Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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24 – LA CAPTURE DE BEAUM^OME
La maison qu’habitait la malheureuse Francoise Lemercier, dans la cit'e de Londres, comportait, comme la plupart des demeures anglaises, deux issues bien distinctes.
L’une, la principale, qui faisait communiquer les appartements avec Jewin Street, l’autre, r'eunissant l’immeuble `a une courette int'erieure qui elle-m^eme aboutissait sur un passage 'etroit, passage par lequel les fournisseurs, porteurs de charbon, etc., avaient coutume de faire leurs livraisons.
Francoise Lemercier 'etait morte vers quatre heures de l’apr`es-midi. Il 'etait maintenant huit heures du soir, et depuis que la malheureuse jeune femme avait rendu le dernier soupir, une activit'e f'ebrile n’avait cess'e de r'egner dans le voisinage.
Tout d’abord, c’'etaient les comm`eres, les voisines, qui, flairant la sinistre issue de la maladie, 'epiant aux portes depuis d'ej`a quelques heures, s’'etaient introduites dans l’appartement sit^ot la nouvelle connue.
Mines patelines, figures d'esol'ees, elles avaient curieusement consid'er'e le modeste int'erieur, fr'emi `a la contemplation du cadavre encore chaud, et aussi, par mani`ere de politesse, adress'e des condol'eances plus ou moins sinc`eres `a l’unique amie que la d'efunte avait eu `a ses c^ot'es pendant les quelques jours qu’avait dur'e sa maladie.
Cette unique amie, c’'etait Nini, Nini Guinon, la myst'erieuse femme de lord Duncan, mais dont nul ne connaissait la qualit'e.
Nini 'etait l`a, le regard fixe, l’oeil sec, les membres l'eg`erement tremblants. Elle surmontait son 'emotion, mais on s’'etonnait presque de la voir si forte, si r'esign'ee. On l’applaudissait, on l’admirait de ne pas se livrer `a un d'esespoir bruyant.
— Cette Francaise, disaient les voisines, a d'ecid'ement tout le flegme, tout le calme d’une Anglo-Saxonne…
Et `a coup s^ur, par son attitude, Nini Guinon qui en imposait d'ej`a aux Anglaises, aurait pu se glorifier de sa fermet'e, de son sang-froid si l’on avait su, soupconn'e m^eme les tragiques circonstances qui faisaient que sa compatriote 'etait morte, et les motifs qui faisaient qu’elle avait pass'e de vie `a tr'epas…
Apr`es les comm`eres, c’'etait le tour d’un personnage tout v^etu de noir qui venait faire `a Nini ses offres de service pour la r'edaction des faire-part, l’organisation des obs`eques.
Nini affirma qu’elle n’avait aucune qualit'e pour passer la commande, mais, n'eanmoins, elle engageait l’employ'e des pompes fun`ebres `a se charger des d'emarches. La famille paierait s^urement, par la suite.
Quelques instants apr`es, cet homme survenait, assist'e d’un officier de police, un m'edecin de la Ville charg'e de constater le d'ec`es. Il confiait `a Nini le permis d’inhumer, recommandait de prendre certaines pr'ecautions sanitaires, eu 'egard `a la mort de Francoise Lemercier, d'ec'ed'ee, feignait-on de croire `a la suite d’une fi`evre d’un caract`ere 'epid'emique peut-^etre.
Puis, c’'etaient des fleurs qu’on avait apport'ees : les voisines 'etaient intervenues, s’offrant `a faire la toilette de la morte, et Nini avait consenti…
Pendant qu’on y proc'edait, la soi-disant amie de Francoise Lemercier s’'etait retir'ee dans une pi`ece voisine o`u on avait entass'e p^ele-m^ele la plupart des objets, des linges, des v^etements qui avaient servi `a la d'efunte pendant les derniers jours de son existence.
Avec un soin minutieux, Nini tria ces objets, en fit plusieurs paquets.
Ce travail 'etait si absorbant qu’elle s’y adonnait encore longtemps apr`es le d'epart des femmes qui s’'etaient occup'ees d’installer la morte sur son lit de repos.
La nuit 'etait tomb'ee. Nini, machinalement, avait allum'e une lampe. D'esormais elle 'etait seule et malgr'e sa force de caract`ere, elle 'eprouvait une vague inqui'etude, elle ressentait un certain effroi `a l’id'ee qu’elle allait peut-^etre passer la nuit en t^ete `a t^ete avec celle qui, d'esormais, dormait son dernier sommeil… avec sa victime.
Rester dans la chambre de la morte ! Jamais. Il y avait bien une pi`ece voisine, une sorte de petit salon o`u Nini se serait volontiers install'ee, mais elle redoutait 'egalement de s’y 'etablir car, depuis une heure environ, les hommes qui, le lendemain, devaient effectuer la mise en bi`ere, 'etaient venus y d'eposer un cercueil…
Nini, superstitieuse malgr'e tout, inqui`ete, ne voulait pas non plus passer la nuit `a c^ot'e de cette bo^ite oblongue qui demeurait ouverte et b'eante, paraissant immense dans la petite pi`ece.
Et Nini se r'efugiait dans la cuisine, pr'ef'erant y rester toute la nuit plut^ot que de choisir entre l’une des sinistres compagnies qui s’offrait `a elle, lorsqu’un grattement l'eger se fit entendre `a la porte qui donnait sur le couloir.
La m'eg`ere tressaillit, puis alla ouvrir.
Un minable individu se pr'esentait devant elle qu’elle accueillit d’un cri de joie 'etouff'e.
C’'etait Beaum^ome.
— Ah ! s’'ecria Nini sit^ot qu’elle eut fait entrer l’apache dans l’appartement, je t’attendais depuis ce matin… tu sais ce qui est arriv'e…
— Oui, r'epliqua Beaum^ome, j’ai appris cela dans le quartier, alors ca y est…
Ils se regard`erent. L’un et l’autre avaient p^ali. Beaum^ome interrogea :
— Rien `a boire ici ? j’ai couru pour venir, il fait soif…
Nini prit dans le placard une bouteille de gin `a demi pleine, en versa une rasade `a son amoureux sinistre, elle-m^eme en prit une bonne rasade :
— Ca remonte, murmura-t-elle.
Beaum^ome voulut boire encore puis, lorsque l’eau-de-feu eut 'etanch'e sa soif ardente, il se pr'eoccupa des d'etails pratiques :