La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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Et le promeneur nocturne se dirigea vers l’arbre qu’il avait d'esign'e et qu’il s’appr^eta `a monter.
Mais tout `a coup il 'etouffa dans sa gorge un juron pr^et `a s’'echapper, il l^acha le tronc gigantesque pour se dissimuler enti`erement derri`ere celui-ci.
De sa poche, il tira son revolver et un l'eger d'eclic indiqua qu’il venait d’en d'egager le cran de s^uret'e.
Un homme avait surgi d’un bosquet voisin qui sans souci de se dissimuler marchait `a grandes enjamb'ees et se dirigeait vers l’espion de Winie. Entendant le d'eclic du revolver, il s’arr^eta soudain et souffla :
— Au nom du ciel, Fandor, ne tirez pas.
— Quoi Teddy, c’est vous. Ah, vous pouvez vous vanter de m’avoir fait peur.
C’'etait en effet Teddy qui venait de survenir, le promeneur nocturne n’'etait autre que Fandor.
Teddy avait l’air furieux de la pr'esence de Fandor en ce lieu, une moue rageuse lui crispait le visage, et c’est d’une voix acerbe qu’il interrogea :
— Que faites vous l`a ?
— Moi ? je me prom`ene, la nuit est belle, la lune brille, il fait frais. Quel moment serait mieux choisi pour une promenade.
— Ne plaisantez pas.
— Mais je ne plaisante pas, je vous assure, je suis venu voir si le jardin de Hans Elders 'etait aussi agr'eable la nuit que le jour.
— Vous ne voulez donc pas me r'epondre franchement ? Eh bien, je vais vous dire, moi, pourquoi vous ^etes ici. Vous ^etes venu voir Winie. Elle va para^itre `a la fen^etre tout `a l’heure et vous lui chanterez la romance d’amour, comme vous savez le faire, vous autres Francais.
— La romance d’amour, mais vous n’y songez pas. Un pauvre journaliste comme moi ne peut pas parler d’amour `a la fille du roi des diamants.
— Mais alors pourquoi vous pr'epariez-vous `a monter `a cet arbre quand je suis arriv'e ici ? Il est en face de sa chambre, cet arbre. Allons, n’essayez pas de nier l’'evidence, c’est inutile.
— Eh bien non, mon cher Teddy, vous vous trompez compl`etement, je ne suis pas amoureux de Winie, et si elle soupconnait seulement ma pr'esence ici, elle songerait plut^ot `a me prendre pour un voleur que pour un amant. Sans doute je la trouve belle. J’ai beaucoup de plaisir `a la voir, `a causer avec elle, mais je ne l’aime pas, et si je suis ici, c’est pour les besoins de l’enqu^ete que nous poursuivons tous deux. Ainsi donc, n’ayez aucune crainte, je ne vous enl`everai pas votre amoureuse.
— Mais je ne l’aime pas, moi non plus.
— Comment, vous ne l’aimez pas ?
— Mais non.
— Allons, allons, mon cher Teddy, c’est `a moi de vous r'ep'eter ce que vous me disiez tout `a l’heure, vous ne me parlez pas franchement. Avouez donc. Vous savez que je suis votre ami. Dame, elle est assez jolie, la fille de Hans, pour que vous en soyez 'epris et il n’y a pas de honte `a avouer cet amour.
— Je n’aime pas Winie.
— Comment, ce n’'etait pas un petit brin de jalousie qui vous surexcitait tout `a l’heure, ce n’est pas parce que vous me croyiez le
— Mon cher Fandor, je n’'etais pas en col`ere contre vous, j’'etais un peu 'emu, sans doute, mais c’'etait… Je ne sais pas, la nuit, la lune peut ^etre. Ne me demandez plus rien, je vous en prie, vous me torturez. Je ne peux pas vous r'epondre.
— Soit, parlons d’autre chose.
Teddy avait l’air si troubl'e durant toute la fin de cette conversation que Fandor crut comprendre qu’il avait de la r'epugnance `a confesser ses sentiments et il n’insista pas.
— S’il veut garder son secret, qu’il le garde, se dit-il apr`es tout, les amours de la belle Winie ne m’int'eressent pas.
— J’ai des choses tr`es s'erieuses `a vous dire, mon cher Teddy, mais je crois que dans ces conditions, il serait prudent de nous 'eloigner.
Ils se dirig`erent vers le labyrinthe qui 'etait l’endroit le plus recul'e du jardin. Il se composait d’un enclos assez vaste `a circuits compliqu'es, mais o`u Teddy qui le connaissait parfaitement n’eut pas de peine `a se diriger. Le centre 'etait occup'e par une charmille l'eg`erement sur'elev'ee d’o`u l’on apercevait distinctement l’entr'ee, si bien qu’on pouvait y causer sans crainte d’^etre entendu ou surpris.
— Ici, dit Teddy, nous sommes compl`etement en s^uret'e.
— Eh bien, voil`a ce dont il s’agit : Vous savez que je surveille attentivement toutes les d'emarches de Hans Elders et que je le prends en filature toutes les fois que je le vois s’'eloigner de son usine. Donc, vendredi dernier, je l’ai vu sortir de Diamond House dans une tenue singuli`ere. Il avait des bottes et un paletot de velours comme s’il allait `a la chasse, mais il ne portait pas de fusil. 'Etonn'e, je me suis mis `a le suivre, et il m’a conduit `a la lisi`ere de la for^et.
— Quelle for^et ?
— Celle qui s’'etend depuis ici jusqu’`a la mer, et qui est la moins fr'equent'ee de toutes celles qui entourent Durban. Vous comprenez que je le suivais `a une distance assez consid'erable, pour qu’il ne se doute pas de ma pr'esence. Arriv'e `a la lisi`ere, imaginez ma surprise, je l’ai vu monter sur un latanier gigantesque.
— Et pourquoi faire ?
— C’est malheureusement ce que je ne puis d'eterminer, car involontairement j’ai fait craquer sous mon pied une branche s`eche qui lui a donn'e l’'eveil.
— Il vous a vu.
— Non, il s’est mis `a courir dans la direction du bruit, mais lorsqu’il est arriv'e, je n’'etais d'ej`a plus l`a, ce qui est cause que je ne sais pas du tout ce qu’il est venu faire, ni ce qu’il a fait.
— Mais depuis vendredi, est-ce qu’il n’est pas revenu `a la for^et ?
— Si, tous les jours.
— Mais alors vous n’aviez qu’`a…
— Ne vous emballez pas, mon cher Teddy, ce que vous dites si bien, je l’ai fait. Samedi, en le voyant sortir de sa maison dans le m^eme 'equipement que la veille, je ne me suis plus donn'e la peine de le suivre. Sachant bien o`u il allait, je me suis arrang'e pour y arriver avant lui. Je me suis cach'e `a quelques m`etres de l’arbre qui fait l’objet de sa visite, dans un endroit d’o`u je croyais tout voir sans risquer d’^etre vu… Il a grimp'e dans l’arbre, a disparu quelques instants `a mes yeux au milieu de branches et puis il est redescendu presque aussit^ot. Toutes les fois qu’il est venu depuis ce jour, je me suis trouv'e dans ma cachette et toutes les fois la m^eme c'er'emonie s’est accomplie, mais je n’ai pu apprendre rien de nouveau.