L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— J’en suis s^ur, prof'era d’une voix 'etrange le vieux com'edien, si bien que M. Rigou lui en fit la remarque :
— Pourquoi ? demanda-t-il.
Mais le vieux com'edien s’'etait ressaisi :
— Je ne sais pas, une id'ee comme ca qui me passait par la t^ete.
La plupart des artistes voyant que la conversation myst'erieuse se prolongeait, s’'etaient 'eclips'es, laissant les soucoupes `a M. Rigou. Celui-ci ne les r'egla pas, mais il dit au garcon :
— Mettez cela sur le compte.
Propos vague en r'ealit'e, et qui ne r'ejouissait pas le patron du Caf'e du Triangle, car s’il existait r'eellement
Rigou serra la main de son nouveau pensionnaire :
— `A tout `a l’heure, Talma, d'eclara-t-il parlant haut et fort, `a titre de publicit'e. `A tout `a l’heure `a huit heures pr'ecises au Th'e^atre Ornano.
Sur le trottoir les deux hommes se s'epar`erent. Cependant que M. Rigou s’en allait tout joyeux, le personnage qui avait pr'etendu s’appeler Talma le suivait d’un regard sombre, puis, instinctivement, se palpait les poches.
Dans celle de droite, il sentait un rouleau de corde qu’il y avait plac'e quelques heures auparavant. Dans celle de gauche, `a l’int'erieur, 'etait un objet lourd, plat, rigide : le couperet achet'e par Bouzille.
22 – LA T^ETE DE FANT^OMAS
Rose Coutureau n’'etait pas une m'echante fille. `A peine 'etait-elle partie de chez son p`ere sans 'ecouter les lamentations du brave homme, qui, de plus en plus effar'e par la myst'erieuse succession d’'ev'enements r'ecents, voulait s’opposer au d'epart de la ma^itresse de Beaum^ome, qu’elle avait senti na^itre en elle un remords d’autant plus pressant que, somme toute, les affaires s’arrangeaient.
Rose, en effet, avait eu d’autant plus d’envie de reprendre la vie commune avec Beaum^ome qu’elle s’'etait dit que si jamais le vol commis au pr'ejudice de la comtesse de Blangy devait avoir des cons'equences f^acheuses, c’'etait encore dans la soci'et'e des apaches qu’elle avait le plus de chances de pouvoir 'echapper aux recherches de la police.
Or, personne ne parlait plus du vol.
La grande Berthe elle-m^eme avait 'et'e remise en libert'e, en raison du d'esistement et du retrait de la plainte de Mme de Blangy, et si l’opinion s’occupait de la comtesse, c’'etait uniquement pour commenter sa mort affreuse d’une part, et l’extraordinaire habilet'e dont avait fait preuve Juve en l’expliquant.
Rassur'ee, gr^ace `a tout cela, et de plus, voulant consoler son p`ere qu’elle savait avoir d'esesp'er'e en l’abandonnant, Rose Coutureau revint donc au domicile qu’elle avait quitt'e.
Mais l`a une surprise nouvelle l’attendait, une surprise qui la terrifiait : le p`ere Coutureau avait disparu.
Rose, 'evidemment, ne pouvait pas se douter que son pauvre p`ere 'etait mort, tandis qu’il 'etait aux mains de Fant^omas. Toutefois, elle pressentait, se doutait presque que Fant^omas ne devait pas ^etre 'etranger `a cette nouvelle disparition.
— Tout ca n’est pas clair, se disait-elle.
Et elle se lamentait encore, esp'erant toujours que le p`ere Coutureau allait r'eappara^itre d’un moment `a l’autre, lorsqu’on frappa `a la porte du petit logement.
Rose alla ouvrir. Elle se trouva en face d’un jeune homme qui se pr'esenta lui-m^eme avec une parfaite bonhomie :
— Ouvrez mademoiselle, ouvrez votre porte toute grande, ce n’est pas le diable qui vient vous voir, c’est tout bonnement J'er^ome Fandor.
Le nom ne disait pas grand-chose `a Rose Coutureau qui ne lisait que rarement le journal.
Toutefois, Fandor avait l’air si aimable, si bien dispos'e, qu’elle n’h'esita pas davantage.
Rose Coutureau ouvrit la porte, qu’elle n’avait qu’entreb^aill'ee jusqu’alors :
— Entrez, dit-elle. Qui venez-vous voir ici ?
— Dame, riposta Fandor, je crois bien que ce ne peut ^etre que vous puisque votre p`ere…
— Vous avez des nouvelles de mon p`ere ?
On avait le matin m^eme retrouv'e le cadavre du p`ere Coutureau jet'e au bas du foss'e des fortifications. Fandor le savait. Il comprit en une seconde que Rose Coutureau ignorait, au contraire, la mort tragique de son p`ere.
— Non mademoiselle, d'eclara Fandor, je n’ai pas tout `a fait des nouvelles de votre p`ere, mais enfin je sais qu’il est tomb'e aux mains de Fant^omas.
— De Fant^omas ? Alors il ne lui arrivera rien de mal.
Pour le coup, Fandor se laissa choir sur une chaise et hochant la t^ete avec 'enervement :
— Ca c’est trop fort, pensait le journaliste. Le p`ere Coutureau, l’autre jour, me jure que Fant^omas est un petit saint, l`a-dessus Fant^omas le zigouille. Maintenant, voil`a que la fille va me vanter Fant^omas et cela, alors que Fant^omas a tout fait pour qu’elle passe aux yeux de la police pour complice de l’assassinat de lady Beltham. Mais qu’est-ce qu’ils ont donc tous `a aimer Fant^omas ?
Fandor ayant r'efl'echi, d'ecida de brusquer les choses :
— Eh bien, d'eclara-t-il, moi, je ne suis pas de votre avis. Si votre papa est r'eellement aux mains du bandit, je crois, vous savez, que sa peau ne vaut pas cher.
Or, Rose Coutureau, `a cette d'eclaration, paraissait tout aussi 'ebahie que Fandor l’avait 'et'e lorsqu’elle lui avait affirm'e que Fant^omas ne pouvait pas vouloir de mal aux vieux Coutureau.
— Monsieur, d'eclarait-elle, vous vous trompez certainement. Fant^omas peut ^etre un bandit pour beaucoup, mais moi, je ne peux pas le consid'erer autrement que comme un bienfaiteur. Savez-vous que sans lui…
— Ah bien, il est joli le bienfaiteur ! Ah, il est propre votre bienfaiteur !
Fandor grommelait, pris de col`ere, h'esitant `a r'ev'eler la v'erit'e `a la malheureuse Rose Coutureau.
Mais le journaliste n’avait vraiment pas le courage d’apprendre `a la pauvre fille qui croyait son p`ere en parfaite s^uret'e, que celui-ci 'etait mort.
— Zut, pensa Fandor, les sc`enes de larmes, moi, ca me fait trop d’effet, et puis on sait toujours assez t^ot les malheurs.
Il d'ecida donc de ne rien dire. Malheureusement, si Fandor voulait ^etre circonspect et ne point apprendre la sinistre nouvelle `a Rose Coutureau, il lui fallait en m^eme temps renoncer `a questionner la jeune fille. Or, cela n’'etait pas commode.