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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Catherine II ne connaissait pas le peuple et ne lui a fait que du mal: son peuple `a elle c''etait la noblesse et elle comprenait merveilleusement bien son terrain. Elle releva la noblesse, en lui conliant l''election de presque toutes les charges judiciaires et administratives dans les provinces, o`u elle l'organisa en corps et r'eunions discutant leurs int'er^ets, contr^olant l'emploi des fonds destin'es aux besoins des localit'es.

Elle dota de m^eme la bourgeoisie et les paysans de droits 'electits, qui sont pourtant plus importants comme principe qu'en r'ealit'e. Ces concessions p^alissent toutefois `a c^ot'e du crime qu'elle a commis envers les paysans, en consacrant par une stupide dilapidation la servitude; elle distribuait `a ses favoris et `a ses amants des terres habit'ees d'une 'etendue immense. Non seulement elle d'epouilla les couvents au profit de ses grands, mais elle leur distribua les paysans de la Petite Russie o`u l'on ne connaissait pas encore le servage. On concoit qu''etant philosophe comme Fr'ed'eric II et Joseph II, elle put prendre part au partage criminel de la Pologne. La raison d'Etat, le d'esir d'augmenter ses possessions territoriales expliquent ce fait s'ils ne peuvent l'excuser; mais ali'ener `a l'Etat des terres habit'ees, rendre serfs des cultivateurs libres sans m^eme penser a imposer des conditions aux nouveaux propri'etaires, c'est de la d'emence.

Peut-^etre l'imp'eratrice Catherine se rappelait-elle l'enthousiasme larouche avec lequel les paysans de quatre provinces avaient couru au-devant de Pougatcheff qui pendait tous les nobles qu’il prenait; peut-^etre aussi avait-elle trop pr'esente `a la m'emoire cette sc`ene qui s''etait 'egalement pass'ee sous son r`egne, o`u e peuple de Moscou, apr`es avoir tu'e un archev^eque derri`ere l’autel, avait tra^in'e dans les rues son cadavre rev^etu des insignes pontificaux. D'un autre c^ot'e, elle voyait la noblesse si reconnaissante, si fi`ere de son d'evo^ument, qu'elle se vit entra^in'ee `a 'epouser sa cause.

Chose 'etrange, de tous les souverains de la maison Romanoff, aucun n'a rien fait pour le peuple. Le peuple ne se souvient d'eux que par le nombre de ses malheurs, par l'accroissement du servage, du recrutement, des charges de toute esp`ece, par les colonies militaires, par toutes les horreurs de l'administration polici`ere, par une guerre aussi sanglante qu'insens'ee qui dure vingt-cinq ans dans des montagnes inexpugnables.

La civilisation se r'epandit avec une grande c'el'erit'e dans les couches sup'erieures de la noblesse, elle 'etait tout exotique et n'avait de national qu'une certaine rudesse qui se m^elait 'etrangement aux formes de la politesse francaise. A la cour, on ne parlait que le francais, on imitait Versailles. L'imp'eratrice donnait le ton, elle correspondait avec Voltaire, passait des soir'ees avec Diderot et commentait Montesquieu: les id'ees des encyclop'edistes s'infiltraient dans la soci'et'e de P'etersbourg. Presque tous les vieillards de ces temps que nous avons connus 'etaient voltairiens ou mat'erialistes, s'ils n''etaient pas francs-macons. Cette philosophie s'inoculait avec d'autant plus de facilit'e aux Russes, que leur esprit est `a la fois r'ealiste et ironique. Le terrain que la civilisation gagnait en Russie 'etait perdu pour l''eglise. L'orthodoxie grecque n'a de force sur l'^ame slave que tant qu'elle y trouve de l'ignorance. La foi y p^alit `a mesure que la lumi`ere y p'en`etre, et le f'etichisme ext'erieur fait place `a l'indiff'erence la plus compl`ete. Le bon sens, l'esprit pratique du Russe repousse la coexistence de la pens'ee lucide avec le mysticisme. Il peut rester longtemps pieux jusqu'`a la bigoterie, sans jamais penser `a la religion, mais `a cette condition seulement; il lui est impossible de devenir rationaliste; pour lui l''emancipation de l'ignorance co"incide avec l''emancipation de la religion. Les tendances mystiques que nous rencontrons chez les francs-macons n''etaient en r'ealit'e qu'un moyen de neutraliser les progr`es d'un 'epicurisme brutal qui se r'epandait avec rapidit'e. Quant au mysticisme du temps de l'empereur Alexandre, ce fut un produit de la franc-maconnerie et de l'influence allemande, sans base r'eelle, une affaire de mode chez les uns, d'exaltation d'esprit chez les autres II n'en fut plus question apr`es 1825. La discipline religieuse relev'ee par la police de l'empereur Nicolas ne parle pas en faveur de la pi'et'e des classes civilis'ees.

L'influence de la philosophie du XVIIIe si`ecle eut un effet pu partie pernicieux `a P'etersbourg. En France, les encyclop'edistes 'emancipant l'homme des vieux pr'ejug'es, lui inspiraient des instincts moraux plus 'elev'es, le faisaient r'evolutionnaire. Chez nous, en brisant les derniers liens qui retenaient une nature demi-sauvage, la philosophie voltairienne ne mettait rien `a la place des vieilles croyances, des devoirs moraux, traditionnels. Elle armait le Russe de tous les instruments de la dialectique et de l'ironie propres `a le disculper `a ses yeux de son 'etat d'esclave par rapport au souverain, et de son 'etat de souverain par rapport `a l'esclave. Les n'eophytes de la civilisation se jet`erent avec avidit'e dans les plaisirs du sensualisme. Ils comprirent tr`es bien l'appel `a l’'epicurisme, mais le son du tocsin solennel qui appela les hommes `a une grande r'esurrection n'allait pas `a leur ^ame.

Entre la noblesse et le peuple, il y avait une tourbe d'employ'es personnellement anoblis, classe corrompue et d'enu'ee de toute dignit'e humaine… Voleurs, tyrans, d'enonciateurs, ivrognes et joueurs, ce furent et ce sont encore les hommes les plus rampants de l'empire. Cette classe a 'et'e le produit de la r'eforme brusque de la juridiction du temps de Pierre Ier.

Le proc`es oral fut alors aboli et remplac'e par le proc`es inquisitorial. Des formalit'es minutieuses introduites `a l'instar des chancelleries allemandes, compliqu`erent la proc'edure et fournirent des armes terribles `a la chicane. Les tchinovniks, compl`etement libres des pr'ejug'es, torturaient les lois `a leur guise et avec un art infini. Ce sont les plus forts rabulistes du monde; ils n'ont jamais autre chose en vue que leur responsabilit'e personnelle; lorsqu'ils la croient `a couvert, ces gens osent tout, et le paysan, comme le tchinovnik, n'a aucune foi dans les lois. Le premier les respecte par crainte, le second y voit une m`ere nourrici`ere. La saintet'e des lois, les droits imprescriptibles, les notions d'une justice immuable, sont des termes qui n'existent pas dans leur langue. Et toute la force imp'eriale ne suffit pas pour arr^eter, pour paralyser l'action maltaisante de ces vip`eres d'encre, deces ennemis embusqu'es qui guettent le paysan pour l'entra^iner dans des proc`es ruineux.

Apr`es nous ^etre form'e ainsi une id'ee approximative de la soci'et'e n'eo-europ'eenne du si`ecle de Catherine II, jetons un coup d'oau sur les d'ebuts litt'eraires de l'Etat nouvellement form'e.

L''eglise byzantine avait horreur de toute culture mondaine. Elle ne connaissait d'autre science que la controverse th'eologique; elle inventa une peinture conventionnelle, faisant de l'opposition `a la beaut'e charnelle de l'antiquit'e (ikonopis). Elle abhorrait tout mouvement ind'ependant de l'intelligence, elle ne voulait qu'une foi soumise. Il n'y avait pas de pr'edicateur en Russie. Le seul 'ev^eque qui soit connu dans les anciens temps pour ses sermons, fut pers'ecut'e `a cause de ses sermons. Pour savoir ce que c'est que l''education que l''eglise orientale donnait `a son iid`ele troupeau, il suffit de conna^itre les peuplades chr'etiennes de l'Asie Mineure, et ce fut l`a l''eglise qui pr'esida `a la civilisation de la Russie depuis le Xe si`ecle. Les guerres continuelles des princes apanages et le joug mongol lui furent d'un immense secours.

L''eglise gr'eco-russe retint une langue `a part form'ee de divers dialectes des Slaves du sud; la langue vulgaire n''etait pas encore 'elabor'ee. Les chroniques, les actes diplomatiques et civils se r'edigeaient dans un idiome qui tenait le milieu entre la langue eccl'esiastique et la langue populaire et se rapprochait plus de l'une ou de l'autre suivant la position sociale de l'auteur. Il n'y eut aucun mouvement litt'eraire jusqu'au XVIIIe si`ecle. Quelques chroniques, un po`eme du XVIIe si`ecle (campagne d'Igor), un assez grand nombre de contes et de chants populaires pour la plupart oraux, voil`a tout ce qu'ont produit dix si`ecles dans le domaine litt'eraire.

Sans 'egard `a cette p'enurie, il est important de remarquer que la langue de la Bible, comme celle des annales de Nestor et du po`eme mentionn'e est non seulement d'une grande beaut'e, mais qu'elle porte des traces 'evidentes d'un long usage et d'un d'eveloppement ant'erieur de beaucoup de si`ecles.

Les traducteurs de la Bible Cyrille et M'ethode r'egl`erent la langue, fix`erent un alphabet, calqu`erent les tonnes grammaticales d'apr`es les r`egles grecques, mais ils trouv`erent une langue riche et 'elabor'ee probablement par les Slaves qui habitaient la Mac'edoine et la Thessalie. faut conna^itre les dillicult'es que trouvent les Anglais en traduisant l'Evangile dans les langues sauvages par exemple dans celle des Cafres, les mots leur manquent les images, les notions, les expressions, tout doit ^etre rendu par des p'eriphrases approximatives. Tandis que la traduction slave 'egale en concision, en beaut'e m^ale et en fid'elit'e celle de Luther.

Tous les 'el'ements po'etiques qui fermentaient dans l'^ame du peuple russe s'exhalaient dans des chants extr^emement m'elodieux. Les peuples slaves sont par excellence des peuples chanteurs. Los chroniqueurs du Bas-Empire racontent que dans une invasion des Slaves, les Grecs les ont surpris, car les sentinelles qui chantaient toujours s'endormirent peu `a peu elles-m^emes par leurs chants. Le paysan russe trouvait dans ses chants l'unique 'epanchement `a ses souttrances. Il chante continuellement, en travaillant, en conduisant ses chevaux ou en se reposant au seuil de sa porte. Ce qui distingue ces chansons de celles des autres Slaves et m^eme des Malo-Russes, c'est une tristesse profonde. Les paroles ne sont qu'une complainte qui se perd dans les plaines sans limites comme son malheur, dans les bois lugubres de sapin, dans les steppes infinies, sans rencontrer d''echo ami. Cette tristesse n'est pas un 'elan passionn'e vers quelque chose d'id'eal, elle n'a rien de romantique, rien de ces aspirations maladives et monacales [5] , comme les chants allemands, c'est la douleur de l'individu 'ecras'e par la fatalit'e, c'est un reproche `a la destin'ee

«destin'ee-mar^atre sort amer»; c'est un d'esir comprim'e qui n'ose pas se mauitester autrement, c'est le chant d'une lemme opprim'ee par son mari, du mari opprim'e par son p`ere, par l'ancien du village, de tous enfin opprim'es par le seigneur ou le tzar; c'est l'amour protond, passionn'e, malheureux mais terrestre et r'eel [6] . Au milieu de ces chants m'elancoliques vous entendez tout `a coup les sons d'une orgie, d'une ga^it'e sans frein; des cris passionn'es et fous, des mots d'enu'es, de sens, mais enivrants, entra^inants a une danse effr'en'ee qui est tout autre chose que la danse dramatique et gracieuse en choeurs,

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Il est de m'eme `a remarquer que les h'eros des contes – Ilia Mourometz, Ivan Tzar'evitch, etc. ont beaucoup plus de rapports avec les h'eros hom'eriquos, qu'avec ceux du moyen ^age, le «Bogatyr» n'est pas un chevalier, comme Achille n'en est pas un.

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Voyez la dissertation magnifique de Mme Talvi sur les chants slaves dans son ouvrage imprim'e en 1846 `a New-York.

Tristesse ou orgie, esclavage ou anarchie, le Russe passait sa vie en vagabond, sans foyer ni domicile, ou absorb'e par la commune, perdu dans la famille ou libre au milieu des for^ets, le coutelas `a la ceinture. Dans les deux cas, le chant exprimait la m^eme plainte, les m^emes d'eceptions: c''etait une voix sourde qui disait que les forces inn'ees ne trouvaient pas assez d'essor, qu'elles 'etaient mal `a l'aise dans la vie resserr'ee par l'ordre social.

Il y a une cat'egorie enti`ere de chants russes, les chants des brigands. Ce ne sont plus des 'el'egies plaintives: c'est le cri t'em'eraire, c'est l'exc`es de joie d'un homme qui se sent enfin libre, cri de menace, de col`ere et de d'efi. «Nous viendrons boire votre vin, patience; nous viendrons caresser vos femmes, piller vos richards»… «Je ne veux plus travailler dans les champs; qu'aije gagn'e en labourant la terre? Je suis pauvre et m'epris'e; non, je prendrai pour compagnon la nuit sombre, un couteau affil'e, je trouverai des amis dans les bois touffus, je tuerai le seigneur et je pillerai le marchand sur la grande route. Au moins tout le monde me respectera; et le jeune voyageur passant sur mon chemin et le vieillard assis devant sa maison me salueront».

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