La livr?e du crime (Преступная ливрея)
Шрифт:
— Allons, avouez. Inutile de jouer plus longtemps la com'edie. Je vous reconnais. Nous savons qui vous ^etes et vous n’'echapperez pas.
La Gu^epe leva les yeux vers le policier et une vive rougeur empourpra son visage, un sanglot lui monta `a la gorge. Elle eut une r'evolte soudaine.
Juve laissa tomber au milieu du silence ces 'etranges paroles :
— La Gu^epe, membre de la bande des T'en'ebreux, la fleuriste de nuit, la femme qui r^ode dans les bouges de Belleville, celle que courtisent depuis si longtemps les apaches Bec-de-Gaz et OEil-de-Boeuf, celle que B'eb'e d'enonce comme tra^itre et parjure, c’est vous, et cela n’'etonnera personne que vous ayez `a la fois cette r'eputation d’honn^etet'e et de culpabilit'e. Allons, la Gu^epe, ne nous dissimulez pas plus longtemps que vous ^etes H'el`ene Gurn, la fille de Fant^omas.
— Juve, s’'etait 'ecri'e Fandor.
Mais le policier, d’un geste brusque, intimait `a Fandor l’ordre de se taire.
L’inspecteur de la S^uret'e, avec une profonde ironie, se tournant du c^ot'e du personnage qui avait assist'e muet `a cette sc`ene, et le regardant fixement, lui d'eclarait :
— Oui, monsieur Thorin, permettez-moi de vous pr'esenter, en la personne de mademoiselle, la fille du plus sinistre bandit qui soit au monde, la fille de Fant^omas. Soyez, du reste, assur'e que cette d'ecouverte ne me surprend pas. Il y a d'ej`a longtemps que je soupconnais qui 'etait la Gu^epe, en r'ealit'e. Je suis heureux de l’avoir perc'ee `a jour, d’autant plus que la pr'esence de la fille me rassure. Du moment qu’elle se trouve ici, c’est que le p`ere n’est pas loin.
Juve, tout en prononcant ces paroles, se livrait `a une mimique 'etrange et surprenante. Sur une table toute voisine de lui et bien en 'evidence, il venait de placer un couteau-poignard ouvert. Une lame longue, 'epaisse, effil'ee, 'etincela dans la p'enombre de la pi`ece. Juve qui avait fait ce geste machinal, semblait oublier volontairement cette arme et se rapprocha tout en parlant de M. Thorin.
Il r'ep'eta avec une surprenante insistance :
— C’est que Fant^omas n’est pas loin.
Et apr`es avoir prononc'e ces paroles qui ne diminuaient en aucune facon le trouble du tenancier du bureau de placement, le policier jetait un coup d’oeil furtif par la porte entreb^aill'ee, qui donnait sur le couloir, en m^eme temps qu’il regardait, par la porte voisine qui communiquait avec l’ext'erieur, dans la direction du jardin. Le policier 'etait perplexe, il semblait chercher quelque chose. Fandor s’'etait recul'e au fond de la pi`ece avant que Juve e^ut parl'e, il avait reconnu la Gu^epe.
Certes, elle 'etait merveilleusement chang'ee, grim'ee ; sur ses cheveux blonds et bouffants, elle avait dispos'e avec une adresse remarquable une perruque de cheveux noirs de jais, mais il 'etait impossible pour quelqu’un qui la connaissait comme Fandor, et qui cette fois la voyait en face, de ne point la reconna^itre. Et malgr'e les tragiques circonstances dans lesquelles il se trouvait, malgr'e le myst`ere angoissant qui r'egnait autour d’eux, Fandor oubliait les gens qui l’entouraient, les choses qui se passaient, pour ne plus avoir d’yeux et de pens'ees que pour la fille de Fant^omas.
Brusquement, le journaliste poussa un hurlement sauvage et se pr'ecipita. Trop tard. L’espace d’une seconde avait suffi.
Alors que Juve s’'etait approch'e de la porte donnant sur le jardin, M. Thorin, avec une extraordinaire agilit'e, s’'etait 'elanc'e dans la direction de la table o`u Juve avait oubli'e, comme par n'egligence, le couteau-poignard. Redressant son dos courb'e, bondissant comme un tigre, M. Thorin s’'etait saisi de l’arme, et, levant un bras meurtrier, il l’abaissa avec une f'eroce violence entre les 'epaules du policier.
Mais M. Thorin, en m^eme temps qu’il frappait recula, abasourdi de ce qui se produisait. Il semblait que la lame du poignard n’avait pas p'en'etr'e dans le corps de la victime. Instinctivement, Thorin regardait l’arme avec laquelle il venait de frapper. Il poussa un cri de d'epit : le poignard, en effet, 'etait une arme truqu'ee et `a la moindre pression la lame rentrait dans l’int'erieur du manche creux.
Juve, cependant, qui avait chancel'e sous la violence du coup, se retourna et, revolver au poing, hurla, l’air ravi :
— Ah cette fois je vous y prends, Thorin et Fant^omas ne font qu’un. J’attendais cette agression pour me convaincre. Ne bougez…
Juve n’acheva pas. Plus vif que l’'eclair, le faux Thorin n’avait pas h'esit'e une seconde, il avait bondi sur Juve, et cette fois, avec le manche du poignard il le frappait `a la t^ete : Juve tomba inerte sur le plancher, en poussant un sourd g'emissement. Sans s’attarder pour achever son plus redoutable ennemi, Fant^omas sauta dans le jardin. L’arr^eterait-on dans sa fuite ? Fandor avait embo^it'e le pas. Mais, entre Fant^omas et lui se dressait qui ? La Gu^epe, la fille de Fant^omas, parbleu.
— Fandor, supplia-t-elle, tuez-moi si vous voulez, mais moi vivante, vous ne le poursuivrez pas.
Des cris, cependant, de tous c^ot'es. Ils venaient du sous-sol. Aux impr'ecations des apaches se m^elaient les appels des policiers. De part et d’autre, on criait au secours et de temps en temps, on entendait des coups de revolver auxquels succ'edaient des cris de douleur, des g'emissements.
— H'el`ene, disait Fandor, c’est inf^ame, je ne puis consentir.
— Pour l’amour de Dieu, 'ecoutez-moi, Fandor. 'Ecoutez celle qui veut vous sauver, vous et votre ami Juve. 'Ecoutez celle qui vous aime.
Fandor eut une seconde d’h'esitation. La fille de Fant^omas lui prit le bras. Elle le fit se retourner.
— Regardez, il vit mais il souffre.
Et la jeune fille d'esignait Juve 'etendu sur le sol, `a demi 'evanoui, mais dont le visage crisp'e grimacait. Fandor eut un regard de d'esespoir pour son plus cher ami. mais que pouvait-il faire ? Son devoir ne rappelait-il pas sur les traces de Fant^omas, qui, assur'ement, allait pouvoir ^etre pris si Fandor le rejoignait dans le jardin, s’il avait le temps d’informer la police qui en gardait les issues de ne pas laisser s’'echapper M. Thorin. Un mot suffisait. Fandor allait mettre son projet `a ex'ecution, mais encore une fois la fille de Fant^omas l’en emp^echa :