La livr?e du crime (Преступная ливрея)
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— All^o, all^o. Dites aux deux inspecteurs L'eon et Michel de se rendre d’urgence `a l’'eglise de Neuilly et de m’y attendre. All^o ? C’est compris ? Bon.
Juve raccrocha, revint `a Fandor :
— C’est une histoire inadmissible, murmurait Juve `a l’oreille du journaliste. Je ne puis croire ce que mes yeux voient. Nous sommes l’un et l’autre victimes, et tout le monde est victime avec nous, d’une plaisanterie. Fandor, tu vas aller `a l’'eglise attendre L'eon et Michel, tu leur donneras comme instructions…
— Dites-moi, Monsieur, ne remarquez-vous rien d’anormal au point de vue m'edico-l'egal, dans l’aspect de ce cabinet ? Ne trouvez-vous pas, par exemple, qu’il y a beaucoup de sang, beaucoup de d'ebris anatomiques ?
Le m'edecin parut scandalis'e.
— Mais, commenca-t-il, je ne vous comprends pas. Que voulez-vous dire ?
— Eh bien, cela n’a aucune importance.
Le policier tapa sur l’'epaule du commissaire :
— Dites-moi, mon cher ami, et M. Thorin ? le mari de la victime, o`u est-il ?
— Dans sa chambre, m’a-t-on dit. Le pauvre homme est dans un 'etat effrayant.
— Si vous alliez le consoler ?
— Vous voulez que je monte, vers M. Thorin ?… Mais pourquoi ?
— On ne sait pas. Ce malheureux est terriblement frapp'e. Il conviendrait de ne pas le laisser seul. Et puis, monsieur le Commissaire, songez-y, il y a des choses si inexplicables… Si jamais ce malheureux M. Thorin allait 'eclater comme sa femme, quel remords pour nous de ne pas y avoir song'e. Allons, croyez-moi, monsieur le Commissaire, montez pr`es de lui.
Juve parlait avec une telle autorit'e, une si tranquille assurance, que cette fois le magistrat se laissa convaincre.
— C’est bon, murmura-t-il, j’y vais. Mais expliquez-moi, Juve…
— Je n’ai rien `a vous expliquer, j’ai une simple recommandation `a vous faire : ayez donc l’obligeance de ne point perdre de vue le malheureux, je le ferai demander tout `a l’heure, nous l’entendrons ensemble.
Le Commissaire, tr`es surpris, s’'eloigna.
Juve, imm'ediatement, quitta ses facons 'enigmatiques pour prendre avec une cordialit'e qui n’'etait point feinte le bras du m'edecin, de plus en plus troubl'e, et de moins en moins renseign'e.
— Docteur, repartit Juve, nous voici seuls. Et si je dis des b^etises, il n’y aura que vous `a les entendre. Voyons, connaissez-vous un seul cas pathologique qui puisse amener un homme `a 'eclater ?
— Ma foi, non. Mais, une bombe ?
— Une bombe, docteur, n’a jamais r'eduit un cadavre en mille morceaux. Si c’'etait une bombe, qui avait fait explosion sur Mme Thorin, il est absolument s^ur que nous retrouverions au moins quelques os intacts, des fragments du cr^ane, un membre, peut-^etre. Or, dans le cas pr'esent, veuillez le remarquer, Docteur, non seulement nous ne retrouvons rien ayant un aspect caract'eristique, mais encore, et c’est l`a le plus curieux, je vous prie d’observer que rien n’a 'et'e cass'e dans cette pi`ece. Ni l’encrier de porcelaine, tr`es fragile, ni la glace, ni les vitres de la fen^etre, ni le bureau, ni la chaise, sur laquelle 'etait assise Mme Thorin. Concevez-vous cela, Docteur ? Une bombe qui aveugle avec de l’eau et du poivre une premi`ere personne, et qui, cependant, a l’intelligence de ne point ab^imer un seul meuble. Enfin, Docteur, il y a quelque chose que je ne m’explique pas non plus, c’est qu’en r'ealit'e, si le sol, les murs, le plafond sont couverts de sang, on peut se pencher sous les chaises, sous la table, sous le bureau, l`a, `a l’envers, il n’y a aucune trace de sang. C’est vraiment bizarre.
— Monsieur, qui ^etes-vous donc pour voir ce que personne n’avait vu ? Et o`u voulez-vous en venir ?
— Mon nom ne vous apprendrait rien, vous ne me connaissez probablement pas. Je suis Juve. Mais si vous vous int'eressez `a savoir o`u je veux en venir, je m’en vais vous l’expliquer. Une vessie remplie de d'ebris de chair, remplie de sang, jet'ee au plafond o`u elle cr`eve, peut tr`es bien transformer une pi`ece en charnier et donner l’impression qu’un ^etre humain vient d’'eclater. On aveugle le seul t'emoin et le tour est jou'e. Mais l’id'ee d’un truc de ce genre ne peut venir qu’`a une personne…
Modeste avant tout, Juve n’ajoutait pas que si le g'enie Fant^omas 'etait seul capable d’inventer une ruse pareille pour faire croire `a un crime inexistant, le g'enie de Juve 'etait seul de taille `a d'emasquer la fraude, `a en trouver l’explication.
— Docteur, ajouta Juve, vous allez me rendre un service inestimable. Prenez quelques fragments de cette chair 'eparpill'ee, recueillez une gouttelette de ce sang et courez au bout de la rue Perronet. Il y a l`a un pharmacien. Vous lui emprunterez son microscope et j’imagine que vous n’aurez pas grande difficult'e `a reconna^itre que ces d'ebris n’ont rien d’humain.
Et sur ce, Juve tourna le dos au m'edecin. Dans le petit corridor, il rencontra Fandor :
— Fandor, tout s’explique.
— Bougre, et comment ?
— Une vessie remplie de sang.
Tout autre que Fandor e^ut sursaut'e, n’e^ut pas compris :
— H'e, h'e, ca n’est pas mal. Vous ^etes certain, Juve ?
— Absolument certain.
— Alors, o`u est pass'ee Mme Thorin ? Ce n’est pas elle qui a 'eclat'e ?
— Laisse Mme Thorin o`u elle est, faisait-il, tu as vu L'eon et Michel ?
— Bien entendu.
— Tu leur as donn'e mes ordres ?
— Oui.
— O`u sont-ils ?
— Ils suivent quelqu’un.
— Qui ?
— B'eb'e.
— Allons, c’est parfait. Je crois que cette fois, non seulement la bande des Ventres-Blancs aura v'ecu, mais encore…
— Que quoi ?
— Que Fant^omas paiera sa dette `a la soci'et'e.
Juve, en cet instant, semblait v'eritablement quelque g'en'eral en chef 'etablissant un plan de bataille.
— Toi, Fandor, commanda-t-il, tu vas rester dans ce couloir, tu entreras dans le cabinet fatal, derri`ere M. Thorin. Pas avant.
— Vous allez interroger M. Thorin ?
— Naturellement, r'epliquait Juve.
Et comme Fandor 'etonn'e du ton dont Juve venait de lui parler allait insister, le policier r'ep'eta :
— Naturellement Fandor, je vais interroger M. Thorin. Quand ce ne serait que pour savoir exactement qui 'etait Mme Thorin. Tout s’explique, tout s’explique, faisait-il, Tu avais raison, Fandor, quand tu accusais les Ventres-Blancs d’^etre les auteurs de toutes les affaires qui nous ont intrigu'es ces temps derniers. Les Ventres-Blancs, oui, voil`a les coupables, mais ils n’agissaient pas seuls en v'erit'e, ils avaient un chef redoutable.