Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Fort bien, r'epondait-il. Depuis quand, Fant^omas, veux-tu ces renseignements ?
Le Ma^itre de l’effroi, `a ce moment, regardait soupconneusement Trois-et-Deux.
L’infernal contre-policier souriait, en effet, d’un sourire 'enigmatique, et cela n’'etait pas sans inqui'eter le G'enie du crime qui, brusquement, demanda :
— Pourquoi ris-tu, Trois-et-Deux ?
Le bonhomme ne fit aucune difficult'e pour r'epondre.
— Parce que, r'epliquait-il, Fant^omas, je pense que si je voulais m’amuser `a te donner tous les renseignements qui peuvent ^etre pris sur Juve, il faudrait que je te fasse fouiller dans plus de cent mille documents…
— Fichtre… dit Fant^omas. Tu pistes donc Juve ?…
Trois-et-Deux eut un petit hochement de t^ete satisfait.
— Naturellement, d'eclarait-il. Je pique des fiches sur lui le plus souvent possible. Elles te serviront quelque jour, Fant^omas, tu verras !
Trois-et-Deux avait l’air de sous-entendre quelque chose qu’il ne voulait point pr'eciser ; il reprit brusquement :
— Enfin, Fant^omas, pr'ecise ta question. Que dois-je t’apprendre sur Juve ?
Fant^omas, `a son tour, se fit net et pr'ecis.
— Voici, dit-il. Qu’a fait Juve depuis son retour `a Paris ?
Trois-et-Deux ferma les yeux, et, tout d’une tirade, d'ebita :
— Juve a 'et'e pris par moi-m^eme en filature `a son arriv'ee `a la gare du Nord. Ceci est d’ailleurs le fait d’une co"incidence ; c’est par hasard que je l’ai rencontr'e. Juve a 'et'e tranquillement, fort tranquillement, mon Dieu, enqu^eter chez un chemisier, j’ai pu savoir `a quel sujet… Il voulait avoir des renseignements relativement `a un certain Daniel dont il a retrouv'e le cadavre fort habilement grim'e et qui…
Mais Trois-et-Deux n’achevait pas. Fant^omas, en l’'ecoutant, avait brusquement bl^emi.
— Tu dis ? interrompait-il, que Juve a 'et'e enqu^eter `a propos d’un certain Daniel ?… Sait-il donc que ce Daniel a 'et'e tu'e par moi ? Sait-il son nom ?
Trois-et-Deux hocha la t^ete, affirmativement.
— Laisse-moi achever, Fant^omas. Juve n’est pas un imb'ecile, tu devrais le savoir ! Donc, il a enqu^et'e `a propos de ce Daniel, et il a trouv'e qu’il s’agissait d’un certain clerc de notaire habitant Grenoble et travaillant `a l’'etude appartenant `a M e Th'eodore Gauvin. Juve a t'el'ephon'e `a M e Gauvin, mais je n’ai pas pu entendre, naturellement, ce qu’ils disaient. J’ajoute qu’il ne me para^it pas impossible que M e Gauvin vienne `a Paris, ou que Juve aille `a Grenoble…
Trois-et-Deux se taisait. Fant^omas, qui 'etait toujours tr`es p^ale et se mordait les l`evres, interrogea encore :
— C’est tout ?…
Trois-et-Deux r'epondit avec affabilit'e :
— C’est tout… et c’est vingt-cinq louis !
Le prix de la consultation 'etait 'evidemment extraordinaire, quelque peu exag'er'e m^eme. Fant^omas, toutefois, le payait sans sourciller.
Le billet bleu qu’il avait sorti de sa poche fut rapidement cach'e par Trois-et-Deux. Fant^omas interrogeait encore :
— Autre chose, demandait-il. Qu’a-t-on fait du cadavre de ce Daniel ?
Trois-et-Deux parut surpris de la question.
— Eh, ripostait-il, on en a fait ce qu’on fait toujours d’un cadavre en pareil cas, il est `a la morgue…
`A ces mots, Fant^omas 'eclatait litt'eralement de rire, haussant les 'epaules, semblant s’amuser infiniment.
— Juve a mis ce cadavre `a la morgue ! murmurait-il. Ah ! l’imb'ecile, l’imb'ecile !
Puis Fant^omas, changeant de ton, redevenant s'erieux.
— Merci, Trois-et-Deux, faisait-il. Je n’ai rien d’autre `a te demander, au revoir…
— Au revoir, fit le bonhomme, `a ta disposition !
Fant^omas descendit rapidement l’escalier, demanda le cordon au concierge, sortit, recommenca `a descendre la rue d’Hauteville.
Un peu avant d’arriver au boulevard, Fant^omas h'ela un taxi-auto.
— Passage Tivoli, commandait-il, `a la gare Saint-Lazare !
Le taxi fila rapidement par les rues d'esertes `a cette heure. Fant^omas arrivait bient^ot `a l’entr'ee du passage Tivoli, payait sa voiture, et gagnait l’un des h^otels louches qui se trouvent `a cet endroit et que fr'equente le plus ordinairement une p`egre interlope aux occupations douteuses.
Fant^omas entra dans l’un de ces h^otels, et, sans m^eme avertir le garcon, qui d’ailleurs s’effacait devant lui en donnant des signes de profond respect, montait directement jusqu’`a une chambre o`u il frappa rudement.
Une voix enrou'ee s’informa :
— Qu’est-ce qu’il y a, bon Dieu !… on ne peut pas vous laisser pioncer tranquillement !
— Ouvre ! insista Fant^omas.
Le bandit, 'evidemment parlait d’une certaine facon o`u encore le ton de sa voix 'etait connu, car imm'ediatement on entendait le bruit de deux pieds nus accourant sur le sol.
La porte s’ouvrit, un homme en chemise se montra :
— Ah c`a, c’est vous, patron ? Bon Dieu, qu’est-ce qu’il y a donc ?
— Rien, dit Fant^omas. Absolument rien. Seulement, j’ai besoin de toi, Bedeau. L`eve-toi, et viens !
Le Bedeau ne faisait nulle objection, n’opposait pas davantage une seule question au Ma^itre de l’effroi.
Le Bedeau savait fort bien que Fant^omas n’'etait pas homme `a tol'erer qu’on se perm^it de l’interroger. Il savait aussi que le Ma^itre ne le d'erangeait pas `a l’improviste sans de graves raisons, et que si Fant^omas faisait appel `a lui, c’'etait qu’il 'etait n'ecessaire qu’il se m^it `a sa disposition, c’est qu’il 'etait urgent qu’il ob'eisse.
— Bon… bon… dit Le Bedeau, je m’habille et je calte… Ah, tout de m^eme, Fant^omas, tu choisis mal ton jour… Cette nuit, j’avais du monde !
— Qui ? demanda Fant^omas.
— La Rouquine.
— Que la Rouquine vienne…
Dix minutes plus tard, le trio 'etrange quittait le bouge du passage Tivoli.
Fant^omas avait chang'e d’habits chez Le Bedeau. Il avait laiss'e chez ce lieutenant d'evou'e ses v^etements 'el'egants. Maintenant il portait une veste d’ouvrier, un pantalon de velours, et, sans faux-col, la chemise d'ebraill'ee, il apparaissait souple, 'elanc'e, mince, plus `a son aise encore.