La livr?e du crime (Преступная ливрея)
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Et dans le bureau directorial, aid'e de son secr'etaire, le commissaire proc'edait `a des constatations :
— C’est invraisemblable, disait-il, tout est ici recouvert de sang, de fragments de chair, d’os. On croirait, en effet, r'eellement que le corps de cette malheureuse Mme Thorin a 'eclat'e, r'eellement 'eclat'e. Pourtant, c’est impossible. S’il y avait eu explosion, il y aurait d'eg^ats mat'eriels, les meubles seraient bris'es.
— Monsieur le commissaire ?
— Qu’est-ce qu’il y a ? que me voulez-vous ?
— Il y a deux personnes, dit l’agent, deux messieurs, qui venaient voir Mme Thorin et qui, apprenant que vous ^etes ici pour un crime, demandent absolument `a vous parler.
— Dites que je n’y suis pour personne.
— Ils ont mis leurs cartes sous enveloppe.
— Donnez.
Le magistrat d'echira l’enveloppe que le sergent de ville lui tendait, assez surpris que les visiteurs eussent pris soin de mettre ainsi sous pli ferm'e leurs cartes de visite.
— Eux, murmura le commissaire, ah, v'eritablement, cela tombe bien. Mais je me demande en m^eme temps ce que cela signifie.
Et comme le gardien de la paix consid'erait son chef, attendant ses ordres, le commissaire reprit :
— Eh bien, sapristi, qu’est-ce que vous attendez donc l`a ? faites-les donc entrer, parbleu. Faites-les entrer. Il n’y a jamais de consigne pour eux.
Le gardien de la paix avait d'ej`a fait demi-tour.
25 – JUVE M`ENE L’ENQU^ETE
Juve et Fandor ne laiss`erent gu`ere au commissaire le temps de r'efl'echir. `A peine l’agent les avait-il inform'es qu’ils avaient libre passage, qu’ils se pr'ecipitaient tous deux en courant `a l’int'erieur du bureau de placement.
— O`u est le Commissaire ? avait demand'e Fandor au planton.
— Dans le bureau directorial. Je vais vous conduire.
Mais c’'etait l`a une pr'etention exag'er'ee. D'ej`a Fandor avait bouscul'e le brave gardien de la paix, d'ej`a il entra^inait Juve.
— Passons par ici, je connais le chemin. Je suis d'ej`a venu.
Fandor qui 'etait toujours accoutr'e des v^etements qu’il avait vol'es la nuit pr'ec'edente au malheureux Bedeau, car, dans sa h^ate d’activer l’enqu^ete, il n’avait pas voulu passer chez lui pour se changer, produisait sur son passage une violente sensation.
En arrivant, Juve et Fandor avaient voulu se renseigner. Mais les explications qu’on leur fournissait 'etaient si confuses qu’ils n’en purent rien tirer d’int'eressant.
— C’est une bombe, affirmait une comm`ere.
— C’est la directrice qui a 'eclat'e, 'enoncait avec une autorit'e indiscutable un petit t'el'egraphiste qui, `a coups de coude, avait atteint le premier rang des spectateurs.
Plus loin, on parlait d’une femme vitriol'ee, d’un amant qui avait surpris sa ma^itresse en flagrant d'elit, et des versions contradictoires circulaient :
— Il y a dix morts, disait l’un.
— Quinze, disait un autre.
— Qu’est-ce qui s’est pass'e ? Que savez-vous ? Comment expliquez-vous la chose ? demanda le Commissaire `a Juve d`es qu’il l’apercut.
Devant la mine ahurie de Juve, lui-m^eme s’interrompait :
— Voyons, reprenait enfin le Commissaire, j’imagine bien que si vous arrivez ici, c’est que vous ^etes au courant des 'ev'enements qui s’y passent ?
— Je ne sais rien.
— Vous venez donc ici par hasard ?
— Pas tout `a fait, r'etorquait Juve, mais presque.
— `A la porte, dit le journaliste, on nous a affirm'e qu’il y avait dix morts, puis quinze, puis que c’'etait une bombe. Puis qu’on avait jet'e du vitriol. Et en r'ealit'e ?
— Du vitriol ? oui, Monsieur Fandor, on a jet'e du vitriol. Mais qui ? pourquoi ? Je n’en sais rien, et l’on vous a parl'e d’une bombe ? En effet, il y a peut-^etre eu une bombe, mais ce n’est pas prouv'e.
— Ah c`a, t^achons de ne pas jouer aux devinettes. Il y a eu quoi ?
— Venez, regardez, dit le commissaire en prenant l’inspecteur par la manche.
Devant Juve, il venait d’ouvrir la porte du cabinet directorial.
— Mis'ericorde, fit Juve. Qu’est-ce que cela signifie ? C’est l`a que la jeune femme a 'et'e vitriol'ee ?
Derri`ere le policier, se dressa un homme en noir, qui d'eclara d’une voix sonore :
— Personne n’a 'et'e vitriol'e, la jeune femme que l’on a amen'ee tout `a l’heure au poste de secours et que j’ai fait conduire `a l’h^opital n’a pas 'et'e atteinte par de l’acide sulfurique. Les blessures que vous avez vues ont 'et'e produites par de l’eau m'elang'ee de poivre, tom simplement et si elle 'etait couverte de sang, c’est assur'ement qu’elle avait 'et'e 'eclabouss'ee par le sang de quelqu’un d’autre.
— Mais enfin, docteur, que vous a-t-elle dit ?
— Peu de choses, monsieur le Commissaire : qu’elle parlait avec la directrice de ce bureau de placement, qu’elle 'etait en train de faire v'erifier `a cette dame ses propres certificats, lorsque subitement, elle avait eu l’impression d’^etre arros'ee avec un liquide qui l’a br^ul'ee, puis, un grand bruit s’est fait entendre et elle a fui en hurlant.
— Elle ne sait rien d’autre ?
— Rien d’autre, monsieur. Toutefois, elle m’a dit que Mme Thorin – je crois que c’est ce nom qu’elle a prononc'e – a d^u ^etre gri`evement bless'ee, c’est pourquoi je suis venu. O`u se trouve cette personne ?
— Regardez, docteur, dit le commissaire, et du bras il montrait la pi`ece 'eclabouss'ee de sang et de d'ebris de corps humain.
— Mme Thorin 'etait assise `a son fauteuil, expliqua-t-il, elle a d^u ^etre victime d’un attentat anarchiste.
Or, tandis que le magistrat parlait ainsi, Juve avait p'en'etr'e dans la petite pi`ece tragique. Marchant dans le sang, glissant sur les chairs broy'ees qui jonchaient le sol, Juve alla jusqu’au bureau. Il saisit l’appareil t'el'ephonique, il obtint la ligne, il demanda la S^uret'e :