Том 3. Публицистические произведения
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Voil`a pour la question purement religieuse dans ces diff'erends avec Rome. Maintenant si on en venait `a appr'ecier l’action politique que Rome a exerc'ee sur les diff'erents 'etats de l’Europe
Occidentale, bien qu’elle nous touch^at de moins pr`es, quelle terrible accusation n’aurait-on pas `a faire peser sur elle! —
N’est-ce pas Rome, n’est-ce pas la politique ultramontaine qui a d'esorganis'e, d'echir'e l’Allemagne, qui a tu'e l’Italie? L’Allemagne, elle l’a d'esorganis'ee en y minant le pouvoir imp'erial; elle l’a d'echir'ee en y provoquant la r'eformation. Quant `a l’Italie, la politique de Rome l’a tu'ee en emp^echant par tous les moyens et `a toutes les 'epoques l’'etablissement dans ce pays d’une autorit'e souveraine, l'egitime et nationale. Ce fait a d'ej`a 'et'e signal'e il y a plus de trois si`ecles par le plus grand des historiens de l’Italie moderne.
Et en France, pour ne parler que des temps les plus rapproch'es de nous, n’est-ce pas l’influence ultramontaine qui a 'ecras'e, qui a 'eteint ce qu’il y avait de plus pur, de plus vraiment chr'etien dans l’Eglise gallicane? N’est-ce pas Rome qui a d'etruit le Port-Royal et qui apr`es avoir d'esarm'e le Christianisme de ses plus nobles d'efenseurs, l’a pour ainsi dire livr'e par les mains des J'esuites aux attaques de la Philosophie du dix-huiti`eme si`ecle? Tout ceci, h'elas, c’est de l’Histoire, et de l’Histoire contemporaine.
Maintenant pour ce qui nous concerne personnellement, lors m^eme que nous passerions sous silence nos propres injures, l’histoire de nos malheurs au dix-septi`eme si`ecle, comment pouvons-nous taire ce que la politique de cette cour a 'et'e, pour ces peuples qu’une fraternit'e de race et de langue rattache `a la Russie et que la fatalit'e en a s'epar'es. On peut dire avec toute justice que si l’Eglise latine par ses abus et ses exc`es a 'et'e funeste `a d’autres pays, elle a 'et'e par principe l’ennemie personnelle de la race Slave. La conqu^ete allemande elle-m^eme n’a 'et'e qu’une arme, qu’un glaive docile entre ses mains. C’est Rome qui en a dirig'e et assur'e les coups. Partout o`u Rome a mis le pied parmi les peuples slaves, elle a engag'e une guerre `a mort contre leur nationalit'e. Elle l’a an'eantie ou elle l’a d'enatur'ee. Elle a d'enationalis'e la Boh^eme et d'emoralis'e la Pologne; elle en aurait fait autant de toute la race si elle n’avait pas rencontr'e la Russie sur son chemin. De l`a la haine implacable qu’elle nous a vou'ee. Rome comprend que dans tout pays slave o`u la nationalit'e de la race n’est pas encore tout `a fait morte, la Russie par sa seule pr'esence, par le seul fait de son existence politique l’emp^echera de mourir et que partout o`u cette nationalit'e tendrait `a rena^itre, elle ferait courir de terribles chances `a l’'etablissement Romain. Voil`a o`u nous en sommes vis-`a-vis de la cour de Rome. Voil`a le bilan exact de notre situation respective. Eh bien, est-ce avec de pareils ant'ec'edents historiques que nous craindrions d’accepter le d'efi qu’elle pourrait nous jeter? Comme Eglise nous avons `a lui demander compte au nom de l’Eglise universelle de ce d'ep^ot de la foi, dont elle a cherch'e `a s’attribuer la possession exclusive m^eme au prix d’un schisme. Comme puissance politique, nous avons pour alli'ee contre elle l’histoire de son pass'e, les rancunes de la moiti'e de l’Europe et les trop justes griefs de notre propre race.
Quelques-uns s’imaginent que la r'eaction religieuse dont l’Europe est en ce moment travaill'ee pouvait tourner au profit exclusif de l’Eglise latine; c’est selon moi une grande illusion. Il y aura, je le sais bien, dans l’Eglise Protestante beaucoup de conversions partielles, jamais une conversion g'en'erale. Ce qui a surv'ecu du principe catholique dans l’Eglise latine, attirera toujours tous ceux parmi les protestants qui, fatigu'es des fluctuations de la r'eforme, aspirent `a rentrer au port, `a se replacer sous la loi de l’autorit'e catholique, mais les souvenirs de la cour de la Rome, mais l’ultramontanisme enfin, les repoussent 'eternellement.
Le mot historiquement si vrai sur l’Eglise latine est aussi le mot de la situation actuelle.
Le catholicisme a de tout temps fait toute la force du Papisme, comme le Papisme fait toute la faiblesse du catholicisme.
La force sans faiblesse n’est que dans l’Eglise universelle. Qu’elle se montre, qu’elle intervienne dans le d'ebat et l’on verra de nos jours ce qu’on a d'ej`a vu dans les tous premiers jours de la r'eformation, alors que les chefs de ce mouvement religieux qui avaient d'ej`a rompu avec le si`ege de Rome, mais qui h'esitaient encore `a rompre avec les traditions de l’Eglise Catholique, en appelaient unanimement `a l’Eglise d’Orient. Maintenant comme alors la r'econciliation religieuse ne peut venir que d’elle; elle porte dans son sein l’avenir chr'etien.
Telle est la premi`ere, la plus haute question que nous ayons `a d'ebattre avec l’Europe Occidentale, c’est la question vitale par excellence.
Il y en a une autre bien grave aussi; c’est celle que l’on appelle commun'ement la question d’Orient; c’est la question de l’Empire.
Ici, il ne s’agit pas de diplomatie; on sait trop bien que tant que durera le Statu quo, la Russie plus qu’aucune autre puissance respectera les trait'es. Mais les trait'es, mais la diplomatie ne r`eglent apr`es tout que les choses du jour. Les int'er^ets permanents, les rapports 'eternels c’est l’histoire seule qui en conna^it. Or que nous dit l’histoire?
Elle nous dit que l’Orient orthodoxe, tout ce monde immense qui rel`eve de la croix grecque, est un dans son principe, 'etroitement solidaire dans toutes ses parties, vivant de sa vie propre, originale, indestructible. Il peut ^etre mat'eriellement fractionn'e, moralement il sera toujours un et indivisible. Il a subi momentan'ement la domination latine, il a subi pendant des si`ecles l’invasion des races asiatiques, il n’a jamais accept'e ni l’une ni l’autre.
Il y a parmi les Chr'etiens de l’Orient un dicton populaire qui exprime na"ivement ce fait; ils ont l’habitude de dire, que tout dans la cr'eation de Dieu est bien fait, bien ordonn'e, deux choses except'ees, et ces deux choses sont: le Pape et le Turc.
— Mais Dieu, — ont-ils soin d’ajouter, — a voulu dans sa sagesse infinie rectifier ces deux erreurs et c’est pour cela qu’il cr'ee le Czar moscovite.
Nul trait'e, nulle combinaison politique ne pr'evaudra jamais contre ce simple dicton populaire. C’est le r'esum'e de tout le pass'e et la r'ev'elation de tout un avenir.
— En effet, quoiqu’on fasse ou qu’on s’imagine, pourvu que la Russie reste ce qu’elle est, l’empereur de Russie sera n'ecessairement, irr'esistiblement le seul souverain l'egitime de l’Orient orthodoxe, sous quelque forme d’ailleurs qu’il juge convenable d’exercer cette souverainet'e. Faites ce que vous voudrez, mais encore une fois, `a moins que vous n’ayez d'etruit la Russie, vous n’emp^echerez jamais ce fait de se produire.
Qui ne voit que l’Occident avec toute sa philantropie, avec son pr'etendu respect pour le droit des nationalit'es et tout en se d'echa^inant contre l’ambition insatiable de la Russie, ne voit dans
les populations qui habitent la Turquie qu’une seule chose: une proie `a d'epecer.
Il voudrait tout bonnement recommencer au dix-neuvi`eme si`ecle ce qu’ il avait essay'e de faire au treizi`eme et ce qui d'ej`a alors lui avait si mal r'eussi. C’est la m^eme tentative sous d’autres noms et au moyen de proc'ed'es un peu diff'erents. C’est toujours cette ancienne, cette incurable pr'etention de fonder dans l’Orient orthodoxe un Empire latin, de faire de ces pays une annexe, une d'ependance de l’Europe occidentale.
Il est vrai que pour arriver `a ce r'esultat, il faudrait commencer par 'eteindre dans ces populations tout ce qui jusqu’`a pr'esent a constitu'e leur vie morale, par d'etruire en elles ce que les Turcs eux-m^emes ont 'epargn'e. Mais ce n’est pas l`a une consid'eration qui pouvait arr^eter un seul instant le pros'elitisme occidental, persuad'e qu’il est que toute soci'et'e qui n’est pas exactement faite `a l’image de celle de l’Occident n’est pas digne de vivre, et fort de cette conviction il se mettrait bravement `a l’oeuvre pour d'elivrer ces populations de leur nationalit'e comme d’un reste de barbarie.