Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
Шрифт:
— Eh bien ? interrogeait Fandor une fois que Juve lui eut racont'e tout ce qui s’'etait pass'e, eh bien, en conclusion ?
Le policier 'etait redevenu tr`es calme et avec une extraordinaire lucidit'e d’esprit, il fit `a Fandor l’expos'e de la situation :
— Tout d’abord parlons de la mort de Merc'ed`es de Gandia.
— La question s’est pos'ee de savoir si une femme r'eellement morte a 'et'e r'eellement mise en bi`ere par les croque-morts de l’administration. J’ai 'elucid'e ce premier point, j’ai retrouv'e les deux croque-morts qui ont fait la mise en bi`ere, cette op'eration s’est effectu'ee r'eguli`erement. On a mis dans un cercueil une femme, non pas une brune comme Merc'ed`es de Gandia, mais une personne ayant des cheveux ch^atain fonc'e, ainsi que tout le monde l’a constat'e. Lorsque le cercueil a 'et'e descendu dans la chapelle ardente, il s’est trouv'e que, par un hasard involontaire ou voulu, la bi`ere est rest'ee absolument isol'ee pendant pr`es de dix minutes. J’en conclus que si la substitution a eu lieu `a un moment quelconque, c’est pendant ce d'elai, et j’ajoute que la substitution a d^u certainement avoir lieu.
— C’est 'egalement mon avis.
— Quelqu’un, en dehors de la personne ou des personnes qui ont fait cette 'etrange op'eration, en a eu connaissance. Et ce quelqu’un tr`es vraisemblablement, a voulu que la chose se sache.
— Possible, fit Fandor, mais qui est-ce ?
— Le fant^ome, d'eclara Juve.
— Allons bon, c’'etait trop beau, Juve. Jusqu’`a pr'esent, contrairement `a votre habitude, vous m’aviez dit des choses normales, compr'ehensibles, mais voici que vous recommencez `a parler par 'enigmes. Je suis s^ur que dans un instant vous allez m’imposer un r'ebus. Il va falloir que je dise quels 'etaient les sentiments de la vessie en caoutchouc rev^etue d’un habit noir trouv'ee dans le cimeti`ere, et il va falloir en outre que je vous nomme l’individu qui s’'etait fait l’entrepreneur de ce guignol macabre.
— Ma foi, si tu faisais cela, Fandor, je te paierais un bon d^iner, car c’est l`a, en effet, que r'eside tout le myst`ere. J’ai la conviction formelle que les apparitions de ce spectre ont 'et'e invent'ees 'evidemment par un malfaiteur qui tuait et volait, mais que ces attentats avaient pour raison de dissimuler le v'eritable but que se proposait ledit auteur du spectre, `a savoir : attirer l’attention.
— Attirer l’attention ? pourquoi ?
— Attirer l’attention, d'eterminer une 'emotion, puis ensuite une enqu^ete, faire remarquer aux gens que ce spectre n’apparaissait que depuis les obs`eques de Merc'ed`es de Gandia, que ce myst'erieux fant^ome se tenait perp'etuellement dans le voisinage de la s'epulture de la famille de Gandia. L’apparition avait pour but, en outre, `a mon humble avis, d’influencer la mentalit'e rudimentaire de Barnab'e et cela afin de le pousser `a faire les aveux qu’il est venu nous apporter ce matin m^eme.
— Mais, pourquoi ?
— Parbleu, tu ne comprends donc rien Fandor ? On voulait `a toute force faire d'ecouvrir que Merc'ed`es de Gandia n’'etait pas enterr'ee et vraisemblablement, faire admettre ensuite, qu’elle n’est m^eme pas morte.
— Qui ca,
— Quelqu’un qui savait que l’on avait mis du sable dans le cercueil de Merc'ed`es, l’infant peut-^etre ? Non. Impossible. De deux choses l’une : ou c’est lui qui a imagin'e ce faux ensevelissement pour h'eriter de sa ni`ece et, d`es lors, il n’avait pas int'er^et `a attirer l’attention sur le cercueil vide, ou alors, quelqu’un d’autre serait intervenu `a son insu et voulait faire ouvrir ce cercueil. Mais qui ? Au fait, quelle est la personne tout sp'ecialement l'es'ee dans cette affaire ? C’est l’int'eress'ee elle-m^eme, c’est Merc'ed`es de Gandia, officiellement morte d'esormais, et, par suite, d'epouill'ee de sa fortune. Mais pourquoi aurait-elle employ'e des moyens si extraordinaires pour faire d'emontrer qu’elle 'etait encore vivante ? Il y a des gens qui la connaissent. Il lui 'etait facile de faire 'etablir son identit'e. Qui donc a voulu employer ce proc'ed'e bizarre pour attirer l’attention ? En tout cas, celui qui agit de la sorte agit dans l’int'er^et de Merc'ed`es. Donc, il marche contre l’infant. `A moins que…
— Quand vous aurez envisag'e toutes les hypoth`eses, vous me pr'eviendrez, Juve.
Juve s’arr^eta, de sa voix calme, il d'eclara :
— J’ai termin'e, en effet, pour le moment du moins, mais comme tu le dis fort bien, le probl`eme est pos'e. Il ne reste plus qu’`a le r'esoudre.
***
Tandis que Juve et Fandor envisageaient anxieusement les diverses hypoth`eses, `a cette m^eme heure, ce m^eme soir, dans le coquet appartement du boulevard Malesherbes, occup'e par le soi-disant baron Stolberg, deux ^etres s’entretenaient tendrement, Fant^omas et la Recuerda.
— Je suis effray'ee de vos projets, Fant^omas, disait l’Espagnole, et je me demande si jamais j’aurai le courage voulu ?
Mais le bandit l’interrompit, et serrant sa main d'elicate dans ses doigts vigoureux et 'energiques :
— La Recuerda, d'eclara-t-il, avec emphase, vous ^etes bien la femme qui convient `a mon audace, `a ma t'em'erit'e. J’ai eu des ma^itresses nombreuses, j’ai aim'e dans mon existence, mais vous, vous ^etes la femme qu’il me faut.
Puis, se penchant tendrement vers l’Espagnole, Fant^omas effleura son front de ses l`evres. Puis il lui murmura `a voix basse :
— Comprenez-vous bien le sens que je donne `a mes paroles ? Je dis qu’il faut que vous soyez ma femme.
— Ne le suis-je pas d'ej`a ? murmura la Recuerda en baissant les yeux.
— Vous ^etes ma ma^itresse, dit-il, nous ne sommes que des amants. Or si je dis que je veux faire de vous ma femme, c’est parce que, bient^ot, nous serons unis l’un `a l’autre par les liens indissolubles du mariage.
— Vous perdez la t^ete ?
— Je sais ce que je veux et ce que je veux, je le r'ealise. Vous serez ma femme l'egitime, la Recuerda, parce que je vous aime.
« Sa femme l'egitime ? la femme de Fant^omas ?
La Recuerda 'etait si surprise, si 'etonn'ee, qu’elle ne savait que r'epondre. Certes, elle s’'etait sinc`erement 'eprise de cet homme `a la fois si tragique et si s'eduisant et son coeur ardent d’Espagnole 'eprouvait pour le bandit une attirance irr'esistible.
Et la Recuerda se demandait quel pouvait bien ^etre Fant^omas ? Doucement, d’une voix presque imperceptible, elle murmura :
— Fant^omas, qui est Fant^omas ?
Le bandit, 'enigmatique plus encore qu’`a son ordinaire, r'epliqua sur un ton solennel :
— Fant^omas, c’est Fant^omas, et cela suffit. Sachez cependant que Fant^omas est le ma^itre et qu’il fait toujours ce qu’il veut. Il n’est point d’obstacle qu’il n’'ecarte, de barri`ere qu’il ne franchisse. Lorsqu’il se produit quelque chose d’impossible, d’inexplicable, on est oblig'e de conclure que l’auteur de cette chose irr'ealisable n’est autre que Fant^omas.
Le bandit, superbe dans sa d'eclaration, se rapprocha de l’Espagnole toute fr'emissante, il la serra sur sa large poitrine, et cependant que la Recuerda, 'emue au plus haut point, s’abandonnait `a cette 'etreinte passionn'ee, Fant^omas, d'eclarait tr`es doucement :
— Vous serez ma femme, ma ch'erie. Lorsque nous serons unis l'egalement, nous atteindrons, gr^ace `a l’Amour, la Fortune et la Richesse, au supr^eme Bonheur. Acceptez, la Recuerda ! D'eclarez-moi franchement, les yeux dans les yeux et la main dans la main, que d'esormais nulle puissance humaine ne pourra vous faire rompre l’engagement que vous prenez vis-`a-vis de moi ; de mon c^ot'e, je vous jure que votre existence sera la mienne, que nous serons d'esormais indissolublement li'es.