La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Et un d'esir irr'esistible, une envie folle s’emparait de la jeune fille. Elle voulait `a tout prix voir Juve, avoir par lui des nouvelles de Fandor. Elle 'etait pr^ete `a risquer le tout pour le tout, oui, il fallait qu’elle retourne le plus vite possible au ch^ateau de Garros.
Sa d'ecision prise, H'el`ene n’h'esita plus. Une demi-heure plus tard, elle quittait les apaches, regagnait son logement `a Bayonne, mais pour n’y passer qu’un instant : elle allait partir pour le ch^ateau de Garros, c’'etait d'ecid'e.
23 – LA FAVORITE
Il 'etait neuf heures du soir environ lorsque H'el`ene arriva au ch^ateau de Garros. La jeune fille avait eu la chance de trouver, `a la gare de Bayonne, un train omnibus desservant toutes les stations, ce qui lui permit d’atteindre la petite gare, distante seulement du ch^ateau de quinze cents m`etres.
La nuit 'etait noire et un l'eger brouillard obscurcissait encore le trajet que faisait la jeune fille sur une route d'eserte `a travers la for^et de pins.
De fortes senteurs de r'esine lui montaient au cerveau, cependant qu’un air sain et vivifiant s’'echappait de la pignada.
La jeune fille, qui avait v'ecu plus de quarante-huit heures dans le ch^ateau de Garros et trois ou quatre jours `a errer dans son voisinage au moment o`u elle avait quitt'e ces tragiques parages, se sentait fort `a l’aise dans cette obscurit'e et se dirigeait d’un pas d'ecid'e dans la propri'et'e des Fargeaux.
H'el`ene ne tarda pas `a atteindre le perron de la propri'et'e, elle se disposait `a sonner. Non, elle ne tenait pas `a faire conna^itre son retour `a tout le personnel. Mieux valait pour elle passer inapercue et rencontrer tout d’abord Delphine afin d’obtenir d’elle quelques explications.
D’apr`es ce que lui avaient dit Bec-de-Gaz et OEil-de-Boeuf, au cours du d^iner qu’H'el`ene avait brusquement interrompu pour partir, celle-ci supposait qu’aux habitants du ch^ateau s’'etaient joints Juve, le procureur Anselme Roche et vraisemblablement J'er^ome Fandor aussi.
Car H'el`ene n’avait rien soupconn'e des r'eticences des deux apaches, elle ne se doutait pas que ceux-ci avaient 'et'e au nombre de ceux qui s’'etaient empar'e du train.
La jeune fille s’attendait 'egalement `a des questions sur son attitude depuis une quinzaine de jours, depuis la mort myst'erieuse de Fleur-de-Rogue. Lui faudrait-il fournir des explications `a ce sujet ? que dirait-elle aussi si on s’'etait apercu, ce qui 'etait probable, que c’'etait sur elle qu’avait tir'e le spahi ? On lui demanderait alors certainement comment et pourquoi elle s’'etait trouv'ee juste `a point pour servir de cible au coup de revolver de l’infortun'e cavalier.
H'el`ene, tout en r'efl'echissant, s’introduisait dans la maison, doucement, inapercue, se r'eservant le moment de se montrer.
Pr'ecis'ement, la porte qui faisait communiquer l’ext'erieur du ch^ateau avec le vestibule du rez-de-chauss'ee n’'etait pas ferm'ee `a clef. H'el`ene ouvrit lentement, fit quelques pas dans le noir, 'ecouta. C’'etait le silence absolu. H'el`ene connaissait tr`es suffisamment la disposition de l’immeuble pour s’y diriger, m^eme dans l’obscurit'e. Elle gagna l’escalier qui conduisait au premier 'etage, elle monta les marches, suivant le tapis dont la laine moelleuse 'etouffait le bruit de ses pas. Parvenue au palier du premier 'etage, la jeune fille 'ecouta encore. Elle savait qu’en face d’elle se trouvait un petit salon o`u les 'epoux Fargeaux se tenaient d’ordinaire.
Et, finalement, H'el`ene s’'etonnait de ne point les entendre, car le peu de temps de son s'ejour `a Garros avait 'et'e suffisant pour que la jeune fille e^ut remarqu'e les disputes continuelles dont les deux 'epoux 'emaillaient leurs entretiens.
H'el`ene pr^eta l’oreille quelques instants encore et finit par percevoir le bruit d’une voix qu’elle reconnaissait fort bien. C’'etait celle de Delphine Fargeaux. Toutefois, en 'ecoutant, H'el`ene n’entendait personne d’autre lui r'epondre.
— Aurait-elle, pensait la jeune fille, dompt'e son mari et obtenu que celui-ci l’'ecout^at sans l’interrompre ?
L’endroit d’o`u venait la voix de Delphine Fargeaux 'etait pour H'el`ene facile `a d'eterminer. C’'etait dans sa chambre `a coucher, au fond du couloir, dans l’aile droite du ch^ateau que parlait Delphine Fargeaux.
H'el`ene alla dans cette direction. La porte qui faisait communiquer le couloir avec la chambre 'etait entreb^aill'ee, un faisceau de lumi`ere passait par cette ouverture. H'el`ene s’en approcha, regarda :
Delphine Fargeaux parlait toute seule. La jeune femme se tenait devant une glace, une grande psych'e `a trois faces, et s’y consid'erait avec complaisance. Elle avait les yeux rouges, comme quelqu’un qui vient de pleurer, n'eanmoins, Delphine, en se regardant, se souriait `a elle-m^eme. Ne se doutant certes pas de la pr'esence d’H'el`ene `a l’entr'ee de sa chambre, Delphine Fargeaux continuait son monologue.
— Pauvre, pauvre de moi, que je suis malheureuse. Ah, quelles heures 'epouvantables je traverse en ce moment !
Puis la jeune femme passait `a un autre ordre d’id'ees :
— C’est 'egal, disait-elle, il n’y a pas `a dire, mais le grand deuil me va joliment bien. C’est extraordinaire comme le noir fait ressortir la blancheur de la peau.
H'el`ene, r'eprimant un sourire, frappa discr`etement. Delphine se retourna tout d’une pi`ece :
— Qui est l`a ?
— Moi, Madame, H'el`ene !
Delphine Fargeaux courut `a elle :
— Est-ce possible ? fit-elle, vous voil`a revenue ? que voulez-vous encore ? que s’est-il pass'e ? comment se fait-il que vous soyez revenue ?
H'el`ene ne tenait en aucune facon `a faire conna^itre `a Delphine Fargeaux les mobiles de ses all'ees et venues. Cependant la jeune femme sans attendre la r'eponse de celle qui s’'etait institu'ee si d'elib'er'ement sa conseill`ere et sa compagne, se laissait choir dans un fauteuil et fondait en larmes.
— Votre pauvre fr`ere, murmura H'el`ene.
— Mon fr`ere ? oui, sans doute. Mais au fait, vous ne savez pas ? C’est vrai, vous ne pouvez pas savoir. Eh bien, ce n’est pas tout.