Том 4. Письма 1820-1849
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Munich. Ce 3 novembre 1835
Monsieur le Comte,
Apr`es avoir longtemps h'esit'e, je prends le parti de m’adresser directement `a Votre Excellence. Je ne me dissimule pas ce que cette d'emarche peut avoir de hasard'e. Mais je me trompe fort, ou c’est pr'ecis'ement cela qui servira `a l’excuser `a ses yeux. Votre Excellence comprendra ais'ement que pour m’y d'eterminer, il ne fallait pas moins qu’une absolue n'ecessit'e d’une part et de l’autre une confiance absolue dans l’'equit'e bienveillante de son caract`ere. C’est cette 'equit'e que j’invoque maintenant comme le meilleur et le plus s^ur intercesseur que je puisse avoir aupr`es d’elle.
Je t^acherai d’^etre aussi concis que possible.
Monsieur le Comte, j’ai `a peine l’honneur d’^etre connu de vous, et c’est ma propre cause que j’ai `a plaider. Deux circonstances bien d'ecourageantes, si je devais la plaider devant tout autre que Votre Excellence.
Dans l’entrevue que vous m’avez fait l’honneur de m’accorder, Monsieur le Comte, lors de votre dernier s'ejour `a Carlsbad et dont je conserve un si reconnaissant souvenir Votre Excellence a daign'e m’assurer* qu’elle ne manquerait pas de songer `a moi, `a la premi`ere vacance qui viendrait `a se pr'esenter. Or, j’ai 'et'e inform'e, `a la suite du retour du Prince Gagarine que Mr de Kr"udener serait incessamment appel'e `a une nouvelle destination*. La place de 1er secr'etaire de l'egation `a Munich va donc devenir vacante. J’ose la demander `a Votre Excellence.
Voici `a peu pr`es ce que j’ai `a dire en faveur de cette demande. Et d’abord, je me garderai bien de rappeler ici qu’il y a 13 ans que je sers `a cette mission. Je sais que la dur'ee du temps et la succession des ann'ees ne sauraient constituer un titre valable.
Je ne me r'eclamerai pas m^eme des t'emoignages favorables* que l’obligeance des chefs de la mission, o`u je sers, a bien voulu, `a plusieurs reprises, m’accorder aupr`es de Votre Excellence. Ces t'emoignages peuvent ^etre l’expression d’une bienveillance toute personnelle.
Mais il y a d’autres circonstances que j’invoquerai plus volontiers `a l’appui de ma demande.
Ainsi, p<ar> ex<emple>, qu’il me soit permis de faire observer `a Votre Excellence que depuis 7 ans, c’est-`a-dire, depuis le d'epart du Comte Woronzow, c’est moi qui ai 'et'e charg'e, en tr`es grande partie, de la correspondance politique que les chefs de mission qui, depuis ce temps-l`a, se sont succ'ed'e au poste de Munich ont eu l’honneur d’entretenir avec Votre Excellence*. J’oserai m^eme ajouter, sans craindre d’^etre d'ementi par qui que ce soit, que parmi les rapports qui ont plus particuli`erement fix'e son attention et m'erit'e son suffrage, il y en a peu qui ne soient de moi: tout sur la question grecque* que sur les affaires de ce pays-ci. Ce fait Mr Potemkine, avec sa loyaut'e accoutum'ee, s’est toujours plu `a le reconna^itre, et le Prince Gagarine, non moins g'en'ereux et non moins loyal, ne se refuserait certainement pas `a l’appuyer de son t'emoignage. Si je me permets d’en faire mention dans cette circonstance, c’est qu’il me para^it prouver, autant que pourraient le faire des suffrages plus explicites, l’opinion favorable que ces deux chefs ont bien voulu se former sur mon compte, aussi bien que la confiance, dont ils m’ont constamment honor'e.
Et maintenant, Monsieur le Comte, me serait-il permis de vous expliquer pourquoi je sollicite la vacance du poste de Mr Kr"udener de pr'ef'erence `a toute autre? Oserai-je avouer `a Votre Excellence que je ne puis mettre `a profit les bienveillantes dispositions qu’elle a daign'e me t'emoigner qu’`a la condition d’obtenir pr'ecis'ement la faveur que je r'eclame.
Il y a des aveux auxquels la rigueur m^eme des circonstances ne saurait nous contraindre, si la noblesse d’^ame de celui qui les recoit ne venait `a notre secours. C’est de cette nature que sont les consid'erations que j’ai `a faire valoir en ce moment.
Bien que destin'e `a avoir, un jour, une fortune ind'ependante, je me trouve, depuis des ann'ees, r'eduit `a la triste n'ecessit'e de vivre du service. La modicit'e de cette ressource, hors de toute proposition avec la d'epense `a laquelle me condamne la position sociale o`u je me trouve plac'e, m’a forc'ement impos'e des engagements que le temps seul peut me mettre `a m^eme de remplir. C’est d'ej`a l`a un premier lien qui me retient `a Munich. Un d'eplacement, m^eme avantageux sous le rapport du service, m^eme accompagn'e d’un avancement, m’obligerait n'ecessairement `a des d'epenses nouvelles, qui, s’ajoutant aux anciennes, pourraient `a tel point accro^itre les embarras de cette position, que la faveur que Votre Excellence croirait m’avoir accord'ee, en deviendrait illusoire par l’impossibilit'e mat'erielle o`u je me trouverais d’en profiter.
Or j’ai eu l’honneur de vous dire, Monsieur le Comte, que j’avais besoin du service pour vivre. J’insisterais beaucoup moins sur cette consid'eration, je vous assure, si j’'etais seul… mais j’ai une femme et deux enfants*. Certes, personne ne saurait ^etre plus persuad'e que je ne le suis que dans une position pr'ecaire et subalterne, comme la mienne, le mariage est la plus impardonnable des imprudences. Je le sais, puisqu’il y a 7 ans que je l’expie*. Mais je serais profond'ement malheureux, je l’avoue, si l’expiation de ce tort s’'etendait `a trois ^etres qui en sont parfaitement innocents.
D’ailleurs, s’il y a un pays o`u je puisse me flatter d’^etre de quelque utilit'e pour le service, c’est assur'ement celui-ci. La connaissance tr`es particuli`ere des hommes et des choses que le long s'ejour que j’y ai fait, m’a mis `a m^eme d’acqu'erir, des 'etudes suivies et s'erieuses faites plus encore par go^ut que par devoir, sur l’'etat social et politique de l’Allemagne, et surtout de cette partie de l’Allemagne, sur sa langue, son histoire, sa litt'erature, toutes ces raisons r'eunies me donnent quelque droit d’esp'erer, qu’ici du moins, je pourrai justifier, jusqu’`a un certain degr'e, la faveur que je sollicite… Et qu’il me soit permis d’ajouter, en finissant, que si cette faveur n’'etait qu’une question de service et d’avancement, je ne pourrais pas m’emp^echer d’'eprouver de l’inqui'etude. Mais c’est une question d’existence. C’est vous, Monsieur le Comte, qui ^etes appel'e `a en d'ecider*, et cette consid'eration me rassure…
J’ai l’honneur d’^etre avec respect, Monsieur le Comte, de Votre Excellence, le tr`es humble et tr`es ob'eissant serviteur
T. Tutchef
Мюнхен. 3
Милостивый государь граф,
После долгих колебаний я решился обратиться прямо к вашему сиятельству. Признаю, что мой поступок может показаться дерзким. Но я полагаю, что именно это обстоятельство может послужить к моему оправданию в ваших глазах. Ваше сиятельство легко поймете, что решиться на подобный шаг меня вынуждают, с одной стороны, крайняя необходимость, а с другой — полное доверие к вашему великодушию и справедливости. К сей справедливости я теперь взываю как к лучшей и самой верной заступнице, какую я мог бы иметь перед вашим сиятельством.
Постараюсь быть насколько возможно кратким.
Милостивый государь граф, я едва имею честь быть знакомым с вами и обращаюсь к вам с частной просьбой. Два обескураживающих обстоятельства, ежели бы речь шла о ком угодно, но не о вашем сиятельстве.
При нашем свидании, коим вы меня удостоили, граф, во время вашего последнего пребывания в Карлсбаде* и о коем я по сей день храню благодарную память, вашему сиятельству угодно было заверить меня, что вы не преминете вспомнить обо мне при первой же возможной вакансии. И вот, по возвращении князя Гагарина я известился, что г-н Крюденер скоро получит новое назначение*. Таким образом, место 1-го секретаря Мюнхенской миссии станет вакантным. Осмеливаюсь просить у вашего сиятельства сие место для себя.