Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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Ils causaient encore l’un et l’autre, H'el`ene et Fandor, longuement, de l’aventure extraordinaire d’H'el`ene.
— Voyez-vous, disait la fille de Fant^omas, je n’ai pas `a regretter d’avoir rendu service `a don Eugenio, car c’est gr^ace `a lui que j’ai pu savoir votre captivit'e d’abord, votre condamnation ensuite. C’est moi qui ai t'el'ephon'e `a Dupont de l’Aube qu’un Francais 'etait prisonnier `a l’Escurial. C’est moi ensuite qui, gr^ace `a don Eugenio, gr^ace `a son argent, ai pu acheter le bourreau et obtenir qu’il ne vous ex'ecute pas r'eellement. Je ne savais pas, bien entendu, que Juve s’occupait de son c^ot'e `a vous sauver.
Et comme Fandor couvrait de baisers fous les mains de la jeune fille, H'el`ene continuait son r'ecit :
— Par exemple, Fandor, depuis votre sauvetage, don Eugenio n’a pas 'et'e charmant `a mon endroit. Le pauvre homme est sans doute terrifi'e par la crainte perp'etuelle d’un scandale, car, le jour m^eme o`u vous 'etiez arrach'e au garrot `a Madrid, j’'etais, moi, bel et bien appr'ehend'ee par des serviteurs de l’infant et conduite dans un couvent dont je n’ai pu m’'echapper qu’il y a deux jours seulement.
H'el`ene allait encore ajouter un mot, donner d’autres explications, lorsque soudain, elle bondit sur ses pieds, poussait une exclamation de col`ere et de surprise `a la fois :
— Ah mon Dieu, mon Dieu ! Regardez !
— Quoi ? qu’est-ce qu’il y a ?
Fandor s’'etait lev'e, aussi inquiet, pr^et d'ej`a `a repousser une attaque.
Et soudain, il 'eclata de rire, cependant qu’`a c^ot'e de lui, H'el`ene riait elle aussi.
— Ah, zut, tant pis, ma foi, dit Fandor.
H'elas, les deux jeunes gens, oublieux de l’heure, apercevaient, filant `a toute allure, un train de luxe qui venait de quitter la gare d’Irun.
— Ma foi, tant pis. Oui, vraiment, tant pis. Juve se d'ebrouillera `a Paris… Et puis, je vous ai retrouv'ee, ma ch`ere H'el`ene, que m’importe le reste ?
30 – L’INFANT D’ESPAGNE AU PIED DU MUR
Ce matin-l`a, Juve arriva avec son air le plus renfrogn'e au bureau de la S^uret'e g'en'erale. Avant de se rendre au cabinet de M. Havard, il passa en divers services, et sans en avoir l’air, sous pr'etexte de serrer quelques mains amies, il fit causer les employ'es.
C’est ainsi qu’au service de la voirie et de la surveillance de la rue, Juve apprenait d’un sous-brigadier ce qu’il savait d'ej`a d’ailleurs et dont il voulait la confirmation, que c’'etait ce m^eme jour, `a six heures cinquante du soir, qu’allait arriver `a Paris le roi d’Espagne accompagn'e de plusieurs grands personnages de sa suite.
Le souverain et son entourage se rendaient en Angleterre sans s’arr^eter `a Paris, ils devraient simplement le traverser et se rendre de la gare d’Orsay `a la gare du Nord pour y trouver la correspondance de Calais.
Juve, qui 'ecoutait avec attention ces d'etails, apprenait encore du sous-brigadier de service qu’on avait r'egl'e pour cette petite c'er'emonie un protocole discret et command'e quelques voitures automobiles qui devraient transporter, sans attirer particuli`erement l’attention de la foule, le roi d’Espagne et sa suite de la gare d’Orsay `a la gare du Nord.
Juve s’int'eressait tout particuli`erement `a ce voyage du souverain espagnol, car il savait que le roi 'etait accompagn'e d’un personnage qui n’'etait autre que l’infant don Eugenio, don Eugenio que Fandor, inspir'e par Juve, avait d^u rejoindre d'ej`a `a la fronti`ere espagnole et qu’assur'ement il devait serrer d’aussi pr`es que possible.
Juve, satisfait des renseignements qu’il venait d’obtenir, quitta le sous-brigadier et montant un 'etage, parvint au bureau somptueux occup'e par M. Havard.
Le policier ne se dissimulait pas, en entrant chez le chef supr^eme de la S^uret'e, qu’il aurait 'et'e fort satisfait d’^etre plus vieux de dix minutes. Juve, en effet, avait demand'e `a son chef une autorisation qui, d’abord avait fait bondir celui-ci. Mais cela ne troublait pas autrement Juve qui lui avait r'ep'et'e nettement qu’il tenait au plus haut point `a obtenir l’autorisation sollicit'ee.
Or, Juve avait tout simplement demand'e la permission de proc'eder `a l’interrogatoire, et si besoin en 'etait, `a l’arrestation de l’infant d’Espagne.
Juve estimait, en effet, bien que l’enqu^ete `a laquelle il se livrait sur les myst'erieuses affaires de Merc'ed`es de Gandia et du pont Caulaincourt n’e^ut gu`ere avanc'e depuis une quinzaine de jours, que don Eugenio devait avoir une importante part de responsabilit'e dans ces extraordinaires aventures.
Juve avait expos'e nettement sa th`ese depuis quelques jours d'ej`a `a M. Havard qui avait d'eclar'e qu’il ne d'eciderait rien du tout sans en avoir r'ef'er'e au gouvernement.
Juve devait avoir la r'eponse le matin m^eme.
— Eh bien ? interrogea-t-il, en entrant dans le bureau de M. Havard.
Celui-ci eut une mine ennuy'ee en voyant arriver l’inspecteur de la S^uret'e :
— Eh bien Juve, r'epondit-il, c’est non ! Les membres du gouvernement ont discut'e la question hier et sont tomb'es d’accord sur ce point qu’il fallait laisser l’infant d’Espagne traverser librement le territoire, et cela pour deux raisons : la premi`ere, c’est qu’il s’agit l`a d’un grand personnage, `a la culpabilit'e duquel le gouvernement ne peut pas croire, et qu’en outre, un grand personnage comme don Eugenio ne peut vraiment ^etre appr'ehend'e sans que cette facon d’agir provoque de graves complications diplomatiques. Enfin, il y a un second point, que tout galant homme comprendra : le roi d’Espagne et sa suite traversent le territoire francais sous la protection des autorit'es, ce serait enfreindre les lois de l’hospitalit'e que de proc'eder `a une arrestation, m^eme officieuse et momentan'ee, dans de pareilles conditions.
Juve fronca les sourcils, mais n’insista pas. M. Havard poursuivit :
— Il est bien 'evident que si l’infant d’Espagne se trouvait actuellement `a son domicile de Paris, on pourrait agir. Le convoquer `a la S^uret'e, l’interroger avec tact et discr'etion, m^eme au besoin lui faire un peu peur pour le d'ecider `a parler. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui, mais ce n’est peut-^etre que partie remise.
— En somme, d'eclarait Juve, ce qui vous fait h'esiter d’une facon toute particuli`ere, c’est surtout ce fait que l’infant d’Espagne va traverser aujourd’hui Paris sous le couvert d’une sorte d’immunit'e diplomatique. Si au contraire il 'etait, pour une p'eriode m^eme courte, l’'etranger vivant `a Paris que nous avons connu et que nous conna^itrons encore, dans son domicile d’Auteuil, rue Erlanger, vous n’h'esiteriez pas `a m’accorder ce que je vous demande.