Том 7. О развитии революционных идей в России
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Son principe 'economique est l'antith`ese parfaite de la c'el`ebre maxime de Malthus: elle laisse chacun sans exception prendre place `a sa table. La terre appartient `a la commune et non `a ses membres en particulier; `a ceux-ci appartient le droit inviolable d'avoir autant de terre que chaque autre membre en poss`ede au dedans de la m^eme commune; cette terre lui est donn'ee comme possession sa vie durant; il ne peut et n'a pas besoin non plus de la l'eguer par h'eritage. Son fils,aussit^ot qu'il a atteint l'^aged'homme, a le droit, m^eme du vivant de son p`ere, de r'eclamer de la commune une portion de terre. Si le p`ere a beaucoup d'enfants, ils recoivent apr`es avoir atteint la majorit'e chacun une portion de terre; d'un autre c^ot'e, `a la mort de chacun des membres de la famille, la terre revient `a la commune.
Il arrive fr'equemment que des vieillards tr`es ^ag'es rendent leur terre et acqui`erent par l`a le droit de ne point payer d'imp^ots. Un paysan, qui quitte pour quelque temps sa commune, ne perd pas pour cela ses droits `a la terre, ce n'est que par l'exil prononc'e par la commune (ou le gouvernement) qu'on peut la lui retirer, et l`a commune ne peut prendre part `a une pareille d'ecision que par un vote unanime; elle n'a cependant recours `a ce moyen que dans les cas extr^emes. Enfin, un paysan perd aussi ce droit dans le cas o`u, sur sa demande, il est affranchi de l'union communale. Il est alors autoris'e seulement `a prendre avec lui son bien mobilier, rarement lui permet-on de disposer de la maison ou de la transporter. De cette sorte, le prol'etariat rural est chose impossible.
Chacun de ceux qui poss`edent une terre dans la commune, c'est-`a-dire chaque individu majeur et impos'e, a voix dans les int'er^ets de la commune. L'ancien du village et ses adjoints sont choisis dans une r'eunion g'en'erale. On proc`ede de m^eme pour d'ecider les proc`es entre les diff'erentes communes, pour partager la terre et pour r'epartir les imp^ots. (Car c'est essentiellement la terre qui paie et non la personnel Le gouvernement compte seulement les t^etes; la commune fait sa distribution de la somme totale en prenant pour unit'e le travailleur actif, c'est-`a-dire le travailleur qui a une terre `a son usage).
L'ancien (le starost) a une grande autorit'e sur chaque membre, mais non sur la commune; pour peu que celle-ci soit unie, elle peut tr`es bien contrebalancer le pouvoir de l'ancien, l'obliger m^eme `a renoncer `a sa place s'il ne veut pas se plier `a leurs voeux. Le cercle de son activit'e est d'ailleurs exclusivement administratif; toutes les questions qui ne sont pas purement de police sont r'esolues, ou d'apr`es les coutumes en vigueur, ou par le conseil des p`eres de famille, des chefs de maison ou enfin par la r'eunion g'en'erale. M. Haxthausen [18] a commis une grande erreur en disant que le pr'esident administre despotiquement la commune. Il ne peut agir despotiquement que si toute la commune est pour lui.
18
Dans un ouvrage tr`es int'eressant, mais fr'en'etiquement r'eactionnaire sur la Russie agricole qu'il a publi'e, en 1847, en allemand et en francais.
Cette erreur a conduit Haxthausen `a voir dans ce starost l'image de l'autorit'e imp'eriale. L'autorit'e imp'eriale, r'esultat de la centralisation moscovite de la r'eforme de P'etersbourg, n'a pas de contre-poids, tandis que l'autorit'e du starost d'epend de la commune.
Que l'on consid`ere maintenant que chaque Russe qui n'est point citadin ou noble doit appartenir `a une commune, et que le nombre des habitants des villes, par rapport `a la population des campagnes, est extr^emement restreint et l'impossibilit'e d'un prol'etariat nombreux devient 'evidente. Le plus grand nombre des travailleurs des villes appartient aux communes rurales pauvres, surtout `a celles qui ont peu de terre, mais, comme il a 'et'e dit, ils ne perdent pas leurs droits dans la commune; ainsi les fabricants doivent n'ecessairement payer aux travailleurs un peu plus que ne leur rapporterait le travail des champs.
Souvent ces travailleurs se rendent dans les villes pour l'hiver seulement, d'autres y restent pendant des ann'ees; ees derniers forment entre eux de grandes associations de travailleurs; c'est une sorte de commune rurale mobilis'ee. Ils vont de ville en ville (les m'etiers sont presque libres), et leur nombre r'euni dans la m^eme association s''el`eve souvent jusqu'`a plusieurs centaines, quelquefois m^eme jusqu'`a mille; il en est ainsi, par exemple, des charpentiers et des macons `a P'etersbourg et `a Moscou, et des voituriers sur les grandes routes. Le produit de leur travail est administr'e par des directeurs choisis, et partag'e d'apr`es, l'avis de tous dans des assembl'ees g'en'erales.
Le seigneur peut r'eduire la terre conc'ed'ee aux paysans, il peut choisir pour lui le meilleur sol; il peut agrandir ses bien-fonds, et, par l`a, le travail du paysan; il peut augmenter les imp^ots, mais il ne peut pas refuser aux paysans une portion de terre suffisante, et la terre, une fois appartenant `a la commune, demeure compl`etement sous l'administration communale, la m^eme en principe que celle qui r'egit les terres libres; le seigneur ne se m^ele jamais dans ses affaires.
On a vu des seigneurs qui voulaient introduire le syst`eme europ'een du partage parcellaire des terres et la propri'et'e priv'ee. Ces tentatives provenaient pour la plupart de la noblesse des provinces de la Baltique; mais elles 'echou`erent toutes, et finirent g'en'eralement par le massacre des seigneurs ou par l'incendie de leurs ch^ateaux; car tel est le moyen national auquel le paysan russe a recours pour faire conna^itre qu'il proteste [19] .
19
Par les documents que publie le minist`ere de l'int'erieur, on voit que g'en'eralement chaque ann'ee, d'ej`a avant la derni`ere revolution de 1848, 60 'a 70, seigneurs fonciers furent massacr'es par leur paysans. N est-ce pas la protestation permanente contre autorit'e illegale.
L'effroyable histoire de l'introduction des colonies militaires a montr'e ce que c'est que le paysan russe quand on l'attaque dans sa derni`ere forteresse. Le lib'eral Alexandre fit emporter les villages d'assaut; l'exasp'eration des paysans grandit jusqu'`a la fureur la plus tragique; ils 'egorg`erent leurs enfants pour les soustraire aux institutions absurdes qui leur 'etaient impos'ees par la ba"ionnette et la mitraille. Le gouvernement, furieux de cette r'esistance, poursuivit ces hommes h'ero"iques; il les fit battre de verges jusqu'`a la mort, et, malgr'e toutes ces cruat'es et ces horreurs, il ne put rien obtenir La sanglante insurrection de la Stara"ia Roussa, en 1831, a montr'e combien peu ce malheureux peuple se laisse dompter.
On dit que tous les peuples sauvages ont aussi commenc'e par une commune analogue; qu'elle a exist'e chez les Germains et les Celtes dans son complet d'eveloppement, qu'on la trouve aux Indes, mais on ajoute que partout elle a d^u dispara^itre avec les commencements de la civilisation.
La commune germaine et celtique est tomb'ee devant deux id'ees sociales compl`etement oppos'ees `a la vie communale: la f'eodalit'e et le droit romains Nous, par bonheur, nous nous pr'esentons, avec notre commune, `a une 'epoque o`u la civilisation anticommunale aboutit `a l'impossibilit'e absolue de se d'egager, par ses principes, de la contradiction entre le droit individuel et le droit social.
Mais, dit-on, par ce partage continu du sol, la vie communale trouvera sa limite naturelle dans l'accroissement de la population. Quelque grave en apparence que soit cette objection, il suffit, pour l''ecarter, de r'epondre que la Russie poss`ede encore des terres pour tout un si`ecle, et que, dans cent ans, la br^ulante question de possession et de propri'et'e sera r'esolue d'une facon ou d'autre.
Beaucoup d''ecrivains, et parmi eux Haxthausen, disent que, suite de cette instabilit'e dans la possession, la culture du sol ne s'am'eliore point; cela peut bien ^etre; mais les amateurs agronomes oublient que l'am'elioration de l'agriculture, dans le syst`eme occidental de la possession, laisse la plus grande partie de la population dans une profonde mis`ere, et je ne crois pas que la fortune croissante de quelques fermiers et le progr`es de l'agriculture comme art, puissent ^etre consid'er'es, par l'agronomie elle-m^eme, comme un juste d'edommagement de l'horrible situation de prol'etariat affam'e.