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Том 7. О развитии революционных идей в России
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L'id'ee du tzar exerce encore un prestige sur les paysans; ce n'est point le tzar Nicolas que le peuple v'en`ere, c'est une id'ee abstraite, un mythe, c'est une Providence, c'est un vengeur, c'est un repr'esentant de la justice dans l'imagination populaire.

Apr`es le souverain, le clerg'e seul pourrait avoir une influence morale sur la Russie orthodoxe. Le haut clerg'e repr'esente uniquement dans le gouvernement la vieille Russie; le clerg'e ne s'est jamais ras'e la barbe; par cela m^eme il est rest'e du c^ot'e populaire. Le peuple a confiance dans les paroles d'un moine. Cependant les moines et le haut clerg'e, tout vou'es qu'ils se disent aux int'er^ets d'outre-tombe, ne se pr'eoccupent gu`ere du peuple. Le «pope» a perdu toute influence `a force de cupidit'e, d'ivrognerie et de iations intimes avec la police. Ici encore, le peuple estime l'id'ee et non l'homme.

Quant aux sectaires, ceux-l`a d'etestent l'id'ee et l'homme, le tzar et le pope.

En dehors du tzar et du clerg'e, tous les autres 'el'ements de la soci'et'e et de l'administration restent compl`etement 'etrangers, radicalement hostiles au peuple. Le paysan est mis, litt'eralement, hors la loi; la justice se garde bien de le prot'eger, et toute sa participation `a l'ordre existant se borne au double imp^ot qui l''ecrase: l'imp^ot du sang, l'imp^ot de la sueur. Aussi, pauvre d'esh'erit'e, comprend-il instinctivement qu'on le gouverne non pour lui mais contre lui, que le probl`eme entier du gouvernement et des seigneurs ne consiste qu'`a lui extorquer le plus de travail, et le plus d'argent possible. Comprenant cela, et dou'e d'un esprit d'eli'e, subtil, il les trompe tous et partout. Il n'en saurait ^etre autrement, car s'il leur disait la v'erit'e, cela serait d'ej`a de sa part une sanction, une acceptation de leur pouvoir et s'il ne les volait pas (remarquez bien que l'on accuse le paysan de vol quand il cache une partie du produit de son travail), il reconna^itrait fatalement la justice de leurs exigences, les droits des propri'etaires, et l''equit'e des juges.

Il faut avoir observ'e le paysan russe devant un tribunal pour bien appr'ecier sa position; il faut avoir vu de ses propres yeux son oeil morne et constern'e, le profond silence de sa bouche, l'expression scrutatrice de son regard, pour comprendre que c'est l`a un prisonnier de guerre civile devant un conseil militaire, un voyageur devant une bande de brigands. On s'apercoit tout d'abord, que la victime n'a pas la moindre confiance dans ces ^etres hostiles, acharn'es, implacables, qui le questionnent, le torturent et le d'epouillent. Il sait que s'il a de l'argent, usera acquitt'e; s'il est pauvre, il sera condamn'e sans r'epit.

Le peuple parle un russe un peu ancien; le greffier, le juge 'ecrivent la langue moderne bureaucratique, d'eprav'ee et `a peine compr'ehensible. Ils remplissent des in-folios de fautes grammaticales, et les d'ebitent, le plus vite possible au paysan; c'est son affaire `a lui de comprendre ce grondement nasillard, sans accentuation, et d'aviser `a son salut. Il le sait, aussi se tient-il sur ses gardes; il ne dira jamais un seul mot de trop, rien ne transpire `a travers son agitation, il reste l`a, l'air h'eb'et'e, comme un nigaud, comme un muet.

Le paysan sort du tribunal aussi triste lorsqu'il est acquitt'e qu'apr`es sa condamnation. Il ne voit dans les deux cas que l'arbitraire ou le hasard.

C'est ainsi que cit'e comme t'emoin `a charge, il est parvenu `a mentir sous serment, `a nier tout, `a nier toujours, m^eme lorsque les preuves sont irr'ecusables. Aux yeux du peuple russe, un homme condamn'e n'est pas pour cela fl'etri. Les d'eport'es, les forcats se nomment dans la langue du peuple les malheureux.

Le peuple russe n'a v'ecu que de la vie communale; il ne comprend ses droits et ses devoirs que par rapport aux communes et `a leurs membres. Hors d'elles, il ne reconna^it pas de devoirs et ne voit que de la violence. Le c^ot'e funeste de son caract`ere, c'est qu'il se soumet `a ces violences, et non point qu'il les nie `a sa mani`ere, et qu'il cherche `a s'abriter derri`ere la ruse.

И y a beaucoup plus de franchise `a mentir devant un juge que l'on sait ^etre agent d'un pouvoir inique, que de feindre le respect, pour le verdict d'un jury tri'e par un pr'efet, dont l'iniquit'e r'evoltante est claire comme le jour. Le peuple ne respecte ses institutions que lorsqu'il y retrouve ses propres notions du droit et de la justice.

Il est un fait incontestable pour tout homme qui a observ'e de pr`es le peuple russe. Entre eux, les paysans se trompent rarement; ils manifestent les uns pour les autres une confiance presque illimit'ee, ils ne connaissent ni contrats, ni compromis par 'ecrit.

Les questions d'arpentage sont n'ecessairement tr`es compliqu'ees, gr^ace `a l''eternel partage des terres d'apr`es le nombre d'ouvriers [58] , et pourtant la campagne russe ne retentit jamais ni de plaintes ni de proc`es. Le seigneur, le gouvernement ne demandent qu'`a intervenir; l'occasion, les motifs leur manquent. Les petits diff'erends qui surgissent sont promptement termin'es par les anciens ou par la commune; tout le monde se soumet franchement `a leur d'ecision. La m^eme chose a lieu dans les communes. mobiles des associations ouvri`eres (art`el). Il existe des associations, macons, des charpentiers et autres, form'ees de plusieurs cen-ines d'individus appartenant `a des communes diff'erentes, qui groupent pour un temps donn'e, pour une ann'ee par exemple, t forment ainsi l'art`el. L'ann'ee r'evolue, les ouvriers partagent ie produit selon le travail de chacun et d'apr`es la d'ecision de tous les associ'es. La police n'a jamais la satisfaction d'intervenir dans leurs comptes. J'ajoute encore, que l'association r'epond presque toujours pour chaque ouvrier.

58

Et non d'apr`es le nombre d'enfants

Les liens entre les paysans d'une m^eme commune se resserrent davantage quand la population se compose non pas d'orthodoxes mais de sectaires. Le gouvernement ex'ecute parfois une sauvage irruption dans quelque commune sectaire; il emprisonne, il d'eporte, le tout sans plan arr^et'e, sans suite, sans provocation, sans n'ecessit'e aucune, tout simplement pour r'epondre aux injonctions du clerg'e ou aux rapports de la police. C'est dans ces chasses aux sectaires qu'il faut voir r'eellement ce que c'est que le paysan russe, et quelle solidarit'e le lie `a ses fr`eres. Il faut le voir alors, dis-je, d'ejouant la police, sauvant ses coreligionnaires, cachant les livres et les vases sacr'es, subissant les plus inhumaines tortures sans prof'erer une seule parole. Qu'on me trouve l'exemple d'une commune sectaire, d'enonc'ee par un paysan, m^eme par un orthodoxe?

Ce caract`ere du Russe rend les enqu^etes polici`eres extr^emement difficiles. Je l'en f'elicite de tout mon coeur. Le paysan russe n'a d'autre moralit'e que celle qui d'ecoule instinctivement, naturellement de son communisme; elle est profond'ement nationale; le peu qu'il conna^it de l'Evangile le soutient; l'iniquit'e flagrante du gouvernement et du seigneur le lie encore plus `a ses coutumes et `a sa commune [59] .

La commune a sauv'e l'homme du peuple de la barbarie mongole et du tzarisme civilisateur, des seigneurs vernis `a l'europ'eenne et de la bureaucratie allemande; l'organisme communal a r'esist'e, quoique fortement atteint, aux empi'etements dupouvoir; il s'est heureusement conserv'e jusqu'au d'eveloppement du socialisme en Europe.

59

Les paysans d'une commune qui appartient au prince Kozloffski, achet`erent leur affranchissement en payant une somme convenue au propri'etaire. Le sol a 'et'e partag'e entre les paysans en raison de la somme pour laquelle chacun a contribu'e au rachat de sa libert'e. Cet arrangement semblait aussi juste que naturel. Cependant les paysans le trouv`erent si incommode et si peu conforme `a leur habitude, qu'ils r'esolurent de r'epartir entre eux le montant de la somme de rachat, comme une simple dette de la commune et de proc'eder au partage du terrain d'apr`es le syst`eme g'en'eralement adopt'e. C'est Haxthausen qui raconte ce fait dans ses Etudes sur la vie populaire en Russie. L'auteur lui-m^eme a visit'e la commune en question. – M. T'egoborsky, membre du conseil d'Etat en Russie, dans un ouvrage d'edi'e `a l'empereur Nicolas, publi'e r'ecemment `a Paris, dit que le syst`eme du partage des terres lui para^it ^etre d'efavorable `a la culture (toujours de l'agriculture pour l'agriculture), mais, il ajoute:

«Ce sont des inconv'enients auxquels il est tr`es difficile de rem'edier, car ce syst`eme de partage se rattache `a l'organisation de nos communes, `a laquelle il serait dangereux de toucher: il repose sur l'id'ee fondamentale de l'unit'e de la commune et de l''egalit'e des droits qu'a chacun de ses membres `a une part proportionn'ee du sol appartenant `a la communaut'e. Par l`a, il consolide et fortifie l'esprit communal qui est un des 'el'ements les plus conservateurs de l'organisation sociale. C'est en m^eme temps un des meilleurs pr'eservatifs contre l'invasion du prol'etariat et des id'ees communistes». (C'est facile `a concevoir qu'un peuple qui poss`ede des pratiques de la communaut'e n'ait pas beaucoup `a craindre les id'ees communistes.)

«Ce qui est remarquable c'est le bon sens et la pratique avec lesquels nos paysans modifienteux-m^emes, selon les circonstances locales, les inconv'enients de ce syst`eme; c'est la facilit'e avec laquelle ils s'arrangent entre eux pour compenser les in'egalit'es r'esultant de la qualit'e du sol, et la confiance avec laquelle chacun se soumet aux d'ecisions des anciens de la commune. – On devrait croire que ces sortes de r'epartitions de terrains, souvent renouvel'ees, donnent lieu `a des nombreuses contestations; et pourtant les int'eress'es ont rarement recours `a l'intervention de l'autorit'e. Ce fait, tr`es surprenant en lui-m^eme, s'explique par une seule cause, savoir que ce syst`eme, quelque vicieux qu'il puisse ^etre, s'est tellement identifi'e avec les moeurs et les id'ees, que les paysans en supportent sans m'econtentement tous les inconv'enients». «Autant, – dit le m^eme auteur, – l'id'ee de l'association est inn'ee au paysan russe et se reproduit dans toutes les phases de la vie, autant l'esprit de corporation, l'esprit municipal, qui a form'e le noyau de la bourgeoisie occidentale, est contraire `a ses moeurs».

(Etudes sur les forces productives de la Russie, par M. T'egoborski, tome premier, page 142 et page 331.)

Pour la Russie c'est l`a un fait providentiel.

L'autocratie russe entre dans une nouvelle phase. Issue d'une r'evolution antinationale, elle a rempli sa mission; elle a r'ealis'e empire colossal, un arm'ee nombreuse, une centralisation administrative. D'enu'ee de principes, de traditions, elle n’a plus rien 'a faire: elle s’est donne, il est vrai, une autre t^ache, celle d’importer en Russie la civilisation occidentale, et elle y 'eussissait assez tant qu'elle faisait semblant de persister dans ce beau r^ole de gouvernement civilisateur.

Ce r^ole, elle l'a abdiqu'e aujourd'hui.

Le gouvernement qui avait rompu avec le peuple au nom de la civilisation, se h^ata, un si`ecle apr`es, de rompre avec la civilisation au nom de l'absolutisme.

Il le fit aussit^ot qu'il entrevit `a travers les tendances civilisatrices, le spectre tricolore du lib'eralisme: il essaya alors de revenir vers la nationalit'e, vers le peuple. C''etait impossible; le peuple et le gouvernement n'avaient plus entre eux rien de commun; le premier s''etait d'eshabitu'e de l'autre, tandis que ce dernier croyait voir surgir du fond des masses un spectre beaucoup plus terrible, le spectre rouge. Tout bien pes'e, le lib'eralisme 'etait encore moins dangereux qu'un autre Pougatcheff. La panique et le d'ego^ut des id'ees lib'erales devinrent tels, que le gouvernement ne pouvait plus se r'econcilier avec la civilisation.

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