Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Mon Dieu, balbutia Brigitte, est-ce possible ? Ce jeune homme si gentil serait un assassin ?
`A ce moment, la main de M. Havard se posait sur l’'epaule de la jeune femme :
— Quant `a vous, d'eclara-t-il en enflant la voix, je vous arr^ete 'egalement comme complice. Vous aurez `a justifier de votre conduite devant le juge d’instruction.
Un hurlement retentit.
Jacques Faramont s’'etait pr'ecipit'e sur le chef de la S^uret'e, il tombait `a genoux devant lui :
— Monsieur, monsieur, je vous en supplie ! 'Epargnez Brigitte ! Ce que vous dites n’est pas possible. Elle est innocente, innocente.
Le jeune homme d'efaillait.
M. Havard l’avait 'ecart'e d’un geste. Michel l’agent de la S^uret'e, emmenait Brigitte `a demi morte d’'emotion, incapable de r'esister.
M. Havard recommanda `a Jacques Faramont :
— Quittez votre domicile le moins possible, monsieur ! Pendant quelques jours, restez `a la disposition de la justice.
***
`A trois heures du matin, Juve et Fandor causaient encore dans l’appartement du policier, rue Tardieu. Juve 'etait furieux. Au moment o`u il 'etait rentr'e, il y avait de cela une heure environ, le policier avait dit `a Fandor :
— Je suis assomm'e. M. Havard est en train de faire gaffe sur gaffe. Cet homme va d'ecid'ement trop vite en besogne. Il a voulu s’occuper de cette affaire, escomptant sans doute qu’il en retirerait une certaine gloire. Comme il est press'e, il va vite et, dans de semblables circonstances, quiconque va vite risque de buter et de culbuter. Il cherche des assassins partout o`u, `a mon avis il n’y en a pas. Et il est tellement persuad'e de l’assassinat de Baraban qu’il vient de d'ecr'eter officiellement la mort de cet homme, ce qui permet `a l’'etat civil de dresser l’acte de d'ec`es, et ce qui ouvre sa succession avec toutes les cons'equences.
— Le fait est, reconnaissait Fandor, que c’est aller un peu vite en besogne. Toutefois, Juve, j’estime, moi, que Havard a raison lorsqu’il croit au crime. Je n’ai pas voulu vous faire part de mes impressions lorsque nous avons ouvert celle malle `a la gare, mais il me para^it 'evident qu’elle a d^u contenir le cadavre de Baraban. Voyez plut^ot les taches de sang qui se trouvent `a l’int'erieur.
Juve protesta du geste :
— Je ne suis pas du tout de ton avis. D’abord, je ne crois pas que Baraban soit mort. Qui donc d’ailleurs l’aurait tu'e ? Et pourquoi ?
— Mon cher, vous avez une id'ee `a ce sujet, dit Fandor.
Le policier haussa les 'epaules :
— Mais non, puisque je ne crois pas `a l’assassinat.
— C’est-`a-dire que vous consid'erez comme inutile l’arrestation de Th'eodore et de Brigitte. Il est vrai que, s’il y avait crime, d’autres gens peut-^etre pourraient ^etre soupconn'es.
Fandor 'etait, comme Juve, parfaitement d’avis que, ni Th'eodore, ni Brigitte, n’'etaient capables d’avoir commis ce crime aussi audacieux que brutal. Mais alors, quels pouvaient ^etre les assassins ?
Fandor, apr`es avoir r'efl'echi, expliqua :
— Il faut proc'eder par ordre. Juve. Oubliez vos th'eories et r'epondez-moi franchement. Croyez-vous, oui ou non, qu’il y ait eu un cadavre dans cette malle ?
— Non, d'eclara nettement Juve, la meilleure preuve c’est que, ainsi que j’ai pu le constater, le fond, le plancher de cette malle, pour ainsi dire, est compl`etement vermoulu. Si l’on avait mis l`a-dedans un corps pesant une cinquantaine de kilos, il aurait d'efonc'e la malle.
— Alors, Juve ?
— Alors, j’en reviens `a ma th`ese : maquillage, mise en sc`ene fictive, combinaison bizarre, trucs extraordinaires, imagin'es uniquement pour d'etourner l’attention, pour faire croire `a un crime, alors qu’il n’y en a pas.
— Mais qui aurait proc'ed'e de la sorte ?
— Parbleu Fandor, il n’y a qu’un homme qui ait pu se donner tout ce mal, le principal int'eress'e : Baraban, l’oncle Baraban.
— Juve, Baraban est mort.
— Et moi, je te dis qu’il est vivant.
11 – LE VISITEUR INCONNU
Ce m^eme jour, tandis que Juve et Fandor, ayant 'et'e t'emoins d’'ev'enements identiques, en tiraient des conclusions diff'erentes, Fernand et Alice Ricard se trouvaient chez eux, `a Vernon, dans leur petite villa `a l’aspect tranquille, tout embaum'ee du parfum des corbeilles de fleurs et doucement caress'ee par le vent du soir, un vent ti`ede et exquis `a respirer.
Alice Ricard 'etait dans la salle `a manger de la maisonnette. Fernand Ricard lui, fl^anait au jardin, redressant d’un doigt machinal, des oeillets trop lourds, des roses trop 'epanouies qui menacaient de rompre leur tige en s’'ecartant du tuteur.
Brusquement, Alice Ricard tressaillit.
Du jardin, la voix de Fernand montait, une voix qui appelait sur un ton fort 'emu :
— Alice, Alice !
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Tu m’appelles ?
— Vite, vite allume la lampe !
Affol'ee, les mains tremblantes, perdant la t^ete, Alice Ricard s’empressa. Elle entendit son mari courir dans le jardin, elle entendit son pas pr'ecipit'e, elle entendit qu’il courait encore en escaladant les marches du perron.
Fernand Ricard rentra dans la salle `a manger, sa femme se jeta presque sur lui :
— Quoi ? Qu’est-ce que tu as ? demanda-t-elle.
Le courtier en vins r'epondit en brandissant une enveloppe au-dessus de sa t^ete :
— La lettre, criait-il, voil`a la lettre.
Puis il se tut, effar'e, car Alice Ricard venait de se laisser choir dans un fauteuil comme an'eantie.
— Mon Dieu, que tu m’as fait peur, j’ai cru que c’'etait…
— Que c’'etait quoi ? demanda Fernand Ricard surpris.