Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Il s’'echappe ! grogna Fandor.
Mais `a ce moment m^eme une id'ee folle venait au journaliste :
— Bouzille, demandait-il. O`u passe la voie du chemin de fer ? Nous sommes ici `a c^ot'e d’une voie secondaire, mais la grande ligne ne doit pas ^etre loin ?
— C’est bien possible, approuva Bouzille, mais je n’en sais rien.
— Va le demander, cours !
Bouzille, cinq minutes plus tard, revenait trouver Fandor.
— Para^it, disait-il, que la grande ligne, c’est l`a-bas, derri`ere les peupliers que vous apercevez.
Et narquois, ironique un peu, Bouzille ajoutait :
— Des fois, m’sieur Fandor, vous ne voulez pas vous rendre l`a-bas ? Vous n’avez pas l’intention d’aller agiter vot’mouchoir pour saluer Fant^omas au passage ?
Bouzille cessa de plaisanter en entendant la r'eponse de Fandor :
— J’ai l’intention, disait le journaliste, d’arr^eter le train, d’y monter et de br^uler la cervelle `a Fant^omas si d’aventure il veut r'esister !
Une minute plus tard, Fandor et Bouzille cheminaient `a travers champs.
Bouzille, qui ne perdait jamais de vue ses int'er^ets financiers, car il avait l’^ame finaude d’un commercant juif, Bouzille avait sp'ecifi'e qu’il entendait toucher de l’argent s’il devait aider J'er^ome Fandor.
Le journaliste, tout naturellement, n’avait pas discut'e ses conditions. Il 'etait donc entendu que Bouzille allait pr^eter son 'epaule `a Fandor, qu’il lui servirait de b'equille, comme il disait, et que ses bons offices lui rapporteraient quarante sous du kilom`etre !
La difficult'e, toutefois, n’'etait point de calmer les exigences, modestes, d’ailleurs, de l’excellent Bouzille.
Ce qui terrifiait Fandor, c’'etait qu’il ignorait l’heure exacte `a laquelle passerait, sur le remblai, le rapide dans lequel certainement aurait pris place Fant^omas apr`es avoir abandonn'e sa voiture.
— Arriverons-nous `a temps, se disait Fandor. Pourrons-nous arriver `a temps ?
Et il pressait le pas, bousculant Bouzille, s’'enervant au fur et `a mesure que les minutes passaient, lentes, implacables, tendant l’oreille, croyant `a tout instant entendre le sifflement du rapide, le brouhaha du convoi franchissant `a toute vitesse les rails de fer.
Une autre angoisse d’ailleurs torturait Fandor.
Il avait dit :
— J’arr^eterai le train.
H'elas, arr^etait-on un train ? Pouvait-on esp'erer faire stopper un convoi ?
Ah ! sans doute, Fandor ferait des signaux, essayerait d’attirer l’attention du m'ecanicien, mais celui-ci, pench'e sur sa machine, occup'e `a surveiller les signaux, occup'e `a manoeuvrer, le verrait-il seulement ?
Et Fandor, angoiss'e au plus haut point, se demandait encore :
— Admettons m^eme que le m'ecanicien m’apercoive. Admettons qu’il comprenne mes gestes. Ob'eira-t-il ? h'elas ! je ne peux pas me d'eguiser en agent de la compagnie, je ne peux pas m^eme employer un geste conventionnel, j’ignore les signaux des chemins de fer, mordieu, j’ai toutes les chances du monde de ne pas pouvoir faire stopper le train !
Mais une telle pens'ee n’'etait pourtant pas de nature `a d'ecourager J'er^ome Fandor. Tout au contraire, le sentiment exact des difficult'es l’aiguillonnait, le talonnait.
— J’en viendrai `a bout, mordieu !… j’en viendrai `a bout !
Or, comme Fandor se pressait davantage, comme il 'etait `a moins de cinquante m`etres du remblai, le jeune homme, bl^eme de rage, s’arr^etait soudain :
— Trop tard, Bouzille. Trop tard !
Au lointain, en effet, on entendait le vacarme caus'e par le passage pesant d’un convoi sur un pont de fer.
— Trop tard !… r'ep'etait Fandor.
Il imaginait l’express d'evalant `a toute allure, lui passant sous les yeux, sans qu’il puisse rien tenter pour arr^eter sa course.
Fandor, d'esesp'er'e, avait presque les larmes aux yeux. La voix claironnante de Bouzille soudain s’'eleva :
— Ma foi, disait tranquillement l’ancien chemineau, s^urement vous perdez la t^ete ! Il n’est pas trop tard du tout. Regardez donc, m’sieur Fandor : c’est pas l’rapide, c’est un train de marchandises qui s’avance. Ah ! celui-l`a, s^ur, vous pourriez l’arr^eter ! C’est pas comme l’autre… L’autre, y para^it qu’il suit `a huit minutes par derri`ere, et qu’`a c’t’endroit-ci, sauf’vot’respect, il fout le camp comme un z`ebre qu’aurait la queue allum'ee !
Fandor, reconnaissant un train de marchandises, avait soupir'e de soulagement.
— Allons vite, disait-il, en avant !
Et une lueur d’espoir semblait mettre une flamme de volont'e dans ses yeux.
Chapitre X
Sous les roues d’un rapide !
Quelques instants plus tard, Fandor et Bouzille atteignaient enfin le remblai o`u passait la voie du chemin de fer, et sur lequel, dans le vacarme d’une course assourdissante, devait arriver bient^ot l’express de Bruxelles que, tr`es probablement, Fant^omas, pour fuir, avait d^u prendre. La voie, `a cet endroit, 'etait sur'elev'ee, elle d'ecrivait une courbe assez rapide ; Fandor le remarqua en faisant la grimace.
— Fichtre, songeait le jeune homme, cela ne va pas ^etre commode du tout de faire des signaux, le m'ecanicien ne les apercevrait pas, ou du moins les apercevrait trop tard !
Mais ce n’'etait pas le moment de r'efl'echir ; c’'etait moins encore la minute de se d'esesp'erer, il fallait agir et agir vite, si on ne voulait pas renoncer compl`etement `a l’espoir d’un succ`es.
Et, aid'e de Bouzille, et quoique son pied lui f^it atrocement mal, J'er^ome Fandor r'eussissait tout d’abord `a escalader le talus du remblai et cela non sans peine, car il 'etait encombr'e de ronces, de broussailles, ce qui g^enait terriblement le jeune homme d'ej`a fort emp^ech'e par sa foulure d’avancer lestement.