Франция с 1789 года до наших дней. Сборник документов (составитель Паскаль Коши). La France contemporaine, de 1789 a nos jours. Recueil de documents (par Pascal Cauchy)
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«Mon p`ere, ma m`ere et Mme d’Estourmel furent les seuls du ch^ateau qui veill`erent; comme nos fen^etres donnaient sur la rue des R'eservoirs, et qu’on d'ecouvrait de l`a la place d’Armes et la cour des Ministres, on y voyait mieux l’agitation du peuple que partout ailleurs du ch^ateau. On avait fait atteler quinze voitures du Roi `a huit heures du soir, afin qu’il p^ut fuir avec ses gardes; mais, au lieu de leur faire traverser la place d’Armes et les cours, pour de l`a gagner la terrasse, ce qui 'etait tr`es facile, toutes les troupes 'etant alors sous les armes, on leur fit prendre le chemin de la grille du Dragon, par les rues, sans escorte; le peuple les forca `a retourner, plusieurs 'ecuyers coururent risque de la vie; on vint dire `a ce pauvre Roi que les voitures ne pouvaient arriver au ch^ateau; ainsi il fut trahi encore pour cet objet.
On fit ranger les gardes du corps `a cheval sur la terrasse pendant la nuit, et peu apr`es on les fit partir pour Rambouillet.
Sur les cinq heures, maman vit beaucoup de peuple courir avec violence par des mouvements tumultueux; c’'etait de loin, elle ne put distinguer ce que c’'etait; elle sortit de son appartement avec mon p`ere et Mme d’Estourmel; ils travers`erent la galerie de l’Op'era pour aller au vestibule de la Chapelle, qui menait `a la grande galerie. Ils trouv`erent les portes ferm'ees et tout dans la plus profonde tranquillit'e; heureusement ils rentr`erent, car l’instant d’apr`es, la minute avant que le peuple envah^it, nos domestiques vinrent dire que les gardes du corps 'etaient devenus fous; deux, courant `a toutes jambes, avaient voulu entrer, on avait ferm'e la porte sur eux. Alors maman, ne pouvant plus tenir `a ses inqui'etudes, demanda `a la sentinelle de la garde nationale, qui 'etait `a la porte de la cour de l’Op'era, sous ses fen^etres (mais elles 'etaient 'elev'ees `a une hauteur 'enorme sur la rue), ce qui se passait dans la cour des Ministres, o`u elle voyait toujours le peuple dans la m^eme agitation. Il dit:
On peut imaginer l’'etat dans lequel nous 'etions, en apprenant qu’on tuait les gardes du corps; plusieurs exempts, qui demeuraient pr`es de notre appartement, vinrent s’y cacher; nous donn^ames des habits `a des gardes qui 'etaient r'efugi'es chez nous, nos domestiques en sauv`erent beaucoup. Nous 'etions dans la plus horrible inqui'etude, on pensait voir massacrer toutes les personnes du ch^ateau; le peuple et la garde nationale de Paris 'etaient dans les cours; on apprit qu’on avait gagn'e le r'egiment de Flandre dans la nuit, on avait emport'e ses drapeaux. Les soldats les voyant sur la place d’Armes, pass`erent pardessus la grille; alors on s’empara de chaque soldat, on lui prodigua le vin et l’argent; ces hommes, indign'es de rester sans cartouches, d’avoir eu leurs canons enlev'es, d’avoir 'et'e enferm'es toute la nuit sous clef, furent bient^ot gagn'es et se m^el`erent au peuple; ils ne particip`erent point cependant aux assassinats.
Profitant de ce que la foule se portait dans les cours et de ce qu’il n’y avait ^ame qui vive dans la rue des R'eservoirs, nous sortons du ch^ateau; maman et moi tremblions comme la feuille; nous nous r'efugions dans un petit logement que M. le comte de Crenay avait dans la ville, extr^emement pr`es du ch^ateau; nous y restons avec plusieurs personnes venues pour y chercher asile, entre autres des officiers des gardes du corps.
Tout d’un coup nous entendons une fusillade et une canonnade g'en'erales et sans ordre, qui partent des cours et durent plus d’une demi-heure; nous croyions qu’on massacrait tout au ch^ateau, et nous 'etions dans le plus cruel 'etat, quand on vint nous dire que c’'etait une r'ejouissance, parce que le Roi avait paru sur le grand balcon avec la cocarde et avait consenti `a aller demeurer `a Paris. Il lui fallait bien ob'eir: quel consentement ! quelle r'ejouissance! Nous retournons au ch^ateau et de l`a chez Mesdames. Je leur fais moi-m^eme des cocardes de rubans, nous en prenons toutes; il y avait dans les antichambres plusieurs de leurs gens, qui 'etaient de la garde nationale de Versailles et avaient endoss'e l’uniforme.
Nous montons en voiture avec Mesdames, Mme de Narbonne, Mme de Chastellux, maman et moi; nous suivions celle du Roi, mais nous en 'etions `a une grande distance; une foule immense et le grand nombre des voitures nous s'eparaient, quoique Mesdames fussent parties en m^eme temps.
Je n’oublierai pas que la Reine, en montant en carrosse et entour'ee d’une troupe immense de ses assassins, reconnut dans la foule le baron de Ros, officier des gardes du corps, d'eguis'e; elle eut le courage de lui dire tout haut: « Vous irez savoir de ma part des nouvelles de M. de Savonni`eres, et lui direz toute la part que je prends `a son 'etat. » M. de Ros nous le r'ep'eta, l’instant d’apr`es. C’est ainsi que je n’'ecris que ce que j’ai vu ou ai su de la bouche des t'emoins oculaires, sans parler des faits que d’autres mieux instruits que moi feront passer `a la post'erit'e.
Plus de deux mille voitures suivaient le Roi; on pr'etendait qu’apr`es son d'epart on pillerait le ch^ateau; aussi le d'emeublait-on avec une telle pr'ecipitation, qu’on jetait jusqu’aux glaces par les fen^etres.
Jamais on n’a vu une confusion pareille `a celle de la route de Paris `a Versailles. Tout le monde 'etait p^ele-m^ele; on voyait des 'energum`enes, hommes et femmes, qui avaient l’air de furieux; on entendait les cris r'ep'et'es de Vive la Nation ! et `a chaque instant des coups de fusil partaient au repos, ou peut-^etre expr`es. Nous avions cent hommes de la garde nationale de Paris qui nous entouraient, destin'es sp'ecialement pour la voiture de Mesdames; tout le long de la route, elles leur parlaient avec la plus grande bont'e, et m^eme trop grande, en partie par peur, en partie par habitude d’^etre extr^emement affables; Madame Ad'ela"ide surtout, par le besoin qu’elle avait d’^etre toujours en agitation et en mouvement. Nous f^umes cinq heures en route jusqu’`a S`evres; il avait 'et'e accord'e `a Mesdames d’aller `a Bellevue, les cent hommes les y accompagn`erent, et y rest`erent pour les garder. Maman, en arrivant, eut une affreuse attaque de nerfs.
Journ'ees f pl d’Octobre – поход на Версаль (5 и 6 октября 1789), или поход женщин на Версаль, поход женщин за хлебом – поход парижанок на Версаль c целью попросить короля улучшить снабжение столицы хлебом. Закончился насильственным перемещением королевской семьи в Париж.
Ch^ateau m de Versailles – Версальский дворец, королевская резиденция при Людовике XIV, Людовике XV, Людовике XVI (1682–1789). Был построен в XVII в. в пригороде Парижа, в нескольких десятках километров от столицы. Дворцово-парковый ансамбль – исторический памятник мирового значения.
Madame de la Rochejaquelein – Мария Луиза Виктория де Донниссан (1772–1857), в первом браке маркиза де Лескюр, во втором – маркиза де Ларошжаклен, автор мемуаров, рассказывающих о ее жизни, в том числе и во время вандейских войн. Родилась во влиятельной придворной семье. Дочь Ги Жозефа де Донниссана (Guy Joseph de Donnissan), лагерного маршала (mar'echal m de camp – военный чин во французской армии при Старом порядке, примерно соответствующий чину бригадного генерала в армии республиканской и наполеоновской Франции), сенешаля Гиени. Получила хорошее образование. Публикация ее мемуаров, написанных простым языком и очень искренне, вызвала сенсацию. Они стали одним из главных источников по истории вандейских войн, хотя и современники, и историки не раз критиковали автора за чрезвычайную пристрастность. Книга неоднократно переиздавалась и была переведена на несколько языков. Лучшим считается издание 1889 г., подготовленное к столетней годовщине Французской революции.
Rambouillet – Рамбуйе, город в департаменте Ивелин (Иль-де-Франс), в 45 км к юго-западу от Парижа. Основная достопримечательность – замок-крепость (1375). С 1783 г. – королевская резиденция. С конца XIX в. до 2009 г. – летняя резиденция президентов Франции, место организации международных переговоров и встреч.
Mme d’Estourmel – Филиберта Рене де Галар де Брассак де Беарн (1753– 1824), жена маркиза д’Эстурмеля, придворная дама дочери Людовика XV Мадам Виктории.
Nous montons en voiture avec Mesdames …. – с XVII века так называли и дочерей короля Франции или Дофина (Dauphin) – старшего сына короля, наследника престола, а также супругу Monsieur – старшего из младших братьев короля. До середины XVI в. членов Дома Франции называли Monseigneur (Ваше Высочество, Ваша Светлость, при обращении к священнослужителям – Ваше Высокопреосвященство), за которым следовало название их земельных владений. В конце Старого порядка (Ancien R'egime) члены Дома Франции обычно обозначались по титулу с указанием их положения в династии. Это были либо члены королевской семьи, либо члены семьи принцев крови. Знание этих выражений важно для понимания работ авторов того времени: например, Сен-Симона, Маркизы де Севинье и др. C начала XVII в. дочерей и внучек короля Франции по прямой мужской линии стали называть (за рядом исключений) Madame с добавлением имени. После выхода замуж их обычно (но не всегда) называли по титулу их мужа. В данном случае Mesdames – дочери Людовика XV, которых после его смерти, чтобы отличать от сестёр правящего короля, стали официально называть Mesdames Tantes, но неофициально второе слово зачастую опускали.
Mme de Narbonne – Франсуаза де Шалю, герцогиня де Нарбон-Лара (1734– 1821), придворная дама Мадам Аделаиды.
Mme de Chastellux – Анжелика-Виктория де Дюрфор-Сиврак (1752–1816), жена Анри-Жоржа-Сезара, 7-го графа де Шастелю, придворная дама Мадам Виктории.
Maman – Мария-Франсуаза де Дюрфор-Сиврак (1747–1839), придворная дама Мадам Виктории.
Comte de Crenay – Себастьян Анн Жюльен де Пуавилен, граф де Крене, граф де Монтегю (1743–после 1792), лагерный маршал кавалерии, первый гардеробмейстер графа Прованского.