Le petit Cheval bossu
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Que faire dans notre malheur?
Enfin, on arrive, tout d’ m^eme,
A r'esoudre le probl`eme:
On va vendre tes chevaux
Pour mille roubles, si ca vaut.
Pour te dire merci, on pense
Te faire une bonne r'ecompense –
T’ach’ter des bottes, un chapeau
Rouge avec un beau grelot.
De plus, pense `a notre p`ere,
Il est vieux, ne peut rien faire;
Mais il faut passer la vie, –
Toi, tu n’es pas sans esprit! ” –
“Si c’est de sorte qu’on pr'etende,–
Dit Ivan aux fr`eres, – qu’on vende
Mes chevaux `a crini`ere d’or,
Prenez-moi aussi alors”.
Ils sont contre, car ils mentent, –
Mais rien `a faire, – ils consentent.
Enfin, le ciel s’obscurcit;
L’air devient plus rafra^ichi;
Pour ne pas se perdre en route,
On veut bien casser la cro^ute.
Aux branches d’en-bas, comme il faut,
On lie bien tous les chevaux,
On apporte des comestibles,
On boit un coup, c’est possible
Ch’min faisant; apr`es, bon Dieu,
On bavarde `a qui mieux mieux.
Tout `a coup, l’a^in'e des fr`eres
Remarque au loin une lumi`ere.
A son fr`ere, il cligne de l’oeil,
Pour que le deuxi`eme fr`ere veuille
Le sout’nir, apr`es, il tousse,
Montre le feu, d’une voix douce,
Dit, grattant son occiput:
“Il fait nuit, si j’avais su
Que la belle lune, comme pour rire,
Vient pour une minute, – sans dire,
Tout aurait 'et'e mieux. Tiens!
Je ne vois, ni n’entends rien…
Mais, attends, donc, il me semble
Qu’une petite fum'ee y tremble…
Regarde, l`a!.. Oui, c’est comme ca!..
Si, pour le brasier, on a
Du feu – une merveille! Ecoute,
Fr`ere Ivan, mets-toi en route!
A vrai dire, pourtant, je n’ai
Rien du tout pour l’allumer.”
Et Daniel, lui-m^eme, pense:
“Que tu n’aies pas de la chance
De rev’nir!” Gabriel dit:
“Qui sait ce qui br^ule ici!
Si les brigands l’importunent, –
Adieu, mon fr`ere, sans rancune!”
C’est un rien pour notre Idiot.
Il s’assied vite sur le dos
De son p’tit Ch’val, frappe ses c^otes,
Le tiraille, de ses forces sottes,
Braille… Le Ch’val se cabre, et puis,
Dispara^it vite dans la nuit.
“Que la force de Dieu nous cache!” –
Crie son fr`ere parce qu’il est l^ache,
Apr`es, il se signe et dit:
“ Quel d'emon est, donc, sous lui?”
Le feu est plus clair par suite
De ce que le Ch’val court vite.
Le voil`a devant le feu.
Le champ est tout lumineux:
La lumi`ere perce la brume,
Mais elle ne chauffe, ni ne fume.
Etonn'e par la merveille,
Ivan dit: “Quoi de pareil?!
Cinq chapeaux de la lumi`ere,
Mais elle ne chauffe, ne fume gu`ere;
Quel beau feu original!”
Il entend dire son p’tit Ch’val:
“L’oiseau-de-Feu, je l’assume,
A perdu ici sa plume.
Mais, je prie, pour ton bonheur,
Ne la prends pas, mon seigneur.
Puisque cette plume am`ene
Bien beaucoup de grandes peines.” –
“Parle donc, ce n’est pas ca!” –
Pense Ivan, n’`ecoutant pas,
Prend la plume, sans ^etre l^ache,
Et, dans des loques, il la cache,
Ensuite, il prend ces lambeaux
Et les met dans son chapeau.
Puis, Ivan vient chez ses fr`eres
Et leur dit de cette affaire:
“Quand, l`a-bas, j’ai galop'e,
Je n’ai vu qu’une souche br^ul'ee;
Je me suis cass'e la t^ete
Pour qu’elle n’ait pas la d'efaite;
Une heure, j’ai souffl'e le feu –
Mais il s’est 'eteint, parbleu!”
Toute la nuit, ils rient, les fr`eres,
Aux 'eclats, sans dormir gu`ere;
Lui se couche sous le chariot,
Dort et ronfle, notre Idiot.
S’att’lant `a l’heure matinale,
Ils vont `a la capitale,
Au march'e central qui est
Vis-`a-vis des Grands Palais.
Il y avait un rite en ville:
C’est qu’`a des sujets dociles,
Seul, le maire peut ordonner
Au march'e de commercer.
A la messe, les cloches sonnent;
Et le maire de ville se donne
Au march'e, rich’ment par'e;
La garde le suit, bien arm'ee.
Un h'eraut barbu y passe,
A c^ot'e, il a sa place;
Il sonne `a sa trompette d’or
Et crie aux marchands tr`es fort:
“Ouvrez vite les boutiques,
Commercez `a tous pratiques!
Et que tous les surveillants
Soient assis pr`es, en veillant
Pour qu’il n’y ait pas de tapage,
De cohue, de rixe en rage,
Pour qu’aucun salaud vilain
Ne trompe de bonnes gens de rien!”
Donc, on ouvre les boutiques,
On appelle tous les pratiques:
“Chers messieurs, venez ici,
Bienvenus, on vous en prie!
Nous avons des marchandises
Convenables `a votre guise!”
Les ach’teurs viennent, regardant,
Achetant tout aux marchands;
Ceux-ci comptent, en premi`ere ligne,