Том 6. С того берега. Долг прежде всего
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Cette d'ecouverte le frappa tellement qu'il vint en Russie pour y examiner de pr`es les communes rurales. Haxthausen, instruit d`es son enfance que toute puissance vient de Dieu, habitu'e d`es ses plus jeunes ans `a v'en'erer tous les gouvernements, Haxthausen ayant conserv'e les id'ees politiques du temps de Puffendorf et de Hugo Grotius, ne pouvait se d'efendre d'admirer la cour de P'etersbourg. Il se sentait 'ecras'e par cette puissance qui a six cent mille soldats pour sa d'efense et neuf mille verstes de terrain pour ses bannis. Etonn'e et an'eanti par la grandeur effrayante de cette autocratie, il quitta heureusement bient^ot P'etersbourg, resta quelque temps `a Moscou et s''eclipsa pour toute une ann'ee.
Cette ann'ee, Hasthausen l'employa `a une 'etude approfondie de la commune rurale en Russie. Le r'esultat de ses recherches ne fut pas tout `a fait semblable `a celui de Custine. Il dit, en effet, qu'en Russie, la commune rurale est tout. L`a, suivant l'opinion du baron, est la clef du pass'e de la Russie et le germe de son avenir, la monade vivifiante de l'Etat russe.
Je partage enti`erement l'opinion de Haxthausen; mais je crois qu'en Russie la commune rurale n'est pas tout non plus. Haxthausen a vraiment saisi le principe vivifiant du Peuple russe; mais, dans sa pr'evention native pour tout ce qui est patriarcal et, sans aucun talent de critique, il n'a pas vu, que c'est pr'ecis'ement le c^ot'e n'egatif de la vie communale qui a provoqu'e la r'eaction de P'etersbourg. S'il n'y avait pas eu compl`ete absorption de la personnalit'e dans la commune, cette autocratie, dont parle Custine avec un si juste effroi, n'aurait pu se former.
Il me semble qu'il y a dans la vie russe quelque chose de plus 'elev'e que la commune et de plus fort que le pouvoir; ce quleque chose est difficile `a exprimer par des mots, et plus difficile encore `a indiquer du doigt. Je parle de cette force intime n'ayant pas enti`erement conscience d'elle-m^eme, qui tenait si merveilleusement le Peuple russe sous le joug des hordes mongoles et de la bureaucratie allemande, sous le knout oriental d'un Tartare et sous la verge occidentale d'un caporal; je parle de cette force intime, `a l'aide de laquelle s'est conserv'ee la physionomie ouverte et belle et la vive intelligence du paysan russe, malgr'e la discipline avilissante du servage, et qui, au commandement imp'erial de se civiliser, a r'epondu, apr`es un si`ecle, par la colossale apparition d'un Pouchkin; je parle de cette force, enfin, et de cette confiance en soi qui s'agite dans notre poitrine. Cette force, en dehors de tous les accidents ext'erieurs et malgr'e eux, a conserv'e le Peuple russe et prot'eg'e cette foi in'ebranlable qu'il a en lui-m^eme: `a quelle fin?.. C'est ce que le temps nous apprendra.
«Communes rurales russes et r'epublique, villages slaves et institutions sociales». Ces mots, ainsi accoupl'es, r'esonnent sans doute d'une mani`ere bizarre aux oreilles des lecteurs de Haxthausen. Beaucoup, j'en suis s^ur, demanderont si l'agronome westphalien 'etait dans son bon sens; et pourtant Haxthausen a parfaitement raison; l'organisation sociale des communes rurales en Russie est une v'erit'e tout aussi grande que la puissante organisation slave du syst`eme politique. Cela est 'etrange!.. Mais n'est-il pas encore plus 'etrange, qu'`a c^ot'e des fronti`eres europ'eennes un Peuple ait v'ecu pendant mille ans, qui compte aujourd'hui cinquante millions d'^ames, et qu'au milieu du dix-neuvi`eme si`ecle sa mani`ere de vivre soit pour l'Europe une nouveaut'e inou"ie?
La commune rurale russe subsiste de temps imm'emorial, et les formes s'en retrouvent assez semblables chez toutes les tribus slaves. L`a, ou elle n'existe pas, c'est qu'elle a succomb'e sous l'influence germanique. Chez les Serbes, les Bulgares et les Mont'en'egrins, elle s'est conserv'ee plus pure encore qu'en Russie. La commune rurale repr'esente pour ainsi dire l'unit'e sociale, une personne morale, l'Etat n'a jamais d^u aller au-del`a; elle est le propri'etaire, la personne `a imposer; elle est responsable pour tous et chacun, et par suite autonome en tout ce qui concerne ses affaires int'erieures.
Son principe 'economique est l'antith`ese parfaite de la c'el`ebre proposition de Malthus: elle laisse chacun sans exception prendre place `a sa table. La terre appartient `a la commune et non `a ses membres en particulier; `a ceux-ci appartient le droit inviolable d'avoir autant de terre que chaque autre membre en poss`ede au dedans de la m^eme commune; cette terre lui est donn'ee, comme possession sa vie durant; il ne peut et n'a pas besoin non plus de la l'eguer par h'eritage. Son fils, aussit^ot qu'il a atteint l'^age d'homme, a le droit, m^eme du vivant de son p`ere, de r'eclamer de la commune une portion de terre. Si le p`ere a beaucoup d'enfants, tant mieux, car ils recoivent de la commune une portion de terre d'autant plus grande; `a la mort de chacun des membres de la famille, la terre revient `a la commune.
Il arrive fr'equemment, que des vieillards tr`es ^ag'es rendent leur terre et acqui`erent par l`a le droit de ne point payer d'imp^ots. Un paysan, qui quitte pour quelque temps sa commune, ne perd pas pour cela ses droits sur la terre; ce n'est que par l'exil qu'on peut la lui retirer, et la commune ne peut prendre part `a une d'ecision de cette sorte que par un vote unanime; elle n'a cependant recours `a ce moyen que dans les cas extr^emes. Enfin, un paysan perd aussi ce droit dans le cas o`u, sur sa demande, il est affranchi de l'union communale. Il est alors autoris'e seulement `a prendre avec lui son bien mobilier, rarement lui permet-on de disposer de sa maison ou de la transporter. De cette sorte, le prol'etariat rural est chose impossible.
Chacun de ceux qui poss`edent une terre, dans la commune, c'est-`a-dire chaque individu majeur et impos'e, a voix dans les int'er^ets de la commune. Le pr'esident et ses adjoints sont choisis dans une assembl'ee g'en'erale. On proc`ede de m^eme pour d'ecider les proc`es entre les diff'erentes communes, pour partager la terre et r'epartir les imp^ots. (Car c'est essentiellement la terre qui paie et non la personne. Le gouvernement compte seulement les t^etes; la commune compl`ete le d'eficit de ses imp^ots par t^etes au moyen d'une r'epartition particuli`ere, et prend pour unit'e le travailleur actif, c'est-`a-dire le travailleur qui a une terre `a son usage.)
Le pr'esident a une grande autorit'e sur chaque membre, mais non sur la commune; pour peu que celle-ci soit unie, elle peut tr`es bien contrebalancer le pouvoir du pr'esident, l'obliger m^eme `a renoncer `a sa place, s'il ne veut pas se plier `a leurs;voeux. Le cercle de son activit'e est d'ailleurs enti`erement administratif; toutes les questions qui vont au-del`a d'une simple police, sont r'esolues, ou d'apr`es les coutumes en vigueur, ou par le conseil des Anciens, ou enfin par l'Assembl'ee g'en'erale. Haxthausen a commis ici une grande erreur en disant que le pr'esident administre despotiquement la commune. Il ne peut agir despotiquement que si toute la commune est pour lui.