Франция: Общественно-политические реалии
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L'Europe occidentale pour s'unifier politiquement a besoin de renforcer son unit'e culturelle par une r'eunification linguistique. Si celle-ci devait se faire sous le mod`ele de l'unilinguisme, il est indubitable que l'Europe de demain serait anglophone. Mais il n'y a aucune raison de continuer `a tenir l'unilinguisme comme fatal ni m^eme comme n'ecessaire, non seulement pour les entit'es politiques mais d'abord pour les individus : la majorit'e des humains est multilingue, et le cerveau est ainsi fait qu'il manie sans difficult'e plusieurs langues, que ce soit dans un usage actif (parler) ou seulement passif (comprendre).
Nous devons prendre l'initiative, pour que l'unit'e d'e l'Europe n'entra^ine pas la domination d'une langue sur toutes les autres, mais se r'ealise sous la forme du plurilinguisme individuel de chaque citoyen europ'een. `A cette fin, la premi`ere des choses est de m'enager tous les passages possibles entre les langues de la m^eme famille: dans la famille des langues romanes, il n'est pas difficile, on le sait, de passer du francais `a l'italien ou `a l'espagnol, et vice versa. Encore faut-il, si l'on veut profiter de ces possibilit'es, que l'enseignement de ces langues romanes favorise syst'ematiquement l'acc`es, au moins passif, `a chacune des autres. M^eme chose pour les langues de la famille germanique (anglais, allemand, n'eerlandais, langues scandinaves).
La deuxi`eme action consiste `a ce que les nations de la Communaut'e s'engagent r'esolument dans cette voie du plurilinguisme, en mettant en oeuvre dans chaque pays une politique d'enseignement d'une langue de la famille qui n'est pas celle de la langue maternelle, d`es l''ecole primaire. S'il est certain que les pays de langue romane choisiraient majoritairement l'anglais, en revanche la majorit'e des pays de langue germanique choisirait probablement le francais, qui reste la langue romane de prestige en Europe ; ce qui redresserait consid'erablement la situation de notre langue et ses perspectives d'avenir, y compris hors d'Europe. Il y faut une d'ecision commune.
42.'Ecole. Qui sera notre Jules Ferry ? Cent ans apr`es, le d'efi qu'il nous faut relever est de la taille de celui que la R'epublique a victorieusement affront'e sous l''egide de ce p`ere fondateur.
Gr^ace `a lui, gr^ace `a elle, le bilan de l''ecole francaise, dans le recul de l'illettrisme autant que dans l'enracinement des id'eaux d'emocratiques, est tout simplement extraordinaire. Mais qui tourne aujourd'hui ses yeux vers l'avenir mesure ce qu'il nous faut accomplir et qui est consid'erable.
`A peine est-il besoin de rappeler les enjeux. Chacun de nous est un ancien 'el`eve. Un nombre consid'erable est, a 'et'e ou sera parent d''el`eve. Beaucoup sont eux-m^emes enseignants. De ce fait, rien de ce qui concerne la formation n'est indiff`erent `a qui que ce soit, et il n'est nul besoin de prendre part `a la conduite des affaires publiques pour mesurer l'importance d'une formation solide, adapt'ee, offerte `a tous.
`A cette aune, les deux r'eponses les plus fondamentales concernent l''egalit'e des chances et la responsabilit'e des acteurs.
Sociales, g'eographiques, les in'egalit'es du syst`eme sont autrement plus r'eelles que l''egalit'e, purement formelle, dont il est par'e. C'est d`es le cours pr'eparatoire qu'on enregistre le retard frappant les enfants des milieux d'efavoris'es. Quant aux r'egions, de l'une `a l'autre le pourcentage de bacheliers varie du simple au double, le nombre d''etudiants du simple au quadruple.
Le droit `a la formation tend `a assurera tous les moyens d'acc'eder `a une qualification et de r'eussir une insertion culturelle, sociale et 'economique. Le
Quant `a la diversification, elle part du principe que traiter tout le monde de la m^eme mani`ere revient `a ne bien traiter qu'une minorit'e et `a n'orienter les autres que par l''echec. C'est Marguerite Yourcenar qui, apr`es d'autres mais mieux qu'eux, observe que
Donner `a l''ecole un nouvel 'elan est au-del`a des forces de l''Etat seul. Il ne peut y aider qu'en faisant appel `a toutes les initiatives et, puisqu'il revient au syst`eme de former des adultes responsables, le moins qu'on puisse demander est que ceux qui l'animent soient eux-m^emes trait'es en responsables. Cela exige de poursuivre rapidement deux objectifs compl'ementaires : la transparence et l'autonomie contractuelle.
43. Justice. Cest d'abord un service public.
Sous une forme aussi crue, l'affirmation choquerait presque tant elle fait peu de cas de la majest'e lourde dont on aime entourer l'appareil judiciaire. M^eme les plus modernes de nos palais de justice se plaisent `a sugg'erer ce caract`ere auguste et donnent une id'ee assez fausse du quotidien de la vie judiciaire.
Or s'il est vrai que le proc`es p'enal, par ce qu'il met en cause de libert'e et de coercition, est naturellement impressionnant jusque dans ses symboles, il ne doit pas faire oublier que la Justice consiste aussi `a prononcer des divorces, r'egler des litiges p'ecuniaires entre personnes priv'ees, trancher des conflits du travail, statuer sur des difficult'es d'entreprises ou encore d'epartager administr'es et administration.
Hors le champ r'epressif, elle n'est plus l'instrument de la soci'et'e contre ceux qui en ont troubl'e l'ordre et m'econnu les lois. Elle est le lieu o`u, `a la demande des parties, on dit le droit, avec un souci l'egitime de pr'eserver l''equit'e.
Or ces diverses missions sont aujourd'hui assur'ees dans des conditions souvent d'eplorables, qui signifient encombrement, lenteur, difficult'es d'acc`es.
Pourquoi les co^uts n'en sont-ils pas plus transparents ? On n'est pas certain que publier des bar`emes indicatifs sur les honoraires des avocats dans les proc'edures les plus courantes attenterait au caract`ere lib'eral de cette profession. Еn revanche, cela contribuerait `a am'eliorer les relations entre les justiciables et les pr'etoires. De m^eme, sans doute, cela contribuerait-il `a d'evelopper l'habitude, salutaire si elle n'est pas excessive, qui conduit `a consulter fr'equemment les avocats avant de prendre des d'ecisions, de signer des contrats, plut^ot que de ne les solliciter qu'apr`es, parce que ont surgi des difficult'es qu'on n'a pas pris les moyens de pr'evenir.
Pourquoi le recours au juge est-il `a la fois si s'electif et si fr'equent ? S'electif dans la mesure o`u, malgr'e l'aide judiciaire, sont souvent exclus du syst`eme ceux qui en auraient le plus besoin ; fr'equent comme l'atteste l'encombrement des tribunaux. Le soin de r'egler de nombreux contentieux, quantitativement envahissants et qualitativement r'ep'etitifs, pourrait probablement ^etre confi'e `a d'autres institutions (commission bancaire pour la police des ch`eques, commission des assurances pour les accidents, par exemple), `a condition, naturellement, que subsiste toujours la ressource d'en appeler `a la Justice.