es, et ce n’est plus de vous. Madame, qu’il est 'epris, mais de votre compagne. Je ne me trompe pas, fit-il, en regardant `a nouveau H'el`ene, c’est bien Madame dont il s’agit que j’ai eu l’honneur de rencontrer cet apr`es-midi `a Bayonne, j’ai eu l’honneur de la suivre jusqu’ici, j’aurai l’honneur de la ramener avec moi.
Cependant que Mme Fargeaux jetait un regard de haine et de col`ere `a H'el`ene, celle-ci protestait :
— Jamais de la vie, Monsieur, vous jouez l`a une com'edie indigne, vous remplissez un r^ole abject, je ne veux pas en entendre plus, sortez.
Cependant le majordome avait fait un signe, et en l’espace d’une seconde les deux Espagnols qui se tenaient derri`ere lui s’'etaient pr'ecipit'es sur H'el`ene, s’empar`erent d’elle.
En vain la fille de Fant^omas essaya-t-elle de lutter. Toute r'esistance 'etait impossible. 'Etouffant de col`ere, elle hurlait :
— Mais c’est odieux, abominable, l^achez-moi imm'ediatement, je ne veux pas, je ne veux pas.
Delphine Fargeaux joignait ses protestations `a celles de la fille de Fant^omas :
— C’est indigne, criait-elle, c’est de moi que don Eugenio est amoureux, et c’est elle que vous emmenez.
Le majordome hochait la t^ete :
— Je sais ce que je fais, Madame.
Furieuse, Delphine courait `a leur poursuite :
— Je vous d'enoncerai, hurla-t-elle, je lancerai la police `a vos trousses.
Les ravisseurs d’H'el`ene, emmenant la captive, la firent monter de force dans l’automobile, celle-ci d'emarra sous les yeux stup'efi'es de Delphine Fargeaux `a qui le marquis de Viva Corte jeta comme adieu :
— Nous n’avons rien `a craindre, Madame. Dans deux heures nous aurons pass'e la fronti`ere.
Et il se pencha sur H'el`ene, `a demi-morte, paralys'ee d’'emotion, suffoquant de col`ere :
— Ne prenez donc pas les choses au tragique, Madame, vous verrez que c’est pour votre bien, Son Altesse est si charmante, je gage que d’ici quarante-huit heures c’est vous qui me remercierez.
***
Delphine Fargeaux, rentr'ee dans le ch^ateau d'esert, d'esempar'ee, s’arr^eta machinalement devant une glace et s’y mira :
— Je suis pourtant tr`es bien, fit-elle, et je ne comprends pas Son Altesse. Ah, si don Eugenio m’avait vue en grand deuil, avec ce noir qui me va si bien.
Mais soudain son visage se d'ecomposa, ses yeux s’emplirent de terreur :
— Mon Dieu, balbutia la jeune femme, qui est l`a ?
Derri`ere son image, la glace venait de refl'eter une vision terrifiante. C’'etait la silhouette d’un homme aux larges 'epaules, `a la t^ete coiff'ee d’un grand chapeau sombre, au visage dissimul'e sous une cagoule.
Delphine se retourna. Le personnage aux apparences redoutables 'etait devant elle, immobile, revolver `a la main.
— Qui ^etes-vous ? que voulez-vous ? souffla Delphine.
— Qui je suis ? Fant^omas. Qui je veux ? ma fille. Qu’est-elle devenue ?
— Fant^omas ? votre fille ? Je ne comprends pas. Que voulez-vous dire ?
D’un geste brutal, Fant^omas avait attir'e aupr`es de lui la jeune femme dont il serrait le poignet dans l’'etau de ses doigts robustes :
— Allons, r'eponds ? Je n’ai pas de temps `a perdre. Ma fille 'etait avec toi voici une heure `a peine. Qu’est-elle devenue ?
Delphine Fargeaux, `a demi-morte d’effroi, balbutia :
— Elle est partie. Les Espagnols l’ont enlev'ee.
— Mal'ediction, hurla Fant^omas, je suis arriv'e trop tard.
Ses yeux brillaient d’un 'eclat tellement sinistre, son visage refl'etait une expression de f'erocit'e telle, sous la cagoule noire, que Delphine Fargeaux, terroris'ee, tomba `a genoux devant lui, joignit les mains :
— Gr^ace, supplia-t-elle, ne me faites pas de mal. Ne me tuez pas.
— Imb'ecile, ricana Fant^omas, tu vas mourir.
Et il levait son arme.
C’en 'etait trop pour Delphine Fargeaux, la malheureuse s’'etait 'evanouie.
Fant^omas, cependant, ne tirait pas. Un instant, il regarda sa future victime qui gisait sur le sol, il h'esita une seconde. Puis le bandit, brusquement, remit son revolver dans la poche de son veston :
— `A quoi bon ? fit-il en haussant les 'epaules, cette femme n’y est pour rien. Je vais simplement l’enfermer quelque part pour 'eviter les bavardages.
Fant^omas tourna les talons, bondit `a la porte du ch^ateau, disparut dans la nuit, emportant dans ses bras Delphine Fargeaux inanim'ee.