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История кавалера де Грие и Манон Леско = Ніstoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut
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Monsieur de G*** M*** ne tarda pas longtemps `a s’apercevoir qu’il 'etait dup'e. Je ne sais s’il fit d`es le soir m^eme quelques d'emarches pour nous d'ecouvrir ; mais il eut assez de cr'edit pour n’en pas faire longtemps d’inutiles, et nous assez d’imprudence pour compter trop sur la grandeur de Paris et sur l’'eloignement qu’il y avait de notre quartier au sien. Non seulement il fut inform'e de notre demeure et de nos affaires pr'esentes, mais il apprit aussi qui j’'etais, la vie que j’avais men'ee `a Paris, l’ancienne liaison de Manon avec de B***, la tromperie qu’elle lui avait faite ; en un mot, toutes les parties scandaleuses de notre histoire. Il prit l`a-dessus la r'esolution de nous faire arr^eter, et de nous traiter moins comme des criminels que comme de fieff'es libertins. Nous 'etions encore au lit lorsqu’un exempt de police entra dans notre chambre avec une demi-douzaine de gardes. Ils se saisirent d’abord de notre argent, ou plut^ot de celui de monsieur de G*** M*** ; et, nous ayant fait lever brusquement, il nous conduisirent `a la porte, o`u nous trouv^ames deux carrosses, dans l’un desquels la pauvre Manon fut enlev'ee sans explication, et moi tra^in'e dans l’autre `a Saint-Lazare.

Mes gardes ne m’ayant point averti non plus du lieu o`u ils avaient ordre de me conduire, je ne connus mon destin qu’`a la porte de Saint-Lazare. J’aurais pr'ef'er'e la mort, dans ce moment, `a l’'etat o`u je me crus pr`es de tomber ; j’avais de terribles id'ees de cette maison. Ma frayeur augmenta lorsqu’en entrant les gardes visit`erent une seconde fois mes poches, pour s’assurer qu’il ne me restait ni armes ni moyens de d'efense.

Le sup'erieur parut `a l’instant ; il 'etait pr'evenu sur mon arriv'ee. Il me salua avec beaucoup de douceur.

« Mon p`ere, lui dis-je, point d’indignit'es ; je perdrai mille vies avant que d’en souffrir une. – Non, non, monsieur, me r'epondit-il ; vous prendrez une conduite sage, et nous serons contents l’un de l’autre. » Il me pria de monter dans une chambre haute. Je le suivis sans r'esistance. Les archers nous accompagn`erent jusqu’`a la porte, et le sup'erieur, y 'etant entr'e, leur fit signe de se retirer.

« Je suis donc votre prisonnier ? lui dis-je. Eh bien, mon p`ere, que pr'etendez-vous faire de moi ? » Il me dit qu’il 'etait charm'e de me voir prendre un ton raisonnable ; que son devoir serait de travailler `a m’inspirer le go^ut de la vertu et de la religion, et le mien de profiter de ses exhortations et de ses conseils ; que pour peu que je voulusse repondre aux attentions qu’il aurait pour moi, je ne trouverais que du plaisir dans ma solitude. « Ah ! du plaisir ! repris-je ; vous ne savez pas, mon p`ere , l’unique chose qui est capable de m’en faire go^uter, » – Je le sais, reprit-il ; mais j’esp`ere que votre inclination changera. » Sa r'eponse me lit comprendre qu’il 'etait instruit de mes aventures, et peut-^etre de mon nom. Je le priai de m’'eclaircir. Il me dit naturellement qu’on l’avait inform'e de tout.

Cette connaissance fut le plus rude de tous mes ch^atiments. Je me mis `a verser un ruisseau de larmes, avec toutes les marques d’un affreux d'esespoir. Je ne pouvais me consoler d’une humiliation qui allait me rendre la fable de toutes les personnes de ma connaissance et la honte de ma famille. Je passai ainsi huit jours dans le plus profond abattement, sans ^etre capable de rien entendre, ni de m’occuper d’autre chose que de mon opprobre. Le souvenir m^eme de Manon n’ajoutait rien `a ma douleur. Il n’y entrait du moins que comme un sentiment qui avait pr'ec'ed'e cette nouvelle peine , et la passion dominante de mon ^ame 'etait la honte et la confusion.

Il y a peu de personnes qui connaissent la force de ces mouvements particuliers du coeur. Le commun des hommes n’est sensible qu’`a cinq ou six passions dans le cercle desquelles leur vie se passe et o`u toutes leurs agitations se r'eduisent. Otez-leur l’amour et la haine, le plaisir et la douleur, l’esp'erance et la crainte, ils ne sentent plus rien. Mais les personnes d’un caract`ere plus noble peuvent ^etre remu'ees de mille facons diff'erentes : il semble qu’elles aient plus de cinq sens, et qu’elles puissent recevoir des id'ees et des sensations qui passent les bornes ordinaires de la nature. Et comme elles ont un sentiment de cette grandeur qui les 'el`eve au-dessus du vulgaire, il n’y a rien dont elles soient plus jalouses. De l`a vient qu’elles souffrent si impatiemment le m'epris et la ris'ee, et que la honte est une de leurs plus violentes passions.

J’avais ce triste avantage `a Saint-Lazare. Ma tristesse parut si excessive au sup'erieur, qu’en appr'ehendant les suites, il crut devoir me traiter avec beaucoup de douceur et d’indulgence. Il me visitait deux ou trois fois le jour. Il me prenait souvent avec lui pour faire un tour de jardin, et son z`ele s’'epuisait en exhortations et en avis salutaires. Je les recevais avec douceur, je lui marquais m^eme de la reconnaissance : il en tirait l’espoir de ma conversion.

Je pris un jour la hardiesse de lui demander si c’'etait de lui que mon 'elargissement d'ependait. Il me dit qu’il n’en 'etait pas absolument le ma^itre, mais que, sur son t'emoignage, il esp'erait que monsieur de G*** M***, `a la sollicitation duquel monsieur le lieutenant g'en'eral de police m’avait fait renfermer, consentirait `a me rendre la libert'e.

« Puis-je me flatter, repris-je doucement, que deux mois de prison que j’ai d'ej`a essuy'es lui para^itront une expiation suffisante ? » Il me promit de lui en parler si je le souhaitais. Je le priai instamment de me rendre ce bon office.

Il m’apprit, deux jours apr`es, que monsieur de G*** M*** avait 'et'e si touch'e du bien qu’il avait entendu dire de moi, que non seulement il paraissait ^etre dans le dessein de me laisser voir le jour, mais qu’il avait m^eme marqu'e beaucoup d’envie de me conna^itre plus particuli`erement, et qu’il se proposait de me rendre une visite dans ma prison. Quoique sa pr'esence ne p^ut m’^etre agr'eable, je la regardai comme un acheminement prochain `a ma libert'e.

Il vint effectivement `a Saint-Lazare. Je lui trouvai l’air plus grave et moins sot qu’il ne l’avait eu dans la maison de Manon. Il me tint quelques discours de bon sens sur ma mauvaise conduite. Il ajouta, pour justifier apparemment ses propres d'esordres, qu’il 'etait permis `a la faiblesse des hommes de se procurer certains plaisirs que la nature exige, mais que la friponnerie et les artifices honteux m'eritaient d’^etre punis.

Je l’'ecoutai avec un air de soumission dont il parut satisfait. Je ne m’offensai pas m^eme de lui entendre l^acher quelques railleries sur ma fraternit'e avec Lescaut et Manon, et sur les petites chapelles dont il supposait, me dit-il, que j’avais d^u faire un grand nombre `a Saint-Lazare, puisque je trouvais tant de plaisir `a cette pieuse occupation. Mais il lui 'echappa, malheureusement pour lui et pour moi-m^eme, de me dire que Manon en aurait fait aussi sans doute de fort jolies `a l’h^opital. Malgr'e le fr'emissement que le nom d’h^opital me causa, j’eus encore le pouvoir de le prier avec douceur de s’expliquer : « H'e oui ! reprit-il, il y a deux mois qu’elle apprend la sagesse `a l’H^opital G'en'eral, et je souhaite qu’elle en ait tir'e autant de profit que vous `a Saint-Lazare. »

Quand j’aurais eu une prison 'eternelle ou la mort m^eme pr'esente `a mes yeux, je n’aurais pas 'et'e le ma^itre de mon transport `a cette furieuse nouvelle. Je me jetai sur lui avec une si affreuse rage, que j’en perdis la moiti'e de mes forces. J’en eus assez n'eanmoins pour le renverser par terre et pour le prendre `a la gorge. Je l’'etranglais, lorsque le bruit de sa chute et quelques cris aigus que je lui laissais `a peine la libert'e de pousser attir`erent le sup'erieur et plusieurs religieux dans ma chambre. On le d'elivra de mes mains.

Le sup'erieur, ayant ordonn'e `a ses religieux de le conduire, demeura seul avec moi. Il me conjura de lui apprendre promptement d’o`u venait ce d'esordre. « O mon p`ere ! lui dis-je, en continuant de pleurer comme un enfant, figurez-vous la plus horrible cruaut'e, imaginez-vous la plus d'etestable de toutes les barbaries, c’est l’action que l’indigne G*** M*** a eu la l^achet'e de commettre. Oh ! il m’a perc'e le coeur. Je n’en reviendrai jamais. Je veux vous raconter tout, ajoutai-je en sanglatant. Vous ^etes bon, vous aurez piti'e de moi. »

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