40 лет Санкт-Петербургской типологической школе
Шрифт:
(12) et (13).
(12) U menja est' kniga.
«J'ai un livre».
(13) V komnate paxnet jablokami.
«La chambre sent la pomme».
(12) illustre un type d'expression, o`u «avoir» s'exprime par le tour inverse, «^etre `a/chez». Ce type est r'epandu dans de nombreuses langues: ce sont plut^ot les langues poss'edant un verbe «avoir» (transitif), qui paraissent exceptionnelles. Quant `a (13), c'est une construction sans sujet au nominatif comme il y en a diff'erentes sortes en russe (v., p. ex., [Guiraud-Weber 1984]). Cette langue fait partie de celles qui limitent ou tendent `a limiter la construction transitive `a l'expression de proc`es agentifs.
L'emploi de la CBM peut en principe se trouver, dans certaines langues, strictement born'e `a l'expression d'actions prototypiques. Les langues caucasiques du nord-est ne sont pas loin de ce cas limite. Le lezghien, par exemple, a de nombreuses constructions biactancielles. La construction transitive est caract'eris'ee par le module actanciel ERGA-TIF — ABSOLUTIF (v. ci-dessus,
39
Comme «appuyer le doigt sur le boulon», dont le module est erga-TIF — SUPERESSDF — ABSOLUTIF [Haspelmath 1993:268].
On peut ainsi dresser une 'echelle typologique, sur laquelle les langues, selon qu'elles donnent plus ou moins d'extension `a la construction transitive, se situent `a diff'erents niveaux entre un minimum, dont le lezghien est proche, et un maximum relatif, repr'esent'e par les langues d'Europe occidentale (cf. [Lazard 1997: 252–255; r'eimpr. 2001:282–285]). Il y a l`a mati`ere `a une 'etude extensive.
La probl'ematique et la m'ethode expos'ees ci-dessus ouvrent encore des perspectives sur d'autres points, que je ne peux pas d'evelopper ici: je me contenterai d'esquisser tr`es bri`evement deux d'entre elles.
7.1. La zone objectale.La conception traditionnelle de la phrase transitive inclut les notions de sujet et d'objet. Ces notions sont aussi confuses que celle de transitivit'e, mais ne doivent pas plus qu'elle ^etre regard'ees comme d'epourvues de sens. Il y a au contraire lieu de penser qu'elles recouvrent des ph'enom`enes importants, qu'il importe de mettre au clair. Je laisserai ici de c^ot'e celle de sujet, qui met en jeu un ensemble complexe de faits dont une partie d'eborde le cadre de la phrase simple (cf. [Lazard 1994: 100–122; 19986: 97—118]), pour ne consid'erer que celle d'objet.
A partir des pr'emisses que nous avons adopt'ees il est facile de d'efinir l'objet. Quand la CBM (ou construction transitive) exprime une action prototypique, les deux actants d'esignent l'un un agent, l'autre un patient. Nous appellerons objet celui qui repr'esente le patient, et aussi tout actant trait'e de m^eme quand cette construction exprime un proc`es autre qu'une action prototypique.
(14) D'efinition: L'objetest, parmi les deux actants de la construction biactancie^ile majeure (ou construction transitive), celui qui d'esigne le patient quand cette construction exprime une action prototypique.
L'objet est une entit'e morphosyntaxique. Il est donc d'efini en termes morphosyntaxiques (c'est l'un des actants d'une certaine construction), mais `a partir d'un ancrage s'emantique qui permet de l'identifier en toute langue.
Il y a cependant des cas probl'ematiques. En voici quelques-uns:
a) Marquage diff'erentiel de l'objet, ex. (15) en persane:
(15a) ket^ab-r^a x^and-am
livre-OBJ lire-lSG
«J'ai lu le livre».
(15b) ket^ab x^and-am
«J'ai lu un/des livres».
Nous avons ici deux formes d'objet, l'une marqu'ee par un morph`eme sp'ecifique (la postposition r^a) dans (15a), l'autre non marqu'ee dans (15b). C'est la premi`ere qui r'epond `a la d'efinition, car l'objet y est d'efini, donc mieux individu'e que dans la seconde. Dans les phrases exprimant des actions prototypiques, l'objet est marqu'e par r^a. Il y a donc deux types d'objet dans cette langue (et beaucoup d'autres): l'un marqu'e, qu'on peut appeler
b) Deux objets dans la m^eme proposition, ex. (16) en persan aussi:
(16a) ket^ab-r^a mot^alee kard-am'etude faire-lSG
«J'ai 'etudi'e (litt. fait 'etude) le livre».
(16b) ket^ab mot^alee kard-am
«J'ai 'etudi'e un/des livre(s)».
(16a) comprend un objet prototypique et un autre, (16b) comprend deux objets non prototypiques.
c) Dans certaines langues on trouve, avec des verbes class'es comme intransitifs, un terme nominal sans marque qui ressemble `a un objet, ex. (17b) en wargamay, langue ergative:
(17a) rjad'a wagun ganda-Hu
lsg: ERG bois br^uler-PERRTRANS
«J'ai br^ul'e le bois».
(17b) rjayba mala ganda-gi
lsg: NOM main br^uler- PERF:1NTR
«Je me suis br^ul'e la main».
Dans (17a), la construction est la CBM, avec un premier actant `a l'ergatif repr'esentant un agent, un objet prototypique `a l'absolutif et un verbe morphologiquement marqu'e comme transitif. Dans (17b), le verbe est morphologiquement intransitif, le premier actant est `a l'absolutif, et il y a en outre une sorte de quasi-objet `a l'absolutif 'egalement.
Ces faits et d'autres conduisent `a poser, `a c^ot'e de l'objet prototypique, des actants qui en sont grammaticalement voisins, quoique distincts, c'est-`a-dire `a concevoir une «zone objectale», qui comprend l'objet prototypique et aussi, au voisinage de celui-ci, d'autres sortes d'objets ou quasi-objets [Lazard 1994: 84—100; 1998a: 80–96].
7.2. La transitivit'e g'en'eralis'ee.En consid'erant l'existence d'objets non-prototypiques, ainsi que d'autres faits qui ne peuvent ^etre examin'es ici, on est amen'e `a concevoir la transitivit'e, non plus comme un propri'et'e qu'un verbe (ou une phrase) poss`ede ou ne poss`ede pas, mais comme une grandeur graduelle. Cette notion a 'et'e apercue et abondamment document'ee par Hopper et Thompson [1980], mais par une d'emarche intuitive, plus suggestive que d'emonstrative. On peut la fonder en th'eorie par une recherche men'ee selon une m'ethode plus rigoureuse [Lazard 1994: 244–260; 1998a: 232–245; 19986; r'eimpr. 2001: 299–324].