Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
Шрифт:
— M. Juve, le c'el`ebre inspecteur de la S^uret'e.
Instinctivement, Th'eodore consid'erait le policier avec des yeux soumis et inquiets de pauvre b^ete affol'ee.
Alice Ricard avait jet'e un regard curieux et admiratif sur le c'el`ebre policier dont les aventures sensationnelles 'etaient naturellement connues d’elle.
Juve, cependant, demeurait impassible. Th'eodore apr`es avoir pouss'e un profond soupir, commenca :
— Je ne veux rien vous cacher, messieurs, fit-il, et je vais tout vous avouer.
Le malheureux garcon se tournait alors vers Alice Ricard :
— Ah, madame, poursuivit-il d’un ton plein d’angoisse, je vous demande pardon, pardon du fond du coeur. J’'etais loin de vouloir vous compromettre et je vous mets, par ma faute, dans une effroyable situation. Une folie m’a pris, m’a contraint de vous suivre, de vous rechercher, de vous 'epier. Alors que vous quittiez Vernon par le train de deux heures, je prenais le suivant. Je vous retrouvais au Korton, je vous attendais dehors au restaurant o`u vous d^iniez. Puis je vous suivais lorsque enfin, vers neuf heures, vous alliez rue Richer.
Th'eodore parlait pour M me Ricard et paraissait oublier la pr'esence du magistrat et du policier. En m^eme temps qu’il s’excusait, il la couvait du regard. Il semblait fascin'e par cette femme.
Juve l’interrompit :
— Dites-moi, monsieur Th'eodore Gauvin, fit-il, lorsque vous suiviez M me Alice Ricard, 'etait-elle seule ou accompagn'ee ?
Th'eodore h'esitait `a r'epondre. Il consulta du regard la jeune femme. Cette attitude d'eplut `a Juve qui observa durement :
— Pardon, monsieur, vous n’avez pas `a prendre conseil de madame. C’est la justice qui vous interroge, et c’est `a elle que vous devez r'epondre. Nous attendons.
La voix douce et charmeuse d’Alice Ricard s’'elevait `a ce moment :
— Dites la v'erit'e, monsieur Th'eodore, demanda-t-elle.
Th'eodore soupirait, r'eprimait un sanglot :
— Eh bien, fit-il, M me Ricard n’'etait pas seule. Elle avait retrouv'e, au Korton, un monsieur avec qui elle a d^in'e, avec qui elle est ensuite rentr'ee rue Richer.
— Comment 'etait-il, ce monsieur ? demanda Juve qui, en m^eme temps, du geste, imposait silence `a Alice Ricard, laquelle allait parler.
Th'eodore d'ecrivait :
— C’'etait un homme d’un certain ^age, m^eme assez ^ag'e. Il avait des cheveux et des favoris tout blancs. Il m’a sembl'e fort 'el'egamment v^etu. Un peu gros, un peu lourd dans sa d'emarche.
— Le connaissez-vous ? Savez-vous son nom ? demanda M. Varlesque, qui, depuis dix minutes, cherchait `a placer un mot.
Th'eodore secoua la t^ete.
— Non, monsieur le juge.
Juve cependant menait l’instruction aux lieu et place du magistrat. Il se tourna vers Alice et lui demanda :
— Vous ^etes ici, madame, en qualit'e de t'emoin. La justice sollicite votre appui pour lui permettre de faire la lumi`ere sur la myst'erieuse disparition de M. votre oncle. Vous 'etiez `a Paris, pr'ecis'ement le soir de cette nuit o`u il a 'et'e, soit assassin'e, soit enlev'e de chez lui, soit…
Juve n’achevait pas sa pens'ee. Apr`es un court silence, il reprenait :
— Dites-nous d’abord, madame, le nom de la personne avec qui vous avez pass'e la soir'ee.
— Mais, monsieur, r'epondit d’un air 'etonn'e Alice Ricard, c’'etait avec mon oncle, mon oncle Baraban. Vous vous en doutiez bien, je pense ?
— Mieux que cela, fit Juve, je le savais.
Th'eodore murmura :
— C’'etait son oncle…
Cependant, Alice poursuivait :
— Apr`es avoir d^in'e avec mon oncle Baraban, je suis rentr'ee chez lui vers neuf heures. `A dix heures et demie environ, nous sortions tous les deux et mon pauvre oncle venait me reconduire `a la gare Saint-Lazare o`u m’attendait mon mari. Nous avons pris ensemble, c’est-`a-dire mon mari et moi, le train de onze heures quarante-cinq qui nous a men'es `a Vernon `a deux heures du matin. Tout cela d’ailleurs, sera facile `a 'etablir par des t'emoignages, je pense.
— Oui, madame, reconnut Juve, tout cela est formellement 'etabli. Il se trouve m^eme que M. votre mari a eu une discussion avec la buraliste au bureau des billets `a la gare Saint-Lazare et qu’il a d'epos'e une r'eclamation sur le registre de la Compagnie.
— C’est exact, fit Alice Ricard.
M. Varlesque intervenait :
— Donc, fit-il d’un ton s'ev`ere, le crime a 'et'e commis `a partir de minuit, `a partir du moment o`u M. Baraban est rentr'e chez lui. Vous me disiez, n’est-ce pas, monsieur Juve, tout `a l’heure, qu’il r'esulte de votre enqu^ete que la concierge a entendu M. Baraban rentrer `a son domicile quelques instants apr`es que ladite concierge avait entendu sonner les douze coups de minuit ?
— Telle est, en effet, la d'eclaration de la concierge, fit Juve, avec cette restriction, ajoutait-il tr`es bas, comme pour lui-m^eme, que cette femme n’est pas absolument d’accord dans ses d'eclarations avec son mari.
M. Varlesque poursuivait, regardant Th'eodore :
— Vous avez entendu, monsieur ! Le crime a 'et'e commis `a partir de minuit, `a partir du moment o`u vous ne nous donnez plus un emploi justifi'e de votre temps. Vous avez err'e dans Paris, dites-vous ?