La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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— Peuh.
— Mais d’un autre c^ot'e, tu ne te plains pas de ton sort ?
— Peuh.
— Un verre de stout ?
— Je ne refuse jamais.
— Elle est bonne la bi`ere ici ?
— Oui, en quantit'e.
— Comme partout ailleurs.
— Et tu n’as pas de nouvelles des copains ?
— Moi, non, et toi ?
— Oh ! tous fades.
— Ce que c’est que de nous, tout de m^eme.
— Comme tu dis.
Ribonnard, l’ancien forcat, avait un geste des 'epaules qui marquait son accablement devant la destin'ee, et sa r'esignation.
Ribonnard avait un temp'erament flegmatique. Il l’avait dit lui-m^eme quelques instants avant.
— Rien ne m’'etonne, rien ne me surprend, j’accepte les choses comme elles viennent et les gens comme ils sont.
`A quoi, son interlocuteur, d’un petit rire tranquille et doux, s’'etait content'e d’approuver.
Ribonnard ne se vantait pas en affirmant qu’il avait atteint une parfaite impassibilit'e. Une heure auparavant, il se promenait, nonchalant, dans les rues de Durban, lorsqu’une main s’'etait pos'ee sur son 'epaule, une main qui l’empoignait litt'eralement. Ribonnard, en temps ordinaire, n’aimait pas beaucoup ces familiarit'es qui, dans son id'ee, ne pouvaient rien annoncer de bon.
Il n’avait point 'et'e flatt'e encore d’entendre qu’on lui disait bonjour, en l’appelant d’un nom qui n’'etait plus le sien.
— Comment, c’est toi Ribonneau ?
La surprise avait atteint un degr'e qui voisinait avec la stup'efaction lorsque, s’'etant retourn'e, il avait parfaitement compris que celui qui l’accostait n’'etait aucunement de ses connaissances.
Ribonnard, d`es lors, ne s’'etait fait, pendant quelques minutes, aucune illusion. Il avait pens'e philosophiquement qu’il venait d’^etre reconnu par un quelconque membre de la police et qu’il avait grande chance d’aller finir sa journ'ee au poste, et plus tard de faire un voyage `a quelque colonie p'enitentiaire, lorsque celui qui venait de l’accoster, avait ajout'e de sa voix la plus cordiale :
— Ah, bien, mon colon, mince un peu de l’occase. Si je m’attendais `a te rencontrer. Tu plantes donc tes choux par ici ?
Ribonnard, philosophe, sto"ique, s’'etait born'e `a r'epondre, avec ce sens du laconisme qui lui 'etait particulier dans les grandes circonstances :
— Comment donc que tu t’appelles, toi, et d’o`u que tu me connais ?
L`a-dessus, son interlocuteur l’avait l^ach'e, avait lev'e les bras au ciel en signe d’effarement, puis, d’un seul trait, s’'etait esclaff'e :
Ah ! elle 'etait raide, celle-l`a ! il ne fallait compter sur rien ! ni que la lune ne se d'ecrocherait pas, ni que le soleil ne tomberait pas dans son assiette. Parbleu. Voil`a qu’on ne le reconnaissait pas. Alors, c’'etait bien la peine d’^etre d’anciens copains ? des poteaux ? des mecs `a la redresse ? des gars de Pantruche ? quoi ! et d’avoir suc'e aux m^emes verres et de s’^etre offert, pendant des mois, des tourn'ees de cornichons chez le p`ere Korn, et des cornets de frites au Marronnier bleu… tout cela pour ne pas se reconna^itre, quand le hasard vous flanquait l’un en face de l’autre, `a Durban, c’est-`a-dire `a des m`etres et des m`etres de Pantruche, dans un sacr'e patelin de nom de d’l`a, o`u pourtant les aminches 'etaient rares.
Ribonnard avait 'ecout'e sans sourciller.
— 'Evidemment, pensait-il en consid'erant son interlocuteur, ce gars-l`a est un fr`ere, qui m’a connu dans le temps jadis, quand j’habitais `a la Chapelle. Pourtant, c’est rigolo, je ne me rappelle pas du tout.
Ribonnard qui revenait petit `a petit `a l’esp'erance, et commencait `a supposer qu’il n’avait peut-^etre pas affaire `a un agent de police, finissait par t^acher de s’'eclairer :
— Voyons, interrompait-il, coupant court aux phrases de son loquace interlocuteur, dis-moi donc ton nom et o`u c’est qu’on s’est connu exactement ?
L’autre r'epondit sans sourciller :
— Mais je suis Pierre, voyons ? Pierre, dit Gueule-d’Empeigne ? le copain `a Paulet, quoi… On s’est connu au Rendez-vous des Aminches ?…
L`a-dessus, Ribonnard s’'etait d'erid'e.
Ca c’'etait 'evidemment de la veine de rencontrer au Natal, `a Durban, un ancien copain du Rendez-vous des Aminches.
Et, en deux mots, il racontait `a ce Gueule-d’Empeigne, dont d’ailleurs il ne se souvenait pas du tout – mais cela n’avait gu`ere d’importance, – l’histoire compliqu'ee qui l’avait amen'e `a venir s’'etablir au Natal :
— Moi, achevait-il, tu comprends, j’ai d’abord chang'e de nom, et je m’appelle plus Ribonneau, je m’appelle Ribonnard. Et puis je me fais pas de bile, j’prends du ventre. C’est presque du n'egoce, je place des diamants. Je suis, comme qui dirait, vois-tu, vendeur et revendeur. Et pour le compte d’un gars qui n’a pas les foies, je te promets, un certain Hans Elders.
C’'etait sans la moindre m'efiance que Ribonnard parlait.
Ah, certes, il e^ut 'et'e plus circonspect, s’il avait pu deviner l’'emotion de son interlocuteur, tandis qu’il prononcait le nom de Hans Elders.
Cet interlocuteur 'etait d’ailleurs digne de remarque.
Il 'etait v^etu d’un pantalon de velours qui disparaissait dans de hautes bottes, qu’une ceinture de cuir serrait au ventre, une chemise rouge flottait sur sa poitrine, il avait jet'e sur ses 'epaules une veste de toile dont il n’avait pas enfil'e les manches, son chef disparaissait sous un grand chapeau mou marron.
Tenue de pauvre bougre en somme, de pauvre bougre pas bien riche et qui fait un peu tous les m'etiers, aujourd’hui fl^anant `a Durban, s’employant `a des besognes diverses, le lendemain galopant dans le veld, devenu chasseur, ou gardien de troupeaux.
Quel 'etait cet homme ?
« Gueule-d’Empeigne
Si le Dr Hardrock avait rencontr'e celui qui s’'etait choisi ce sobriquet, il aurait peut-^etre, apr`es quelques h'esitations, car 'evidemment certains traits de sa physionomie avaient 'et'e modifi'es par un savant camouflage, appel'e ce dernier « mon cher confr`ere », 'etant donn'e que Gueule-d’Empeigne n’'etait autre que Juve.