Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Fant^omas n’oublie rien, soupira Juve.
`A ce moment, cependant, le policier se baissait pour ramasser le faux-col qu’une secousse avait jet'e sur le sol ; ce faux-col, Juve l’examinait avec attention, et soudain il poussait un cri de stup'efaction.
— Victoire ! murmurait le policier.
Il venait d’apercevoir non point une initiale, car celle-ci avait 'et'e enlev'ee, gratt'ee, mais un petit poincon suivi d’une s'erie de chiffres assez longue.
Et cela, ce simple d'etail, c’'etait pour Juve une indication d’un prix infini.
— Tr`es bien, murmurait-il. Je saurai ce soir comment s’appelle ce mort… Ce faux-col est fourni par un chemisier qui blanchit `a l’abonnement, le poincon l’indique… Le chemisier sera facilement d'ecouvert, il me donnera le nom de son client.
`A la gare du Nord, Juve, sans la moindre difficult'e, car d'esormais il 'etait dans la pr'efecture de la Seine et faisait ce que bon lui semblait, ordonnait le transport du cadavre `a la morgue.
— Surtout, recommandait-il, qu’on ne le d'egrime pas !
Le train avait du retard, il 'etait six heures du soir, Juve laissait partir la voiture emportant la d'epouille de Daniel, il sautait dans un taxi, se faisait conduire place de la Bourse chez le chemisier dont il voulait consulter les livres et dont le patron d’une boutique concurrente lui avait imm'ediatement indiqu'e l’adresse.
Juve, `a ce moment, jouait de bonheur. Chez le chemisier, en effet, il n’'eprouvait aucune peine `a se faire renseigner. On lui donnait imm'ediatement le nom du client qui portait le num'ero d’abonnement, relev'e sur le faux-col. Ce nom 'etait une confirmation absolue des soupcons de Juve : le client s’appelait bien Daniel ; ce n’'etait m^eme pas son pr'enom, c’'etait son nom de famille.
Quel 'etait ce Daniel, par exemple ? Le chemisier ne pouvait le dire. Tout ce qu’il savait, c’est que ce personnage habitait Grenoble, o`u il lui envoyait r'eguli`erement par colis postal ses fournitures, et qu’il devait ^etre employ'e chez un notaire dont le nom devait ^etre quelque chose comme Cauvin… Mauvin… ou Dauvin…
Or, Juve, en entendant ces mots, pensait tressauter de surprise… Daniel… Grenoble… un notaire… ces renseignements le mettaient au comble du bonheur. Ah ! certes, son enqu^ete ne tra^inait pas !… Bient^ot elle serait termin'ee, triomphalement achev'ee, car Juve ne pouvait pas douter des renseignements qu’il recevait.
Juve, en effet, apprenait des choses v'eritablement sensationnelles.
Le cadavre qu’il avait trouv'e 'etait le cadavre d’un certain Daniel. Ce Daniel habitait Grenoble, et il 'etait clerc d’un notaire… Quel 'etait ce notaire ? Oh ! Juve n’avait point besoin de r'efl'echir beaucoup pour le deviner. Les noms entre lesquels h'esitait le chemisier le renseignaient merveilleusement. N’avait-il pas lu tout r'ecemment dans un journal que Th'eodore Gauvin, fils du regrett'e M e Gauvin, avait r'ecemment achet'e une charge `a Grenoble ?
N’'etait-il pas 'evident, d`es lors, que c’'etait de lui qu’il s’agissait ? Ne fallait-il pas m^eme imaginer quelque lien myst'erieux, tragique surtout, entre la nouvelle affaire et les anciens incidents qui, jadis, avaient boulevers'e la vie du pauvre Th'eodore Gauvin, alors qu’il 'etait amoureux de la jeune M me Ricard, morte depuis, victime, elle aussi, de Fant^omas ?
Juve quitta le chemisier, satisfait mais pr'eoccup'e.
— D'ecid'ement, murmurait-il, je commence `a me douter de bien des choses. Ou je me trompe fort, ou j’aurai bient^ot des certitudes…
Dix minutes plus tard, Juve 'etait `a la S^uret'e, et, en vertu de combinaisons machiav'eliques, r'eussissait `a se faire donner la communication t'el'ephonique avec l’'etude de M e Gauvin `a Grenoble.
L’enqu^ete avancait `a pas de g'eant. Th'eodore Gauvin, qui r'epondait `a Juve, reconnaissait parfaitement la voix du policier, et se mettait naturellement `a son service. Il 'etait bien le patron d’un certain Daniel, employ'e chez lui en qualit'e de ma^itre-clerc, et dont il disait le plus grand bien.
Juve, `a ce moment, haletait litt'eralement :
— Et ce Daniel, grondait-il, hurlant dans le t'el'ephone, o`u est-il en ce moment ? Que fait-il ?
Le jeune Th'eodore Gauvin qui, jadis, 'etait un peu niais, avait 'evidemment fait de r'eels progr`es depuis la mort de son pauvre p`ere. Il r'epondait, en effet, `a Juve avec une certaine dignit'e :
— Impossible de vous le dire, secret professionnel !
Mais invoquer le secret professionnel en face d’un policier aussi habile que Juve 'etait 'evidemment des plus risqu'e.
Un quart d’heure plus tard, en effet, Juve avait convaincu Th'eodore Gauvin qu’il 'etait de la plus haute importance qu’il v^int imm'ediatement `a Paris. Un train partait de Grenoble vers neuf heures du soir, il fallait que le notaire le pr^it, Juve l’attendait…
Juve, 'evidemment, devait insister quelque peu pour convaincre son correspondant. Toutefois, il finissait par arriver `a ses fins.
— Soit, acceptait Th'eodore Gauvin, je serai demain `a Paris.
Le lendemain, en effet, Juve allait cueillir au d'ebarqu'e du train le jeune notaire. M e Gauvin, d`es lors, n’opposait plus une bien grande r'esistance aux questions exasp'er'ees dont l’accablait le policier. En quelques instants, Juve le confessait en entier. Il apprenait que Th'eodore Gauvin connaissait parfaitement Daniel, que Daniel 'etait parti remplir une mission secr`ete `a Amsterdam, et cela pour le compte d’une vieille M me Verdon qui habitait les environs de Grenoble et 'etait une cliente de l’'etude.
Th'eodore Gauvin, par exemple, cette confession faite, jurait sur l’honneur qu’il n’en savait pas davantage.
Juve eut beau insister, il ne tirait rien d’autre du jeune notaire. Toutefois, les renseignements qu’il avait appris 'etaient vraiment int'eressants et Juve s’en d'eclarait satisfait.
— Soit, concluait le policier, nous repartirons ensemble pour Grenoble !
Juve, `a l’instant o`u il causait ainsi `a Th'eodore Gauvin, 'etait certainement fort loin de se douter que les services de la S^uret'e t'el'egraphiaient de tous c^ot'es `a son domicile, qu’une d'ep^eche de J'er^ome Fandor 'etait arriv'ee, d'ep^eche annoncant que Fant^omas devait d'ebarquer incessamment `a Paris.