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История кавалера де Грие и Манон Леско = Ніstoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut
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« Non, repris-je ; j’ai tout examin'e, surtout depuis que ma cl^oture est un peu moins rigoureuse par l’indulgence du sup'erieur. La porte de ma chambre ne se ferme plus avec la clef ; j’ai la libert'e de me promener dans les galeries des religieux ; mais tous les escaliers sont bouch'es par des portes 'epaisses, qu’on a soin de tenir ferm'ees la nuit et le jour, de sorte qu’il est impossible que la seule adresse puisse me sauver. »

« Attendez, repris-je apr`es avoir un peu r'efl'echi sur une id'ee qui me parut excellente, pourriez-vous m’apporter un pistolet ? – Ais'ement, me dit Lescaut ; mais voulez-vous tuer quelqu’un ? » Je l’assurai que j’avais si peu dessein de tuer, qu’il n’'etait pas m^eme n'ecessaire que le pistolet f^ut charg'e. « Apportez-le-moi demain, ajoutai-je, et ne manquez pas de vous trouver le soir, `a onze heures, vis-`a-vis la porte de cette maison, avec deux ou trois de nos amis: j’esp`ere que je pourrai vous y rejoindre. » Il me pressa en vain de lui en apprendre davantage.

Je lui dis qu’une entreprise telle que je la m'editais ne pouvait para^itre raisonnable qu’apr`es avoir r'eussi. Je le priai d’abr'eger sa visite, afin qu’il trouv^at plus de facilit'e `a me revoir le lendemain. Il fut admis avec aussi peu de peine que la premi`ere fois. Son air 'etait grave, il n’y a personne qui ne l’e^ut pris pour un homme d’honneur.

Lorsque je me trouvai muni de l’instrument de ma libert'e, je ne doutai presque plus du succ`es de mon projet. Il 'etait bizarre et hardi ; mais de quoi n’'etais-je pas capable avec les motifs qui m’animaient ? J’avais remarqu'e, depuis qu’il m’'etait permis de sortir de ma chambre et de me promener dans les galeries, que le portier apportait chaque soir les clefs de toutes les portes au sup'erieur, et qu’il r'egnait ensuite un profond silence dans la maison, qui marquait que tout le monde 'etait retir'e. Je pouvais aller sans obstacle, par une galerie de communication, de ma chambre `a celle de ce p`ere. Ma r'esolution 'etait de lui prendre ses clefs, en l’'epouvantant avec mon pistolet s’il faisait difficult'e de me les donner, et de m’en servir pour gagner la rue. J’en attendis le temps avec impatience. Le portier vint `a l’heure ordinaire, c’est-`a-dire un peu apr`es neuf heures. J’en laissai passer encore une, pour m’assurer que tous les religieux et les domestiques 'etaient endormis. Je partis enfin, avec mon arme et une chandelle allum'ee. Je frappai d’abord doucement `a la porte du p`ere, pour l’'eveiller sans bruit. Il m’entendit au second coup ; et, s’imaginant sans doute que c’'etait quelque religieux qui se trouvait mal et qui avait besoin de secours, il se leva pour m’ouvrir. Il eut n'eanmoins la pr'ecaution de demander au travers de la porte qui c’'etait et ce qu’on voulait de lui. Je fus oblig'e de me nommer ; mais j’affectai un ton plaintif, pour lui faire comprendre que je ne me trouvais pas bien.

« Ha ! c’est vous, mon cher fils ? me dit-il en ouvrant la porte ; qu’est-ce donc qui vous am`ene si tard ? » J’entrai dans sa chambre ; et l’ayant tir'e `a l’autre bout oppos'e `a la porte, je lui d'eclarai qu’il m’'etait impossible de demeurer plus longtemps `a Saint-Lazare ; que la nuit 'etait un temps commode pour sortir sans ^etre apercu, et que j’attendais de son amiti'e qu’il consentirait `a m’ouvrir les portes ou `a me pr^eter ses clefs pour les ouvrir moi-m^eme.

Ce compliment devait le surprendre. Il demeura quelque temps `a me consid'erer sans me r'epondre. Comme je n’en avais pas `a perdre, je repris la parole pour lui dire que j’'etais fort touch'e de toutes ses bont'es, mais que la libert'e 'etant le plus cher de tous les biens, surtout pour moi `a qui on la ravissait si injustement, j’'etais r'esolu de me la procurer cette nuit m^eme, `a quelque prix que ce f^ut ; et, de peur qu’il ne lui pr^it envie d’'elever la voix pour appeler du secours, je lui fis voir une honn^ete raison de silence, que je tenais sous mon just-au-corps. « Un pistolet ! me dit-il. Quoi ! mon fils, vous voulez m’^oter la vie pour reconna^itre la consid'eration que j’ai eue pour vous ? – Dieu ne plaise ! lui r'epondis-je. Vous avez trop d’esprit et de raison pour me mettre dans cette n'ecessit'e ; mais je veux ^etre libre, et j’y suis si r'esolu, que si mon projet manque par votre faute, c’est fait de vous absolument. – Mais, mon cher fils, reprit-il d’un air p^ale et effray'e, que vous ai-je fait ? quelle raison avez-vous de vouloir ma mort ? – Eh, non ! r'epliquai-je avec impatience. Je n’ai pas dessein de vous tuer : si vous voulez vivre, ouvrez-moi la porte, et je suis le meilleur de vos amis. » J’apercus les cl'es qui 'etaient sur la table ; je les pris, et je le priai de me suivre en faisant le moins de bruit qu’il pourrait.

Il fut oblig'e de s’y r'esoudre. A mesure que nous avancions et qu’il ouvrait une porte, il me r'ep'etait avec un soupir : « Ah ! mon fils, ah ! qui l’aurait jamais cru ? – Point de bruit, mon p`ere, » r'ep'etais-je de mon c^ot'e `a tout moment. Enfin nous arriv^ames `a une esp`ece de barri`ere qui est avant la grande porte de la rue. Je me croyais d'ej`a libre, et j’'etais derri`ere le p`ere, tenant ma chandelle d’une main et mon pistolet de l’autre.

Pendant qu’il s’empressait d’ouvrir, un domestique qui couchait dans une petite chambre voisine, entendant le bruit de quelques verrous, se l`eve et met la t^ete `a sa porte. Le bon p`ere le crut apparemment capable de m’arr^eter. Il lui ordonna avec beaucoup d’imprudence de venir `a son secours. C’'etait un puissant coquin, qui s’'elanca sur moi sans balancer. Je ne le marchandai point, je lui l^achai le coup au milieu de la poitrine. « Voil`a de quoi vous ^etes cause, mon p`ere, dis-je assez fi`erement `a mon guide. Mais que cela ne vous emp^eche point d’achever, » ajoutai-je en le poussant vers la derni`ere porte. Il n’osa refuser de l’ouvrir. Je sortis heureusement, et je trouvai `a quatre pas Lescaut qui m’attendait avec deux amis, suivant sa promesse.

Nous nous 'eloign^ames. Lescaut me demanda s’il n’avait pas entendu tirer un pistolet.

« C’est votre faute, lui dis-je ; pourquoi me l’apportiez-vous charg'e ? » Cependant je le remerciai d’avoir eu cette pr'ecaution, sans laquelle j’'etais sans doute `a Saint-Lazare pour longtemps. Nous all^ames passer la nuit chez un traiteur, o`u je me remis un peu de la mauvaise ch`ere que j’avais faite depuis pr`es de trois mois. Je ne pus n'eanmoins m’y livrer au plaisir ; je souffrais mortellement sans Manon. « Il faut la d'elivrer, disais-je `a mes amis. Je n’ai souhait'e la libert'e que dans cette vue. Je vous demande le secours de votre adresse: pour moi, j’y emploierai jusqu’`a ma vie. »

Lescaut, qui ne manquait pas d’esprit et de prudence, me repr'esenta qu’il fallait aller bride en main ; que mon 'evasion de Saint-Lazare et le malheur qui m’'etait arriv'e en sortant causeraient infailliblement du bruit ; que le lieutenant g'en'eral de police me ferait chercher, et qu’il avait le bras longs ; enfin que si je ne voulais pas ^etre expos'e `a quelque chose de pis que Saint-Lazare, il 'etait `a propos de me tenir couvert et renferm'e pendant quelques jours, pour laisser au premier feu de mes ennemis le temps de s’'eteindre. Son conseil 'etait sage ; mais il aurait fallu l’^etre aussi pour le suivrе. Tant de lenteur et de m'enagements ne s’accordaient pas avec ma passion. Toute ma complaisance se r'eduisit `a lui promettre que je passerais le jour suivant `a dormir. Il m’enferma dans sa chambre, o`u je demeurai jusqu’au soir.

J’employai une partie de ce temps `a former des projets et des exp'edients pour secourir Manon. J’'etais bien persuad'e que sa prison 'etait encore plus imp'en'etrable que n’avait 'et'e la mienne. Il n’'etait pas question de force et de violence, il fallait de l’artifice ; mais la d'eesse m^eme de l’invention n’aurait pas su par o`u commencer. J’y vis si peu de jour, que je remis `a consid'erer mieux les choses lorsque j’aurais pris quelques informations sur l’arrangement int'erieur de l’h^opital.

Aussit^ot que la nuit m’e^ut rendu la libert'e, je priai Lescaut de m’accompagner. Nous li^ames conversation avec un des portiers, qui nous parut homme de bon sens. Je feignis d’^etre un 'etranger qui avait entendu parler avec admiration de l’H^opital G'en'eral et de l’ordre qui s’y observe. Je l’interrogeai sur les plus minces d'etails, et de circonstance en circonstance nous tomb^ames sur les administrateurs, dont je le priai de m’apprendre les noms et les qualit'es. Les r'eponses qu’il me fit sur ce dernier article me firent na^itre une pens'ee dont je m’applaudis aussit^ot, et que je ne tardai point `a mettre en oeuvre. Je lui demandai, comme une chose essentielle `a mon dessein, si ces messieurs avait des enfants. Il me dit qu’il ne pouvait pas m’en rendre un compte certain, mais que pour monsieur de T***, qui 'etait un des principaux, il lui connaissait un fils en ^age d’^etre mari'e, qui 'etait venu plusieurs fois `a l’h^opital avec son p`ere. Cette assurance me suffisait.

Je rompis presque aussit^ot notre entretien, et je fis part `a Lescaut, en retournant chez lui, du dessein que j’avais concu. « Je m’imagine, lui dis-je, que monsieur de T*** le fils, qui est riche et de bonne famille, est dans un certain go^ut de plaisirs, comme la plupart des jeunes gens de son ^age. Il ne saurait ^etre ennemi des femmes, ni ridicule au point de refuser ses services pour une affaire d’amour. J’ai form'e le dessein de l’int'eresser `a la libert'e de Manon. S’il est honn^ete homme et qu’il ait des sentiments, il nous accordera son secours par g'en'erosit'e. S’il n’est point capable d’^etre conduit par ce motif, il fera du moins quelque chose pour une fille aimable, ne f^ut-ce que par l’esp'erance d’avoir part `a ses faveurs. Je ne veux pas diff'erer de le voir, ajoutai-je, plus longtemps que jusqu’`a demain. Je me sens si consol'e par ce projet, que j’en tire un bon augure. »

Lescaut convint lui-m^eme qu’il y avait de la vraisemblance dans mes id'ees, et que nous pouvions esp'erer quelque chose par cette voie. J’en passai la nuit moins tristement.

Le matin 'etant venu, je m’habillai le plus proprement qu’il me fut possible dans l’'etat d’indigence o`u j’'etais et je me fis conduire dans un fiacre `a la maison de monsieur de T***. Il fut surpris de recevoir la visite d’un inconnu. J’augurai bien de sa physionomie et de ses civilit'es. Je m’expliquai naturellement avec lui ; et, pour 'echauffer ses sentiments naturels, je lui parlai de ma passion et du m'erite de ma ma^itresse comme de deux choses qui ne pouvaient ^etre 'egal'ees que l’une par l’autre. Il me dit que quoiqu’il n’e^ut jamais vu Manon, il avait entendu parler d’elle, du moins s’il s’agissait de celle qui avait 'et'e la ma^itresse du vieux G*** M***. Je ne doutai point qu’il ne f^ut inform'e de la part que j’avais eue `a cette aventure ; et, pour le gagner de plus en plus en me faisant un m'erite de ma confiance, je lui racontai le d'etail de tout ce qui 'etait arriv'e `a Manon et `a moi. « Vous voyez, monsieur, continuai-je, que l’int'er^et de ma vie et celui de mon coeur sont entre vos mains. L’un ne m’est pas plus cher que l’autre. Je n’ai point de r'eserve avec vous, parce que je suis inform'e de votre g'en'erosit'e, et que la ressemblance de nos ^ages me fait esp'erer qu’il s’en trouvera quelqu’une dans nos inclinations. »

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