Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Fant^omas pivotait sur ses talons, s’'eloignait…
Fant^omas, d’un coup d’oeil, s’assurait que ses acolytes ne commettaient point d’imprudence.
Mais ils 'etaient, au contraire, les uns et les autres, fort raisonnables, fort avis'es.
Ils marchaient `a quelques pas, n’ayant point l’air d’^etre ensemble, paraissant d’inoffensifs promeneurs.
Fant^omas avait pris le bras du Bedeau.
Celui-ci 'etait 'emu quelque peu. Il lui semblait que Fant^omas devait m'editer quelque chose de terrible, quelque entreprise gigantesque, pour avoir parl'e ainsi qu’il venait de le faire.
Et le Bedeau osait encore interroger Fant^omas :
— Patron, demandait-il, o`u nous m`enes-tu ?
Fant^omas r'epondit nettement :
— `A la morgue…
Or, `a ces mots, le Bedeau sursautait :
— `A la morgue ?… faisait-il. Mais que diable veux-tu faire `a la morgue ? Il n’y a pas de sous, l`a-bas ?…
— Nous n’y allons pas voler, fit Fant^omas.
Le Bedeau eut un gros rire.
— Pourtant, demandait-il, on n’y va pas esquinter un pante… Y a qu’des macchab'ees, `a la morgue…
Fant^omas toisa son complice.
— Imb'ecile, articula-t-il. Tu devrais savoir, Bedeau, qu’il y a des morts qu’il est n'ecessaire de tuer…
Dans l’ombre, malgr'e sa f'erocit'e, le Bedeau frissonna…
Chapitre XIV
L’enfer
`A ce moment, Fant^omas s’arr^etait brusquement, ayant l’air de vouloir rompre l’entretien avec son fid`ele lieutenant le Bedeau. Fant^omas, d’une voix maussade, appelait sur un ton de commandement :
— Ici, les copains !
Imm'ediatement, les apaches qui accompagnaient le Ma^itre se rangeaient autour de lui, formant un grand cercle, et ils demeuraient silencieux, pr^etant l’oreille, avides, semblait-il, de recueillir les instructions que sans doute leur chef pr'etendait leur donner.
Fant^omas en effet, apr`es avoir consid'er'e leur groupe h'esitant, daignait les renseigner sur ce qu’il attendait de lui.
Le Ma^itre, toutefois, n’avait pas l’habitude de confier en d'etail `a ses complices ses plans et ses projets. Fant^omas consid'erait toujours ceux qu’il employait comme d’utiles instruments, des machines pr'ecieuses, et exigeait d’eux une ob'eissance passive, mais il n’en admettait ni contr^ole, ni surveillance, ni quoi que ce soit qui p^ut leur donner l’ombre d’une apparente autorit'e.
C’'etait donc en ces termes peu explicites que Fant^omas leur enseignait d’avoir `a lui ob'eir.
— Vous allez, commencait-il, vous rendre les uns et les autres sur les berges. Toi, Bedeau, tu resteras le long du petit escalier qui court `a flanc de muraille et descend `a pic `a la Seine. En bas de cet escalier, vous trouverez des gaffes. Elles sont mises l`a par la Soci'et'e de sauvetage, et, ma foi, c’est bien d’un sauvetage qu’il s’agit… Les autres, vous vous embarquerez `a bord d’un bachot qui est attach'e `a cet endroit 'egalement. Vous irez vous embusquer sous le premier pont et vous attendrez…
— On attendra quoi ? demanda la Rouquine.
Fant^omas foudroya du regard celle qui se permettait de l’interroger.
— Voici ce qui se passera, continua-t-il. Dans vingt minutes `a peu pr`es, vous entendrez un coup de sifflet. `A ce moment, vous commencerez `a surveiller le courant de la Seine. Quelqu’un viendra, que vous accrocherez au bout de vos gaffes. Ce quelqu’un ce sera…
Fant^omas brusquement s’interrompait.
— Au fait, murmurait-il, je n’ai pas besoin de vous expliquer tout cela. Soyez l`a o`u je vous dis pour me pr^eter main forte, le cas 'ech'eant, et c’est l’essentiel.
Fant^omas achevait de parler, haussait les 'epaules en homme qui se moque pas mal apr`es tout des entreprises qu’il est sur le point de tenter, puis, sans ajouter un mot, hautainement redress'e, s’'eloignait, marchant `a grands pas, ayant l’air de profond'ement m'epriser ceux qu’il appelait pourtant ses amis.
Fant^omas, `a ce moment, se perdait dans la nuit, marchant volontairement dans les coins d’ombre, 'evitant l’aur'eole lumineuse des becs de gaz. Il allait vite et sans bruit… Rien qu’`a le voir, on e^ut devin'e qu’il 'etait l’ami de l’ombre, qu’il 'etait l’ami des t'en`ebres, le familier des nuits obscures…
Fant^omas ne t'emoignait d’ailleurs d’aucune h'esitation ni d’aucune inqui'etude. Quel que f^ut le plan qu’il allait tenter de mettre `a ex'ecution, il n’'etait pas 'evidemment inquiet `a son sujet ; il consid'erait sa r'eussite comme certaine.
Mais quel 'etait donc ce plan ? Quelle r'esolution Fant^omas avait-il donc arr^et'ee lorsqu’il 'etait sorti de chez Trois-et-Deux, le contre-policier, qu’il avait vu cette nuit-l`a m^eme ?
Quelques minutes plus tard, Fant^omas atteignait la petite place sur laquelle s’'el`event encore les b^atiments de la morgue qu’il est toujours question de d'emolir, et dont la municipalit'e parisienne ne parvient pas, malgr'e tout, `a d'ebarrasser l’^ile Saint-Louis.
Fant^omas avait pour le lugubre b^atiment, refuge dernier de tant de d'esesp'er'es, de tant d’inconnus, qui cherchent dans la mort l’oubli parfait et 'eternel, un regard de piti'e m'eprisante.
Il semblait mesurer du geste la hauteur des murailles, il semblait sonder du regard la profondeur, l’'epaisseur du monument.
— Bien ! fit-il enfin d’un ton pensif. Ce qui est n'ecessaire est n'ecessaire, et d’ailleurs, je n’ai pas le choix des moyens…
Frissonnant un peu, secou'e, semblait-il, d’une tr`es r'eelle 'emotion, Fant^omas longea la morgue et se pencha par-dessus le parapet de pierre qui domine `a pic les flots boueux de la Seine, battant l’^ile Saint-Louis.
— Je pense, murmurait-il, que le chemin est toujours praticable…
Mais de quel chemin s’entretenait-il ? `A quoi pouvait-il bien faire allusion, puisque, `a l’endroit o`u il se penchait, le fleuve baigne directement les murailles, et qu’il n’existe, au bas de la morgue, aucune esp`ece de berge.
Fant^omas 'evidemment employait un terme pour un autre… Le chemin dont il s’agissait n’'etait pas un v'eritable chemin, c’'etait tout bonnement un moyen de p'en'etrer dans le monument, car, ainsi qu’il l’avait dit au Bedeau, Fant^omas pr'etendait s’introduire cette nuit-l`a dans la morgue.