Том 3. Публицистические произведения
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Quand nous saurons mieux qui nous sommes, nous ne nous aviserons plus de faire amende honorable `a qui que ce soit d’^etre ce que nous sommes.
Et que l’on ne s’imagine pas qu’en proclamant hautement nos titres nous ajouterions `a l’hostilit'e de l’opinion 'etrang`ere `a notre 'egard. Ce serait bien peu conna^itre l’'etat actuel des esprits en Europe.
Encore une fois ce qui fait le fond de cette hostilit'e, ce qui vient en aide `a la malveillance qu’ils exploitent contre nous, c’est cette opinion absurde et pourtant si g'en'erale que tout en reconnaissant, en s’exag'erant peut-^etre nos forces mat'erielles, on en est encore `a se demander si toute cette puissance est anim'ee d’une vie morale, d’une vie historique qui soit propre. Or, l’homme est ainsi fait, surtout l’homme de notre 'epoque, qu’il ne se r'esigne `a la puissance physique qu’en raison de la grandeur morale qu’il y voit attach'e.
Chose bizarre en effet, et qui dans quelques ann'ees para^itra inexplicable. Voil`a un Empire qui par une rencontre sans exemple peut-^etre dans l’histoire du monde, se trouve `a lui seul repr'esenter deux choses immenses: les destin'ees d’une race toute enti`ere et la meilleure, la plus saine moiti'e de l’Eglise Chr'etienne.
Et il y a encore des gens qui se demandent s'erieusement quels sont les titres de cet Empire, quelle est sa place l'egitime dans le monde!.. Serait-ce que la g'en'eration contemporaine est encore tellement perdue dans l’ombre de la montagne qu’elle a de la peine `a en apercevoir le sommet?..
Il ne faut pas l’oublier d’ailleurs: pendant des si`ecles l’Occident Europ'een a 'et'e en droit de croire que moralement parlant il 'etait seul au monde, qu’`a lui seul il 'elait l’Europe toute enti`ere. Il a grandi, il a v'ecu, il a vieilli dans cette id'ee, et voil`a qu’il s’apercoit maintenant qu’il s’'etait tromp'e, qu’il y avait `a c^ot'e de lui une autre Europe, sa soeur cadette peut-^etre, mais en tout cas sa soeur bien l'egitime, qu’en un mot il n’'etait lui que la moiti'e du grand tout. Une pareille d'ecouverte est une r'evolution tout enti`ere entra^inant apr`es elle le plus grand d'eplacement d’id'ees qui se soit jamais accompli dans le monde des intelligences.
Est-il 'etonnant que de vieilles convictions luttent de tout leur pouvoir contre une 'evidence qui les 'ebranle, qui les supprime? et ne serait-ce pas `a nous de venir en aide `a cette 'evidence, `a la rendre invincible, in'evitable? Que faudrait-il faire pour cela?
Ici je touche `a l’objet m^eme de cette courte notice. Je concois que le gouvernement Imp'erial ait de tr`es bonnes raisons pour ne pas d'esirer qu’`a l’int'erieur, dans la presse indig`ene, l’opinion s’anime trop sur des questions bien graves, bien d'elicates en effet, sur des questions qui touchent aux racines m^emes de l’existence nationale; mais au dehors, mais dans la presse 'etrang`ere, quelles raisons aurions-nous pour nous imposer la m^eme r'eserve? Quels m'enagements avons-nous encore `a garder vis-`a-vis d’une opinion ennemie qui, se pr'evalant de notre silence, s’empare tout `a son aise de ces questions et les r'esout l’une apr`es l’autre, sans contr^ole, sans appel, et toujours dans le sens le plus hostile, le plus contraire `a nos int'er^ets. Ne nous devons-nous pas `a nous-m^eme de faire cesser un pareil 'etat de choses? Pouvons-nous encore nous en dissimuler les grands inconv'enients? et qu’est-il n'ecessaire de rappeler le d'eplorable scandale d’apostasie r'ecente tant politique que religieuse… et ces apostasies auraient-elles 'et'e possibles si nous n’avions pas b'en'evolement, gratuitement livr'e `a l’opinion ennemie le monopole de la discussion?
Je pr'evois l’objection que l’on va me faire. On est, je le sais, trop dispos'e chez nous `a s’exag'erer l’insuffisance de nos moyens, `a se persuader que nous ne sommes pas de force `a engager avec succ`es la lutte sur un pareil terrain. Je crois que l’on se trompe; je suis persuad'e que nos ressources sont plus grandes qu’on ne se l’imagine; mais m^eme en laissant de c^ot'e nos ressources indig`enes, ce qui est certain, c’est que l’on ne conna^it pas assez chez nous les forces auxiliaires que nous pourrions trouver au dehors. En effet, quelque soit la malveillance apparente et souvent trop r'eelle de l’opinion 'etrang`ere `a notre 'egard, nous n’appr'ecions pas assez ce que dans l’'etat de fractionnement o`u sont tomb'es en Europe les opinions aussi bien que les int'er^ets, une grande, une importante unit'e comme l’est la n^otre, peut exercer d’ascendant et de prestige sur des esprits que ce fractionnement pouss'e `a l’extr^eme a r'eduit au dernier degr'e de lassitude.
Nous ne savons pas assez combien on y est avide de tout ce qui offre des garanties de dur'ee et des promesses d’avenir… comme on y 'eprouve le besoin de se rallier ou m^eme de se convertir `a ce qui est grand et fort. Dans l’'etat actuel des esprits en Europe, l’opinion publique, toute indisciplin'ee, toute ind'ependante qu’elle paraisse, ne demande pas mieux au fond que d’^etre violent'ee avec grandeur. Je le dis avec une conviction profonde: l’essentiel, le plus difficile pour nous, c’est d’avoir foi en nous-m^eme; d’oser nous avouer `a nous-m^eme toute la port'ee de nos destin'ees, d’oser l’accepter tout enti`ere. Ayons cette foi, ce courage. Ayons le courage d’arborer notre v'eritable drapeau dans la m^el'ee des opinions qui se disputent l’Europe, et il nous fera trouver des auxiliaires l`a m^eme o`u jusqu’`a pr'esent nous n’avions rencontr'e que des adversaires. Et nous verrons se r'ealiser une magnifique parole, dite dans une circonstance m'emorable. Nous verrons ceux-l`a m^eme qui jusqu’`a pr'esent se d'echa^inaient contre la Russie ou cabalaient en secret contre elle, se sentir heureux et fiers de se rallier `a elle, de lui appartenir.
Ce que je dis l`a n’est pas une simple supposition. Plus d’une fois des hommes 'eminents par leur talents aussi que par l’autorit'e que ce talent leur avait acquise sur l’opinion, m’ont donn'e des t'emoignages non 'equivoques de leur bonne volont'e, de leurs bonnes dispositions `a notre 'egard. Leurs offres de service 'etaient telles qu’elles n’avaient rien de compromettant ni pour ceux qui les faisaient, ni pour celui qui les aurait accept'ees. Ces hommes assur'ement n’entendaient pas se vendre `a nous, mais ils n’auraient pas mieux demand'e que de nous savoir chacun dans la ligne et dans la mesure de son opinion. L’essentiel e^ut 'et'e de coordonner ces efforts, de les diriger tous vers un but d'etermin'e, de faire concourir ces diverses opinions, ces diverses tendances au service des int'er^ets permanents de la Russie, tout en conservant `a leur langage cette franchise d’assaut sans laquelle on ne fait pas d’impression sur les esprits.
Il va sans dire qu’il ne saurait ^etre question d’engager avec la presse 'etrang`ere une pol'emique quotidienne minutieuse portant sur des petits faits, sur des petits d'etails; mais ce qui serait vraiment utile, ce serait par exemple de prendre pied dans le journal le plus accr'edit'e de l’Allemagne, d’y avoir des organes graves, s'erieux, sachant se faire 'ecouter du public — et tendant par des voies diff'erentes, mais avec un certain ensemble vers un but d'etermin'e.
Mais `a quelles conditions r'eussirait-on `a imprimer `a ce concours de forces individuelles et jusqu’`a un certain point ind'ependantes une direction commune et salutaire? A la condition d’avoir sur les lieux un homme intelligent, dou'e d’'energiques sentiments de nationalit'e, profond'ement d'evou'e au service de l’Empereur et qui par une longue exp'erience de la presse aurait acquis une connaissance suffisante du terrain sur lequel il serait appel'e `a agir.
Quant aux d'epenses que n'ecessiterait l’'etablissement d’une presse russe `a l’'etranger, elles seraient minimes comparativement au r'esultat qu’on pourrait en attendre.
Si cette id'ee 'etait agr'e'ee, je m’estimerais trop heureux de mettre aux pieds de l’Empereur tout ce qu’un homme peut offrir et promettre: la propret'e de l’intention et le z`ele du d'evouement le plus absolu.
La Russie et la R'evolution*
Pour comprendre de quoi il s’agit dans la crise supr^eme o`u l’Europe vient d’entrer, voici ce qu’il faudrait se dire. Depuis longtemps il n’y a plus en Europe que deux puissances r'eelles: