Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Qu’est-ce qu’est l`a ? Qui c’est-y qui frappe ?… On est complet !
Bouzille eut un clignement d’yeux pour Juve qui, fort int'eress'e, se gardait bien d’intervenir. Bouzille, toutefois, r'epondait d'ej`a :
— Complet `a l’int'erieur, sans doute, mais l’imp'eriale, c’est `a volont'e…
Ce devait ^etre l`a le mot de passe qui produisait imm'ediatement son effet. La porte tournait sur elle-m^eme en une seconde, et Juve, `a l’instant, apercevait le plus extraordinaire comme le plus effarant des spectacles.
La porte de l’'egout donnait, tout comme l’avait fait pressentir Bouzille, sur une sorte de long boyau 'etroit, empuanti, formant un v'eritable trou, une grotte r'eelle, dominant le lit du fleuve. Au-dehors, c’'etait la nuit, mais dans ce r'eduit ignor'e, une orgie semblait se d'erouler, car une dizaine d’individus s’y trouvaient rassembl'es, buvant chacun dans de grandes bouteilles qu’ils vidaient rapidement, et engloutissant en h^ate d’'enormes morceaux de viande, qui probablement avaient 'et'e vol'es `a quelque 'etalage de boucher.
Bouzille, toutefois, interrompait rapidement les remarques de Juve.
Le chemineau, en effet, ne laissait pas au policier le temps de la r'eflexion. Bouzille se glissait `a l’int'erieur et faisait signe `a Juve d’avoir `a le suivre. Juve, naturellement, n’h'esitait pas, sautant derri`ere Bouzille, cependant qu’un petit frisson lui courait au long de l’'echine.
Juve, en effet, durant sa longue carri`ere de policier, avait vu bien des spectacles abominables, avait connu bien des assassins 'epouvantables. Il n’avait jamais, toutefois, imagin'e un taudis, un repaire, offrant un spectacle comparable `a celui qu’il avait sous les yeux.
Dans cet 'egout d'esaffect'e que les services de la ville n’avaient 'evidemment jamais l’occasion de visiter, dans cette merveilleuse cachette insoupconnable des badauds fl^anant sur les quais, et formant en v'erit'e le plus s^ur et le meilleur des asiles, une bande d’une dizaine d’individus se trouvait rassembl'ee. Il y avait l`a des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards.
Tous avaient des sombres figures de brutes, tous semblaient r'eduits `a la plus abominable des mis`eres.
Rien, dans ce taudis 'etrange, ne rappelait les ameublements ordinaires, si mis'erables qu’ils fussent, des repaires d’apaches.
L’enfer, que visitait Juve en compagnie de Bouzille, 'echappait `a toute description.
C’'etait moins qu’une 'ecurie, c’'etait presque une redoute…
Aux murs, des couteaux et des brownings tout charg'es attendaient qu’on voul^ut bien les employer. Sur le sol, une couche de paille, tass'ee par endroits, indiquait que les habitants n’'etaient point difficiles pour leurs lits.
Juve, surpris, respirait l’atmosph`ere infecte de ce trou sans air `a peine 'eclair'e par la lueur clignotante d’une chandelle de suif pendue au mur, Juve se demandait si les gens qui 'etaient l`a devant lui, qui l’entouraient, 'etaient r'eellement des hommes et n’appartenaient pas plut^ot `a la classe des animaux.
— Les sans-travail de Londres, pensait Juve… les facchini de Naples dont ou parle toujours, qui vont, affirme-t-on, compl`etement nus dans les rues, ne sont `a coup s^ur pas aussi pauvres que ces mis'erables. Ils sont en tout cas moins effarants…
L’entr'ee de Juve, toutefois, dans un tel milieu, ne pouvait pas passer inapercue. Bouzille, tr`es `a son aise, prodiguait des sourires, tentait de faire des mots, annoncait de sa voix aimable :
— Voil`a… c’est rapport ce qu’on a peur des flics qu’on est v’nu, l’copain et moi, vous d’mander l’hospitalit'e !
Mais les paroles de Bouzille ne semblaient pas porter… On ne l’'ecoutait gu`ere. Les sinistres individus qui entouraient Juve semblaient m^eme feindre de ne pas les entendre.
Dans leurs mains brillaient d'ej`a des couteaux ; une flamme de col`ere s’allumait dans leurs regards. Juve, `a cet instant, fr'emit. Si d’aventure on voulait l’assassiner, la chose ne serait 'evidemment pas difficile, et c’est `a peine s’il pouvait se d'efendre dans ce repaire o`u il venait de s’aventurer en d'epit de toute prudence, o`u il n’avait point les mouvements libres, o`u dix hommes pouvaient se ruer sur lui sans qu’il e^ut seulement `a tenter l’esquisse d’une d'efense…
L’'emotion de Juve, pr'ecis'ement, s’augmentait d’autant plus que, se sentant d'evisag'e, regard'e des pieds `a la t^ete, on ne lui adressait pas tout de suite la parole. Il comprenait fort bien, en effet, que les habitants du bouge, interloqu'es par sa venue, r'efl'echissaient avant d’agir.
— Si je ne trompe pas ces brutes, pensa Juve, il n’y a pas d’espoir de sortir d’ici !
Et il se rappelait la phrase de Bouzille : l’enfer, c’est un trou dans lequel on peut bien entrer, mais dont personne n’est jamais ressorti.
Juve, toutefois, tranquillement d'esormais, croisait les bras. Il semblait `a son tour vouloir intimider les chefs de la bande, car, lentement, il portait ses regards sur le visage des assistants.
On e^ut dit `a ce moment les pr'eparatifs, les pr'eliminaires d’un duel terrible. D’un c^ot'e, il y avait les dix brutes d'erang'ees dans leur caverne, terrifi'ees par l’apparition de cet inconnu dont ils n’'etaient que trop port'es `a soupconner la qualit'e d’agent de police, de l’autre il y avait Juve, Juve tout seul, qui s’appr^etait `a vendre sa vie le plus ch`erement possible.
Le silence toutefois ne pouvait se prolonger. Au bout de quelques minutes, l’un des hommes interrogeait :
— Alors, des fois, qui c’est qu’t’es, toi, le mec ?
Juve h'esita.
Devait-il brusquement dire :