La livr?e du crime (Преступная ливрея)
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— Fant^omas ?
— Je vais interroger M. Thorin.
Il appela un gardien, demanda que l’on aille imm'ediatement chercher le directeur du bureau de placement.
— Dites au Commissaire, pendant ce temps, de faire cerner la maison, je l’appellerai dans quelques instants.
Le gardien partit, Fandor se pr'ecipita sur Juve.
— Mais enfin, demandait le journaliste, qui croyez-vous donc que peut ^etre M. Thorin ?
— Je t’ai dit d’aller l`a-bas, d’entrer dans cette pi`ece derri`ere ce malheureux veuf inconsolable. Tu m’as compris j’imagine ?
Deux minutes plus tard, M. Thorin faisait son apparition dans le cabinet directorial o`u Juve l’avait fait mander. Le malheureux homme apparaissait dans un 'etat lamentable, 'eperdu de douleur, sanglotant.
— H'elas, monsieur, commenca Juve.
Mais, dans le corridor voisin, dans le corridor o`u J'er^ome Fandor se trouvait, un vacarme venait de na^itre, un juron avait retenti. Un cri, un cri de femme lui avait r'epondu.
26 – LIBRE ENCORE UNE FOIS
— Encore un vin blanc, Bec-de-Gaz.
— Encore un, OEil-de-Boeuf. Et toi, ma vieille branche ?
— Ca n’est pas de refus, Bec-de-Gaz. `A nous deux, on peut encore s’enfiler une bouteille.
— Toujours au m^eme prix, pas vrai, OEil-de-Boeuf ?
— S^ur alors, c’est rien chouette, de bouffer et de licher aux frais de la princesse.
— C’est pas pour dire, mais voil`a bien la premi`ere fois que ca m’arrive. Aussi mon vieux, faut savoir en profiter.
Les deux apaches, confortablement install'es, d'ebouchaient une seconde bouteille de vin blanc, attaqu`erent un 'enorme p^at'e de li`evre qui se trouvait plac'e entre eux sur la table d’une cuisine.
Un troisi`eme couvert attendait.
Bec-de-Gaz, la bouche pleine, s’arr^eta un instant de mastiquer :
— Et la Gu^epe, qu’est-ce qu’elle devient ? Comment que cela se fait qu’elle n’est pas encore venue manger avec nous ?
— Bah, probable qu’elle n’est pas loin. La poule n’est pas encore sortie de son poulailler.
— Pourvu qu’elle ne se soit pas d'ebin'ee. Qu’est-ce que nous prendrions avec Fant^omas.
— D'ebin'ee ? sourit OEil-de-Boeuf, ca c’est comme des dattes. Il la conna^it Fant^omas, pour savoir ousqu’il faut boucler les gens et avec des gardiens de prison comme nous, qui sont `a la coule de tous les trucs.
— T’as raison, OEil-de-Boeuf, la voil`a.
Or, celle-ci n’'etait autre que l’infortun'ee fleuriste condamn'ee quelques jours auparavant par le Tribunal des Apaches `a ^etre ex'ecut'ee s'eance tenante et dont le supplice avait 'et'e diff'er'e sur les ordres de Fant^omas, fort heureusement intervenu pour elle en temps voulu.
Aid'e des deux amis Bec-de-Gaz et OEil-de-Boeuf, Fant^omas estimant que lui seul, en sa qualit'e de chef de bande, avait le droit de juger et de punir, avait enlev'e la jeune fille et l’avait oblig'ee `a monter dans une voiture automobile et conduite dans une retraite o`u elle allait ^etre mise sous la garde des deux apaches.
Or, ceux-ci n’avaient pas 'et'e peu surpris de voir que Fant^omas la conduisait `a Neuilly, dans une propri'et'e que les uns et les autres connaissaient fort bien, l’agence Thorin.
— M’est avis, avait alors murmur'e Bec-de-Gaz `a OEil-de-Boeuf, pendant que l’on traversait myst'erieusement le grand parc au milieu duquel s’'elevait l’ancien couvent, que Fant^omas doit avoir des combines avec le p`ere Thorin, patron de cette boutique, et que ce n’est pas sans raison qu’il am`ene ici la Gu^epe.
Le Roi du Crime avait fait descendre la Gu^epe dans de vastes sous-sols et l’avait conduite tout `a l’extr'emit'e du b^atiment, dans une sorte de petite cellule 'etroite et sombre.
Fant^omas avait alors dit `a La Gu^epe :
— C’est l`a que tu vivras, que tu demeureras, jusqu’au jour o`u il me plaira de t’en faire sortir.
Puis, l’Insaisissable, se tournant vers OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz, leur avait d'eclar'e :
— Je vous institue ses gardiens. Vous allez rester dans la pi`ece qui pr'ec`ede la chambre de la Gu^epe et vous l’emp^echerez de sortir d’ici quoiqu’il arrive, quoiqu’il advienne. En aucun cas vous ne devez vous absenter, mais vous ^etes libres de faire tout ce qu’il vous plaira. Je vous interdis cependant de toucher un seul cheveu de la t^ete de votre prisonni`ere.
OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz avaient accept'e non sans enthousiasme les ordres du patron. Ils entrevoyaient, 'etant donn'ees les cuisines qu’ils avaient travers'ees pour parvenir `a leurs appartements particuliers, un avenir de ripaille qui leur convenait fort. Et d`es le premier jour, ils avaient fait honneur `a des repas succulents, `a d’excellents vins qui leur faisaient oublier les longueurs de la captivit'e, car en r'ealit'e, ces deux ge^oliers charg'es de surveiller leur prisonni`ere 'etaient aussi prisonniers qu’elle. OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz s’en consolaient ais'ement, passant de longues apr`es-midi `a fumer des cigarettes, 'etendus sur le plancher, ou alors, se livrant `a d’interminables parties de cartes. Ils avaient escompt'e, l’un et l’autre, l’avantage de pouvoir avancer leurs affaires amoureuses avec la Gu^epe pendant ce t^ete-`a-t^ete. Et chacun des deux hommes s’avouait `a part soi qu’il aurait favoris'e pour un peu l’'evasion de la prisonni`ere, si celle-ci lui avait manifest'e un tant soi peu de sympathie.
Mais, outre qu’il leur aurait 'et'e difficile de s’en aller sans qu’on le remarqu^at, il se trouvait que leur situation aupr`es de la fleuriste ne devait se trouver aucunement modifi'ee.
La Gu^epe observant un mutisme absolu ne sortait de sa cellule que pour aller prendre ses repas, et ceux-ci 'etaient silencieux, moroses. La Gu^epe demeurait perp'etuellement la t^ete basse, le nez plant'e dans son assiette, sans souffler mot.
Conform'ement `a l’habitude, ce matin-l`a, la Gu^epe 'etait venue se joindre `a ses deux gardiens pour prendre son repas. Il 'etait environ onze heures et quart du matin. Soudain, les trois convives s’arr^et`erent brusquement, 'ecout`erent un bruit 'etrange suivi de plusieurs autres, 'egalement surprenants et myst'erieux, qui venaient de l’'etage au-dessus, c’est-`a-dire du rez-de-chauss'ee. On aurait dit une d'etonation sourde, puis des bruits de pas pr'ecipit'es, des clameurs 'etouff'ees.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda la Gu^epe.
Bec-de-Gaz, profitant de sa haute taille, monta sur la table qui, appuy'ee le long du mur, constituait pour lui un v'eritable escabeau lui permettant d’arriver jusqu’`a la hauteur du soupirail ouvert au niveau du sol. Bec-de-Gaz s’agrippa aux barreaux de fer. Il y r'eussit avec peine, mais c’'etait en vain qu’il regardait ainsi `a l’ext'erieur de la maison. Plus rien. Il redescendit.
— Si qu’on recommencerait `a bouffer ? sugg'era-t-il.