Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Comment ! c’est vous, Louis, qui dissipez vos camarades !
Louis F'erot 'etait un bon 'el`eve ; il rougit jusqu’aux oreilles, vex'e par le reproche et redoutant une punition.
Toutefois, incapable de dissimuler, et pour justifier aussi son attitude, il r'epliqua en baissant les yeux :
— J’ai regard'e par la fen^etre parce que Michel me l’a dit, monsieur ; ca n’est pas ordinaire ce que l’on voit !
Le ma^itre interrogea :
— Que voulez-vous dire ? Qu’avez-vous vu par la fen^etre ?
`A la question du professeur, les 'el`eves comprenaient que celui-ci 'etait vaincu et que, d'esormais, jusqu’`a ce que la cloche lib'eratrice sonne, il ne serait plus question de Philippe le Bel.
Et, devinant qu’ils avaient la permission implicite de s’agiter d'esormais et de bavarder, tous r'epondirent `a la fois, bavard`erent en tumulte :
— C’est dans le Casque-de-N'eron, avec le soleil sur la montagne…
— Il para^it qu’il a vu tout `a l’heure sa figure, moi je n’ai rien vu du tout…
— Parce que tu as regard'e trop tard !…
— Michel dit toujours des blagues ! poursuivait un autre des 'el`eves en haussant les 'epaules.
Mais trois ou quatre de ses camarades protestaient :
— Louis F'erot ne ment pas, et Louis F'erot l’a vu…
Puis, c’'etait `a nouveau une ru'ee en masse vers la fen^etre et l’instituteur, ne comprenant rien `a ce qui se passait, s’en fut derri`ere eux pour regarder `a son tour ce que l’on pouvait voir.
Il apercut comme ses 'el`eves, `a travers les vitres, le magnifique panorama qui se d'eroulait.
Le soleil s’'etait encore enfonc'e au ras de l’horizon lointain et depuis quelques minutes ses rayons cessaient d’'eclairer le sommet du Casque-de-N'eron.
Le ma^itre eut beau regarder longtemps, rien d’anormal ne lui apparaissait au faite de la montagne. Celle-ci 'etait, comme `a son ordinaire, couverte de neige, ses pics abrupts se h'erissaient de glaces miroitantes qui se d'etachaient en blanc sur un beau ciel de printemps uniform'ement bleu.
— Ah ca, voyons, mes enfants ! fit-il en grossissant sa voix. Je ne sais pas ce que vous avez aujourd’hui, vous ^etes d’un dissip'e ! Demain, il s’agira de se tenir plus tranquille…
Puis, attirant `a lui le petit Louis F'erot, l’instituteur l’interrogea :
— Qu’avez-vous donc vu ? Que s’est-il pass'e ?
L’enfant 'etait tout p^ale, l’instituteur le remarqua. Au surplus, le petit Louis r'epondit :
— On a vu quelque chose d’extraordinaire, monsieur ; il y avait un bonhomme dans la montagne !
— Un bonhomme ? fit le ma^itre qui ne comprenait pas.
Michel venait `a la rescousse de son camarade :
— Oui, m’sieu. C’est moi qui l’ai vu le premier, c’est un grand bonhomme… il 'etait couch'e sur la neige… il 'etait presque aussi grand qu’une statue…
Le ma^itre, de plus en plus sceptique, s’appr^etait `a faire des reproches `a Michel.
Il connaissait le gamin pour ^etre quelque peu h^ableur. Il l’admonestait fr'equemment `a ce sujet, mais il recommencait chaque fois que l’occasion se pr'esentait.
— Michel, quand donc perdrez-vous l’habitude d’inventer des histoires fausses pour dissiper la classe ? La prochaine fois que cela vous arrivera, je vous punirai s'ev`erement. En attendant…
Il allait prof'erer une punition, mais le petit Louis F'erot s’approcha de lui, et, le tirant par la manche, annonca timidement, rougissant encore jusqu’aux oreilles :
— Michel n’a pas menti, m’sieu. Moi aussi j’ai vu le g'eant sur le Casque-de-N'eron… Il 'etait aussi haut que la maison d’'ecole, et il avait des bras `a n’en plus finir…
Une rumeur de surprise gronda dans l’assistance et les petits 'el`eves de la classe, apr`es un instant de silence, d'eli`erent leurs langues et commenc`erent `a se disputer sur le cas extraordinaire que signalaient les deux enfants.
— Moi, j’ai rien vu, prof'era un gros gamin aux joues boursoufl'ees, qui s’appelait Dominique.
C’'etait un enfant de la montagne, pr'ecis'ement du Casque-de-N'eron, o`u ses parents, pendant longtemps, avaient 'et'e employ'es dans une scierie m'ecanique.
Un autre, cependant, protestait :
— Moi, j’ai pas vu sa t^ete, mais j’ai vu ses pieds. M^eme qu’il n’avait qu’un soulier !…
Cette d'eclaration d'eterminait des 'eclats de rire dans toute la classe.
C’'etait vraiment comique, cette id'ee d’un g'eant apercu dans la montagne et qui n’avait qu’un soulier !…
Le ma^itre fronca les sourcils, ordonna le silence.
Puis il questionna en fixant dans les yeux le petit Louis F'erot et Michel. L’heure de la fin de la classe avait d'ej`a sonn'e, mais aucun des enfants ne songeait `a quitter la salle, car d'esormais on s’y amusait.
Il se passait quelque chose d’extraordinaire et chacun voulait savoir comment l’aventure se terminerait.
Il semblait que deux camps s’'etaient form'es et que, si certains des enfants n’avaient absolument rien vu d’anormal par la fen^etre donnant sur le Casque-de-N'eron, d’autres avaient 'et'e frapp'es par une vision inattendue et certainement avaient apercu quelque chose qu’on ne voyait point d’ordinaire.
Bien entendu, depuis de longues minutes d'ej`a, l’instituteur, dont la curiosit'e 'etait malgr'e lui surexcit'ee, regardait par la fen^etre et scrutait de son regard le sommet du Casque-de-N'eron.