Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Ah bien, d'eclarait-elle, si je vous connaissais pas, je vous prendrais pour un sans-coeur. Vous n’avez pas seulement l’air d’^etre 'emotionn'e ?
— Je le suis pourtant, affirma J'er^ome Fandor.
Et il interrogea :
— Seulement, je le serai beaucoup plus quand vous m’aurez dit de quoi il s’agit. Jusqu’`a pr'esent, je n’ai appris qu’une chose, c’est qu’il y a eu quelqu’un d’assassin'e ici. Qui est-ce ?
— M. Baraban, ce pauvre cher homme ! Vous le connaissiez bien, parbleu…
J'er^ome Fandor, pr'ecis'ement, faisait des efforts de m'emoire :
— Ma foi, disait-il, je me le rappelle vaguement, c’est bien le vieux monsieur qui 'etait toujours fourr'e dans l’escalier, et qui saluait jusqu’`a terre quand on passait devant lui ? Un homme de cinquante `a soixante ans. C’est cela ?
— C’est cela, confirmait la concierge. C’est bien lui qu’a trouv'e la mort. Tenez, figurez-vous que ce matin, quand j’ai vu ca, j’ai cru que j’allais tomber en faiblesse.
`A ce souvenir, la concierge s’asseyait, tandis que Fandor se levait.
— Madame G'erard, appelait-il, vous allez me faire un plaisir, c’est de me r'epondre clairement. Qu’est-ce que vous avez vu ? Qu’est-ce qu’on sait ?
L’instinct des reportages policiers s’'eveillait d'ej`a en J'er^ome Fandor. Il avait tir'e un bloc-notes, taill'e son crayon, il allait prendre des notes.
— Attendez voir ! r'epondait la concierge.
Elle courait `a la porte de la loge, l’ouvrait :
— Monsieur l’agent, faites donc 'evanouir ce rassemblement. C’est scandaleux de faire du potin comme ca dans une maison o`u il y a un mort.
Or, J'er^ome Fandor, `a ces mots, commencait `a prendre des notes.
— Nous disons donc, disait-il, que le mort est dans l’appartement ? Bien. Comment a-t-il 'et'e tu'e ? Couteau ? Revolver ? Poison ?
La concierge joignit les mains :
— Mais Seigneur Dieu, clamait-elle d'esesp'er'ee, n’allez pas si vite ! Bien s^ur que non : le mort n’est pas l`a.
J'er^ome Fandor cessa d’'ecrire :
— On l’a d'ej`a transport'e `a la morgue ? interrogeait-il.
— Ah bien, oui, ripostait la concierge, le cadavre comme vous dites, ce pauv’ M. Baraban enfin, c’est ses meurtriers qui l’ont emmen'e.
P'eniblement alors, bribe par bribe, Fandor se faisait raconter par sa digne concierge les incidents de la matin'ee.
— Je suis mont'ee, disait la brave femme, `a neuf heures, comme d’ordinaire, pour commencer le m'enage, l`a-dessus, j’ai trouv'e l’appartement `a feu et `a sang. Du sang m^eme, monsieur Fandor, il y en avait partout l`a-haut, c’est une vraie abomination. D’ailleurs, si vous voulez monter ?
— Pas encore, r'epondit Fandor. Donc, vous avez tout trouv'e boulevers'e, du sang de tous les c^ot'es et pas de cadavre ?
— Vous me faites froid dans le dos, riposta la concierge en se signant, vrai, vous parlez de ca comme un homme qu’en a l’habitude, moi, rien que d’y penser…
Mais la brave femme ma^itrisait vite son 'emotion, elle 'etait d’ailleurs tr`es fi`ere de documenter le journaliste, elle insistait sur les moindres d'etails :
— Naturellement, m’sieu Fandor, quand j’ai vu l’appartement sens dessus dessous que c’en 'etait une horreur, je me suis dit : il s’est pass'e ici quelque chose de pas ordinaire. C’'etait bien ce que je devais penser, hein ?
— Oui, conc'eda Fandor, mais ce que vous avez pens'e importe peu. Qu’avez-vous fait ?
— Dame, j’ai cherch'e partout ce pauv’ monsieur Baraban.
— Et vous ne l’avez trouv'e nulle part ?
— C’est comme vous dites, affirma la concierge.
Elle s’'epongeait le front avec un mouchoir `a carreaux dont Fandor, `a part lui, admirait l’ampleur, puis elle continua :
— Alors, n’est-ce pas, on a 'et'e chercher la police, on a fait une partie de l’enqu^ete, comme ils disent, et tout de suite, on a constat'e qu’il manquait, dans l’appartement, une grande malle jaune, une malle 'enorme, une malle quoi, comme l’a dit M. le Commissaire de police, o`u on avait tr`es bien pu cacher le mort.
La concierge but un petit verre de rhum, tout pr'epar'e sur le dressoir de sa loge, toussa, prisa, puis se moucha avec un grand bruit :
— M’sieu Fandor, je vous dis que c’est dans cette malle qu’ils l’ont emport'e le pauv’ bonhomme. Ah, tenez, on ne devrait pas permettre de faire des malles aussi grandes que ca !
Mais Fandor, naturellement, refusait d’entrer dans la discussion d’une pareille disposition l'egislative :
— Vous avez peut-^etre raison, remarquait-il simplement, mais voyez-vous, madame Hippolyte, comme vous n’^etes pas d'eput'e et moi non plus, ce n’est pas nous qui ferons voter cette loi-l`a. Revenons donc au fait. Vous dites qu’il y avait une malle jaune chez ce M. Baraban ? Et qu’elle n’y est plus. Bien, avez-vous vu sortir cette malle ?
— Non bien s^ur.
— Soupconnez-vous enfin comment elle a pu ^etre enlev'ee ?
— Sur le bon Dieu, je vous jure que non.
Fandor fit la grimace :
— Cela se complique, murmurait-il, car enfin, une malle ca ne s’enl`eve pas comme ca.
Et, apr`es un instant de r'eflexion, il demanda encore :
— Il y a eu beaucoup d’all'ees et venues dans la maison, hein, cette nuit ? Vous avez tir'e le cordon plusieurs fois ?
Mais la concierge protestait :
— Ma foi non, pas du tout ! D’ailleurs, voil`a comment les choses se sont pass'ees : Hier soir, sur le coup de neuf heures et demie, M. Baraban est rentr'e avec sa ni`ece.
— Oh, oh, remarqua Fandor, vous avez vu la victime `a neuf heures et demie ?
— Je l’ai vue bien plus tard, mais attendez donc. `A neuf heures et demie, comme je vous le dis, M. Baraban est rentr'e avec sa ni`ece.