Том 7. О развитии революционных идей в России
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Ivan le Terrible osa appeler `a son aide les institutions communales; il r'edigea son code dans le sens des anciennes franchises: il laissa la perception des imp^ots et toute l'administration des provinces `a des fonctionnaires 'electifs, il agrandit les attributions du jury en lui soumettant les proc`es criminels, et en exigeant son assentiment pour tout emprisonnement. Il voulut m^eme abolir la charge des intendants des provinces et laisser `a celles-ci pleine libert'e de se gouverner elles-m^emes, sous la direction d'une chambre ad hoc. Cependant la libert'e communale frapp'ee par ses pr'ed'ecesseurs ne renaissait pas `a l'invitation d'un tzar omnipotent et f'eroce. Tous ses projets furent contrecarr'es et sont rest'es st'eriles; telle a 'et'e vers la fin du XVIe si`ecle la d'esorganisation et l'apathie g'en'erale. Furieux de d'esespoir, Ivan multiplia ses ex'ecutions d'une cruaut'e raffin'ee, par haine et par d'ego^ut. –
Boris Godounoff pensa s'erieusement `a se rapprocher de l'Europe, `a introduire les arts et les sciences de l'Occident, `a 'etablir des 'ecoles; mais, sous ce dernier rapport, il trouva une opposition d'ecid'ee de la part du clerg'e. Celui-ci se soumettait `a tout, mais il craignait les lumi`eres qui n'avaient point leur source dans l'orthodoxie. Il n''etait pas facile aussi de faire venir des 'etrangers, attendu que les peuples baltiques leur barraient la route. On e^ut dit que, pressentant l'asservissement actuel de leurs descendants par la Russie, ils interceptassent chaque rayon de lumi`ere venant d'Occident en Moscovie.
Ce que Boris n'a os'e faire, le faux D'em'etrius le tenta. Homme instruit, civilis'e, chevaleresque, il obtint le tr^one par une guerre civile, faite au nom de la l'egitimit'e et soutenue par la Pologne et les Cosaques. D'em'etrius attaqua plus directement que son pr'ed'ecesseur les anciennes coutumes et les moeurs stationnaires de la Russie. Il ne cachait ni ses plans de r'eforme, ni ses pr'edilections pour les moeurs polonaises et l''eglise romaine.
Le peuple de Moscou, soulev'e par des boyards rebelles au nom de l'orthodoxie et de la nationalit'e en danger, envahit le palais, massacra le jeune tzar, profana son cadavre, le br^ula, et apr`es avoir bourr'e un canon de ses cendres, les dispersa au vent.
La fermentation, surexcit'ee par ces 'ev'enements, r'epandit une activit'e f'ebrile dans tout l'Etat. La Russie s'agita de Kazan, jusqu'`a la Neva et la Pologne… Etait-ce un effort instinctif du, peuple pour se constituer d'une autre mani`ere, ou bien la derni`ere convulsion du d'esespoir, apr`es laquelle il devint passif et laissa faire, jusqu'`a nos jours, le gouvernement?..
La confusion, l'irritation furent grandes, le sang coula partout. Apr`es la mort du pseudo-D'em'etrius, on produisit un second pr'etendant, puis un troisi`eme… L'un d'eux se tenait `a quelques lieues de Moscou, dans un camp retranch'e, entour'e de corps francs-russes, de Polonais et de Cosaques. Les provinces s'armaient, les unes pour aller au secours de Moscou, les autres pour aider aux pr'etendants; le palais du Kremlin restait vide, il n'y avait pas de tzar, pas m^eme de gouvernement r'egulier. Le roi Sigismond de Pologne voulait imposer `a la Russie son fils Vla-dislaf; une arm'ee su'edoise occupait le Nord de la Russie et voulait faire monter un de ses princes sur le tr^one russe; le peuple opta pour les princes Chou"iski, tandis que les provinces ne voulaient pas en entendre parler. L'interr`egne, la guerre civile, la guerre avec les Polonais, les Cosaques et les Su'edois, l'absence de tout gouvernement dur`erent quatre ans. Les derni`eres forces du peuple furent 'epuis'ees dans la d'efense de l'ind'ependance politique, aucun sacrifice ne lui co^uta. Le boucher de Nijni, Minine et le prince Pojarski sauv`erent la patrie, mais ils ne la sauv`erent que des 'etrangers. Le peuple, las de troubles, de pr'etendants, de guerre, de pillage, voulait le repos `a tout prix. Ce lut alors qu'on fit une 'election h^ative, en dehors de toute l'egalite, sans consulter le peuple; on proclama le jeune Romanoll tzar de toutes les Russies. Le choix tomba sur lui, parce que, en rertu de son ^age, il n'inspirait d'ombrage `a aucun parti. Ce fut une 'election dict'ee par la lassitude.
Le r`egne de Romanoff, avant Pierre Ier, fut la fleuraison du regime pseudo-byzantin; le peuple 'etait comme mort, ou ne donnait des signes de vie qu'en formant des bandes de brigands qui parcouraient les rives la Samara et la Volga. Les rouages lourds d’une administration mal entendue 'ecrasaient le peuple; te gouvernement entrevoyait son incapacit'e, faisait venir des 'etrangers, ne pouvait se tirer d'affaires sans l'exemple de l'Europe, et, par une absurde contradiction, il continuait pourtant `a se renfermer dans une nationalit'e exclusive et professait une haine sauvage pour toute innovation.
Il faut lire les r'ecits des moeurs moscovites de ce temps, faits par un diplomate russe, qui s'est r'efugi'e, vers la fin du XVIIe si`ecle, `a Stockholm, Kochikhine. On recule avec horreur devant l'asphyxie sociale de ce temps, devant ces moeurs qui n''etaient qu'une parodie de mauvais go^ut du Bas-Empire. Les d^iners, les processions, les v^epres, les messes, les r'eceptions d'ambassadeurs, les changements de costumes trois ou quatre fois par jour, formaient toute l'occupation des tzars. Autour d'eux se rangeait une oligarchie sans dignit'e, sans culture. Ces fiers aristocrates, vaniteux des fonctions qu'avaient occup'ees leurs p`eres, 'etaient fustig'es dans les 'ecuries du tzar, m^eme knout'es sur la place publique, sans en ressentir l'offense. Il n'y avait rien l'humain dans cette soci'et'e ignorante, stupide et apathique. Il fallait n'ecessairement sortir de cet 'etat, ou pourrir avant d'avoir 'et'e m^ur.
Mais comment en sortir, d'o`u attendre le salut? Certes, il ne pouvait venir du clerg'e, qui 'etait alors `a l'apog'ee de sa grandeur et de son influence. Le peuple courbait la t^ete et se tenait `a l''ecart; 'etaient-ce donc ces boyards flagell'es qui pouvaient lui indiquer le chemin? Evidemment non, mais lorsqu'une exigence
La r'evolution qui devait sauver la Russie sortit du sein m^eme de la famille, jusque-l`a apathique, des Romanoff.
Avant d'aller plus loin, il nous faut aborder une des questions "ies plus embrouill'ees de l'histoire russe: le d'eveloppement du serrage. Aucune histoire, ni ancienne ni moderne, ne nous pr'esente rien d'analogue `a ce qui s'est produit en Russie, au XVIIe si`ecle, et `a ce qui s'est 'etabli d'efinitivement "au XVIIIe, par rapport aux paysans. Par une s'erie de simples mesures de police, par les empi'etements des seigneurs qui poss'edaient des terres habit'ees, par la tol'erance du gouvernement et par l'inertie des paysans, ceux-ci devinrent, de libres qu'ils 'etaient, de plus en plus fermes `a la terre (krepki), propri'et'es ins'eparables du sol. Il semble que toutes les libert'es de l''etat naturel que les Slaves avaient conserv'ees devaient passer par le terrible creuset de l'absolutisme et de l'arbitraire, pour ^etre reconquises par des souffrances et des r'evolutions.
La commune rurale 'etait rest'ee intacte, pendant que les tzargi minaient les franchises des villes et des campagnes. Son tour vint mais ce ne fut point la commune, ce fut le paysan qu'on 'ecrasa. Nous rencontrons au commencement du XVIIe si`ecle une loi du tzar Godounoff qui r`egle et limite les droits du paysan de passer des terres d'un seigneur sur les terres d'un autre. Cette-loi ne mettait m^eme pas en doute les droits de migration, encore; moins la libert'e individuelle des paysans; elle ne fut motiv'ee que par des raisons 'economiques assez plausibles au point de vue gouvernemental. Les paysans abandonnaient les terres des pauvres propri'etaires et affluaient sur les terres des seigneurs riches; les contr'ees fertiles 'etaient encombr'ees, tandis que les-terrains st'eriles manquaient de bras. Le tzar Godounoff, usurpateur adroit et d'etest'e des grands seigneurs, flattait en outre par cette loi les petits propri'etaires. Tel a 'et'e le premier pas vers le servage.
Bient^ot, le m^eme prince fit une autre loi `a peine concevable; pour la rendre intelligible, il faut dire qu'anciennement le nombre-des serfs en Russie 'etait tr`es restreint: c''etaient ou des prisonniers de guerre ou des esclaves achet'es en pays 'etrangers (kholopi), ou enfin des hommes qui se vendaient eux-m^emes avec leurs descendants (kabalny ludi). Ces gens n'avaient rien de commun ni avec le paysan, ressortissant de la commune et cultivant la terre-seigneuriale, ni avec les serviteurs libres des boyards. Ces derniers 'etaient souvent renvoy'es en grand nombre par les ma^itres et allaient se r'epandre en mendiants ou voleurs de grande route, ou bien, joignaient les brigands de la Volga et les Cosaques du Don, ces receleurs de tous les vagabonds et de tous les gens en guerre avec la soci'et'e. Boris, toujours en garde, craignait cette masse m'econtente et affam'ee; pour mettre fin `a ces inconv'enients, et pour ^etre s^ur que ces hommes fussent nourris pendant la famine et ne se dispersassent pas, il d'ecr'eta que les domestiques qui reseraient un temps donn'e chez leurs ma^itres, seraient leurs serfs-t ne pourraient ni les quitter, ni ^etre renvoy'es. C'est ainsi que des milliers d'hommes tomb`erent dans l'esclavage presque sans s'en apercevoir. Les d'esertions et les fuites ne diminu`erent pas; il serait difficile de pr'eciser combien de soldats cette loi procura aux bandes de D'em'etrius, de Gohsefski, de Jolkefski, du hetman des Zaporogues et de tous les condottieri qui d'evastaient la Russie au commencement du XVIIe si`ecle. Depuis le r`egne de Boris jusqu'`a Catherine II, un mouvement sourd et sombre agita Je peuple des campagnes, et la r'evolte de Pougatcheff est aujourd'hui encore vivante dans sa m'emoire.