Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Ma foi, se dit Bouzille, avant tout, il faut savoir si cette chose-l`a ne pourrait pas int'eresser la police !…
Bouzille claquait de la langue, satisfait, car, tout au fond de lui-m^eme, il 'etait depuis quarante-huit heures assez inquiet au sujet de sa situation polici`ere.
Fandor l’avait d'ecouvert avec Fant^omas, cela ne pouvait-il pas lui causer des ennuis ?
Et Bouzille, qui tenait `a sa tranquillit'e, se disait `a ce moment tout naturellement :
— Ma parole, j’suis bien b^ete de m’faire du mauvais sang… y a quelque chose qu’est bougrement simple pour me remettre dans les bonnes gr^aces de l’autorit'e, je n’ai qu’`a lui ^etre utile… Allons donc raconter `a qui de droit ce que je viens de d'ecouvrir !
Et Bouzille, oubliant sur-le-champ sa soif et le d'esir qu’il avait d’avaler un litre `a seize, se reprit incontinent `a trotter…
Bouzille traversait `a nouveau tout Paris et parvenait rue Tardieu au commencement du petit jour.
Bouzille s’'etait rendu rue Tardieu, car, tout naturellement, il avait pens'e `a faire b'en'eficier Juve, qu’il appelait toujours son vieil ami Juve, des d'ecouvertes de sa nuit.
Or, pr'ecis'ement `a l’instant o`u Bouzille remontait la rue de Steinkerque, s’appr^etant `a aller carillonner `a la porte de l’immeuble qu’occupait le policier, Bouzille butait dans les jambes de Juve, qui, venant de quitter Th'eodore Gauvin, s’appr^etait, 'etant terrass'e de fatigue, et ne soupconnant pas qu’une d'ep^eche de Fandor l’attendait chez lui, `a prendre quelque repos.
Bouzille, naturellement, agrippait Juve au passage.
Bouzille paraissait dans un 'etat de surexcitation extraordinaire.
— Voil`a, criait-il, m’sieur Juve, c’est moi-m^eme et pas un autre… D’abord, quoi qu’on en dise, on est toujours `a la hauteur, et y en a pas encore beaucoup pour nous faire le poil… Enfin, pour c’qui est de ce qui retourne aujourd’hui, j’peux comme ca vous confier une bonne chose, une chose qui vous mettra dans des 'etats, encore… J’viens d’me promener sur un pont et d’voir des gars qui refilaient en douce un cadavre. Si c’est qu’l’indication vous para^it valoir quelque argent, vous pouvez toujours verser sans crainte, je n’ferme pas les guichets de la caisse !
Bouzille tendait la main, cependant que Juve, ahuri par les discours du chemineau, le suppliait de parler un peu plus clairement.
— Qu’est-ce que tu dis, Bouzille ? demandait Juve. Qu’est-ce que tu me racontes ?… Tu as vu retirer un cadavre de la Seine ? Eh bien, ce n’est pas 'etonnant, cela… c’est une chose, h'elas ! qui se produit tous les jours…
Mais Bouzille protestait avec indignation.
— M’sieur Juve, disait-il, sauf vot’respect, vous vous gourez dans les hauteurs. Si c’'etait rapport `a un rep^echage ordinaire, je n’vous d'erangerais pas. Non, c’est quelque chose de mieux, et c’est quelque chose de pis…
Et, d`es lors, avec un grand luxe de d'etails, Bouzille contait `a Juve la macabre et fantastique aventure dont il avait 'et'e le t'emoin.
— Ca, voyez-vous, concluait-il, on ne me le retirera pas de l’id'ee ; moi, je sais c’que j’dis, et, par cons'equent, j’ai pas besoin de m’inqui'eter… c’'etait pas un cadavre qu’on rep^echait naturellement, m’sieur Juve, c’'etait plut^ot comme qui dirait un d'efunt qu’on t^achait moyen de faire filer en douce en le tirant entre deux eaux, puis en le jetant au fond de la barque…
Juve, en 'ecoutant Bouzille, soupirait avec d'esespoir :
— H'elas ! pensait le policier, est-il donc 'ecrit quelque part que je pourrai pas me reposer ce soir… Est-il donc certain que je suis irr'em'ediablement condamn'e `a trotter toute la nuit : j’aurais pourtant bien voulu monter un quart d’heure chez moi afin de me reposer quelque peu…
Juve, toutefois, n’h'esitait pas.
Le devoir, avec lui, passait toujours avant tout, et par cons'equent il n’avait pas `a h'esiter.
Les renseignements que Bouzille lui communiquait devaient ^etre documentaires, pouvaient ^etre int'eressants, il fallait en tenir compte. Juve se d'ecida…
— C’est bien, Bouzille, d'eclarait-il. Tu seras certainement pay'e pour ta peine. Toutefois, tu sais que je me refuse `a te payer d’avance et avant d’avoir contr^ol'e tes indications. Bouzille, tu vas m’accompagner. Nous allons aller tous les deux faire un tour sur les berges du c^ot'e o`u tu as vu cette extraordinaire aventure. Peut-^etre d'ecouvrirons-nous quelque indice, en tout cas, notre devoir est de chercher.
Or, si Juve avait la grimace `a l’id'ee de trotter encore, Bouzille ne se d'eclarait pas plus satisfait.
— Eh bien, c’est gai ! faisait-il. Surtout que si vous voulez entrer `a l’enfer, m’sieur Juve, on a toutes les chances du monde de se faire proprement d'emolir !
Or, en entendant Bouzille, Juve brusquement sursautait :
— Si nous entrons en enfer, demandait-il, qu’est-ce que c’est que ca que l’enfer ?
Bouzille se troublait, se grattait la t^ete, paraissait tr`es embarrass'e.
— L’enfer ?… eh bien, c’est… c’est… c’est rien, m’sieur Juve !
Mais le regard du policier contraignait Bouzille `a ne pas mentir davantage. Le chemineau soupira am`erement :
— Eh bien, voil`a, dit-il enfin, l’enfer, c’est une t^ole. Seulement, quand on entre dans cette t^ole, y a des chances qu’on n’en ressorte pas si l’on n’est pas du
C’'etait peu clair. Juve, pourtant, dut comprendre. Brusquement, un 'eclair s’allumait dans ses yeux, l’instinct du chasseur s’'eveillait en lui, Juve r'epliqua :