Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Bon… bon… nous verrons ca, Bouzille. Parbleu ! pour un garnement comme toi, l’enfer, ce doit ^etre un lieu choisi…
Juve, peut-^etre, allait commettre une imprudence ?…
Chapitre XV
Sur les dalles de la morgue
Juve faisait la grimace, toutefois, et pouvait la faire `a bon droit. Il n’'eprouvait, en effet, aucun plaisir `a la pens'ee d’accompagner Bouzille en un lieu qu’il ne soupconnait pas et de tenter, sous la conduite du chemineau, une enqu^ete probablement difficile, relativement `a des faits dont il ne tenait pas l’exactitude comme rigoureusement d'emontr'ee.
— On a rep^ech'e un cadavre dans la Seine, se disait Juve, tout en descendant la rue de Steinkerque, en compagnie de Bouzille. La belle affaire, en v'erit'e !… Cela se produit tous les jours, parbleu… et rien ne prouve, rien ne tend `a prouver que cela d^ut avoir la moindre importance…
Mais si Juve raisonnait ainsi, si d’avance il protestait sur les renseignements que Bouzille venait de lui apporter, le policier, au fond de son ^ame, se sentait d'ej`a fort piqu'e par une r'eelle curiosit'e.
Bouzille, somme toute, 'etait un 'etrange individu qui ne parlait pas toujours au hasard, et qui, tout au contraire, le plus souvent, sous son apparence de na"ivet'e, cachait un fond ind'eniable de roublardise.
Bouzille parlait souvent pour ne rien dire, et plus souvent encore n’expliquait pas tout ce qu’il e^ut pu expliquer.
— Il est tr`es possible, songeait Juve, que Bouzille, venu sp'ecialement me chercher, soit au courant de quelque chose qu’il ne tienne pas `a m’expliquer en d'etail. Il me met sur une piste, suivons-l`a…
Traversant les boulevards ext'erieurs, Juve, qui souffrirait toujours, car il 'etait r'eellement fatigu'e et avait grande envie d’aller se coucher, h'elait un taxi-auto, y faisait monter Bouzille.
— Quelle adresse faut-il donner, interrogea-t-il.
Bouzille n’h'esita pas :
— Faite-nous conduire `a la morgue, m’sieur Juve, conseillait-il. Apr`es tout, il faudra s’occuper d’un cadavre. C’est assez indiqu'e de commencer par l’h^otel meubl'e o`u d’ordinaire ils logent tous…
Juve donna l’adresse, monta `a son tour dans la voiture, 'ecouta le bavardage de Bouzille avec l’arri`ere-pens'ee que dans le flot ininterrompu de paroles, il pouvait fort bien avoir la surprise de d'ecouvrir un renseignement utile.
Bouzille, par le fait, se montrait loquace.
Il se gardait bien, `a la v'erit'e, de rapporter `a Juve qu’il venait de quitter Fandor et qu’il avait eu en Belgique de surprenantes aventures !
Bouzille estimait que ces choses-l`a n’'etaient pas bonnes `a confier `a tout le monde.
En revanche, si Bouzille tenait `a ^etre plus que d'elicat sur son pass'e imm'ediat, il ne cachait nullement `a Juve les projets qui l’enthousiasmaient pour l’heure :
— Moi, voil`a ! confiait Bouzille. J’suis tout c’qu’on veut : un n'egociant, un policier, un artiste, un boh`eme, du gibier de prison m^eme, ca n’a pas d’importance. Ce qu’y a d’s^ur, c’est que dans l’fond de mon ^ame, j’ai toujours eu le d'esir de finir fonctionnaire.
— Fonctionnaire ? s’'etonna Juve, se demandant o`u Bouzille voulait en arriver. Que diable penses-tu donc faire ?
— Bien s^ur, approuva-t-il, y a fonctionnaire et fonctionnaire, n’est-ce pas ? Mais moi, j’suis pas exigeant. Et puis, enfin, je m’rends bien compte que je n’ai peut-^etre pas l’instruction voulue pour devenir, par exemple, pr'esident de la R'epublique, ou huissier dans une banque…
— Alors, Bouzille ?
— Alors, m’sieur Juve, rapport `a ce que je me fiche du tiers, du quart, et tout autant de la demie, voil`a ce que j’ai d'ecid'e, sauf vot’respect : je voudrais tout bonnement, ma foi, ^etre accept'e `a la morgue soit comme figurant, soit comme laveur, soit comme tout autre chose.
Et Bouzille, enfi'evr'e par son id'ee, continuait, faisant de grands gestes :
— 'Evidemment, c’est moins difficile que d’entrer `a l’Acad'emie, mais d’un aut’c^ot'e, ca rapporte peut-^etre plus, je n’sais pas… Et puis, dame, m’sieur Juve, faut pas oublier que j’ai des relations dans ce monde-l`a et que je pourrais me faire pistonner…
— Des relations dans le monde de la morgue ? interrogea Juve. De quoi, diable, veux-tu parler Bouzille ?
Bouzille souriait d’un air entendu et il r'epliqua :
— Ben, m’sieur Juve, sauf vot’respect, rappelez-vous que dans l’temps, jtravaillais pour Dominique Husson… c’est pas parce que ce pauv’cher homme a pass'e l’arme `a gauche que son commerce a disparu, j’connais le successeur, j’suis tr`es bien aussi avec un garcon de l’amphith'e^atre. Bref, m’sieur Juve…
Bouzille s’interrompait, le policier l’interrogeait :
— Bref, Bouzille ?
— Eh bien voil`a : j’ai d'ej`a fait des d'emarches. Alors comme ca, c’est demain matin que j’dois m’pr'esenter au chef du personnel… `a dix heures, qu’il m’a dit… et des fois, si j’suis arr^et'e, si j’plais au bonhomme, eh bien, j’entrerai tout de suite en service.
Un instant plus tard, le fiacre stoppait devant la morgue, Bouzille qui descendait ouvrait la porti`ere `a Juve, lui montrait le b^atiment :
— Hein, faisait-il sur un ton de satisfaction profonde. C’est rien que d’le dire, mais ca d'egote bougrement.
Juve d'ej`a ne pr^etait plus attention `a l’intarissable faconde de l’excellent chemineau, qui s’enthousiasmait en ce moment pour le nouveau m'etier qu’il allait exercer, comme il s’'etait enthousiasm'e de toutes les industries qu’il avait tent'ees, sans d’ailleurs jamais parvenir `a mater la fortune.