Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Pauvres gens ! La mort de cet oncle ch'eri vous rapporte un gros h'eritage, n’est-il pas vrai ?
Mais `a cette question pr'ecise, le courtier en vins bondit plus qu’il ne se leva.
— Non, dit-il, ca n’est pas vrai. Mon oncle n’avait pas de fortune, sa mort ne nous rapporte rien.
Il se h^atait trop peut-^etre de se d'efendre. L’inconnu se dressait lui aussi :
— Taisez-vous ! ordonna-t-il rudement. Vous dites des stupidit'es. Il est absolument inutile, monsieur Ricard et madame Ricard, de croire que je parle au hasard. Je ne dis rien que je ne sache, la mort de votre oncle vous fait riches.
— Non.
— Silence ! Elle vous fait riches, et c’est pour cette richesse envi'ee que vous n’avez pas h'esit'e devant un crime.
— C’est faux ! hurla le courtier.
Fernand Ricard ne pouvait cependant articuler une phrase, il dut se taire car les mots s’'etranglaient encore une fois dans sa gorge. L’inconnu continua tranquillement :
— Vous ^etes donc, vous, Fernand Ricard et vous, madame, d’'epouvantables crapules, de l^aches assassins, vous m'eritez le bagne, pis je pense : la guillotine. Donc, reprenait le myst'erieux visiteur, vous allez ^etre riches par le fait du d'ec`es de M. Baraban. Tr`es bien ! Le coup 'etait merveilleusement combin'e et je vous en f'elicite, mais…
— Mais ?
— Mais, continua le visiteur, il se trouve que je suis au courant de toute votre machination.
— Ce n’est pas vrai ! Nous sommes innocents !
L’inconnu parut ne pas tenir compte de cette derni`ere protestation :
— Je viens donc vous d'eclarer ceci, continua-t-il. De deux choses l’une : ou vous allez accepter de partager votre h'eritage, et dans ce cas, je ne dirai rien, ou vous allez refuser de vous entendre avec moi, et dans ce cas, je vous pr'eviens que je m’arrangerai pour vous d'epouiller enti`erement. Acceptez-vous ? Je vous offre la moiti'e de la fortune si vous vous ex'ecutez de bonne gr^ace, je prends tout au cas contraire.
L’inconnu, sur ces 'etranges paroles, se tut.
« C’est un pi`ege
Brusquement, Fernand Ricard r'epondit :
— Je ne comprends rien `a vos paroles. Je nie de toutes mes forces ^etre pour quoi que ce soit dans la mort de mon malheureux oncle. Jamais je n’accepterai un compromis semblable `a celui que vous me proposez. Il me fait simplement croire que c’est vous, vous, qui ^etes l’assassin.
Fernand Ricard allait parler encore. L’homme, sans insister, r'epliqua :
— Monsieur Ricard, 'ecoutez ceci : je viens vous voir par honn^etet'e, parce que j’avais scrupule `a vous d'epouiller de votre butin. Vous me refusez ce que je vous demande. Tant pis pour vous. Comprenez-moi bien : d’aujourd’hui il y a guerre entre vous et moi et je n’ai jamais 'et'e vaincu. Je vous offrais la moiti'e de la fortune de l’oncle Baraban, la moiti'e du moins de ce que sa mort vous rapportera, vous me la refusez. Tant pis pour vous, j’aurai tout.
L’inconnu, sur ces mots, salua brusquement.
— Serviteur, dit-il.
Et, avant qu’Alice et Fernand Ricard eussent pu faire un mouvement, plus rapide que la pens'ee, il bondissait vers la fen^etre, 'ecartait les rideaux, sautait dans le jardin, se perdait dans la nuit.
Une heure plus tard, Fernand Ricard et sa femme, 'etaient encore debout, immobiles, ils n’avaient os'e ni un geste, ni une parole.
Alice la premi`ere, rompit ce silence tragique :
— Fernand, Fernand, j’ai peur !
Et Fernand Ricard r'epondit :
— J’ai peur, moi aussi !
12 – IL FR'EQUENTAIT LE
Fandor avait quitt'e Juve `a trois heures du matin la nuit m^eme o`u Alice et Fernand Ricard recevaient `a Vernon la surprenante, l’inqui'etante visite de l’inconnu qui osait proposer un pacte relatif `a la succession de l’oncle Baraban.
Fandor 'etait parti furieux de chez Juve, bougonnant, envoyant `a tous les diables son ami le policier.
« Juve est assommant, pensait Fandor. Il s’ent^ete, en d'epit de toutes les apparences, `a vouloir soutenir l’invraisemblable. Parbleu, je ne dis pas que ce Th'eodore et cette Brigitte soient certainement les coupables. Mais en revanche, nom d’un chien, je donnerais bien ma t^ete `a couper que le malheureux Baraban est bel et bien mort, mort assassin'e, et que de plus, son cadavre a s'ejourn'e dans la malle verte. »
Fandor, il est vrai, 'etait assez 'emu par l’objection que lui avait faite Juve.
Mais Fandor ne se tenait pourtant pas pour battu :
« La malle est d'efonc'ee, disait-il, bon, c’est un fait. Mais apr`es tout, il ne prouve pas grand-chose. Qu’est-ce qui prouve en effet que ce n’est pas pr'ecis'ement parce que le corps a 'et'e mis dans la malle que le fond s’est ab^im'e ? Qu’est-ce qui a 'et'e cass'e ? Est-ce la malle sous le poids du cadavre ? Ou est-ce au contraire parce que la malle 'etait cass'ee que le cadavre n’a pas 'et'e mis dedans ? »
Fandor, rentr'e chez lui `a pr`es de quatre heures du matin, n’'etait point si fatigu'e qu’il ne fl^an^at encore de longues minutes.
« J’en aurai le coeur net, ronchonnait-il de moment en moment, j’en aurai le coeur net. Quand ce ne serait que pour prendre Juve une bonne fois en flagrant d'elit d’erreur. Que diable, il est assommant cet animal-l`a, `a ne jamais vouloir se gourer ! »
Mais, en m^eme temps qu’il souhaitait prendre Juve en flagrant d'elit d’erreur, Fandor faisait une vilaine figure :