Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Allons, fit-il d’un air r'esign'e, je vois que vous voulez `a toute force avoir le coeur net de cette histoire de g'eant ! Eh bien soit, regardons par la fen^etre, et voyons ce qui va se passer…
Une clameur enthousiaste r'epondait `a la d'eclaration de l’instituteur, les enfants, enchant'es de cette d'ecision, criaient :
— Vive M. Marcelin !
Mais M. Marcelin ne tenait pas `a une semblable popularit'e, il leur imposait silence du geste, et, pour leur rappeler le motif de cette suspension de classe, il se rapprocha de la fen^etre et regarda.
M. Marcelin, de m^eme que les enfants, tous montagnards, familiers des choses de la montagne, savait parfaitement que l’aspect d’une cime change compl`etement d’une minute `a une autre, par le seul fait des rayons du soleil qui 'eclaire tel ou tel point.
Et c’est pour cela que les 'ecoliers et le ma^itre demeuraient sans impatience, attentifs, le regard tourn'e vers le Casque-de-N'eron.
Celui-ci 'etait 'eclair'e par endroits et plong'e dans l’ombre par d’autres. Mais on savait fort bien que, d’une minute `a l’autre, l’aspect pouvait compl`etement changer, et que telle r'egion de la montagne, invisible l’instant d’auparavant, serait 'eclair'ee en pleine lumi`ere l’instant d’apr`es, et qu’on pourrait y voir des choses jusqu’alors insoupconn'ees.
Vers quatre heures moins un quart, on s’agita dans la classe, et Michel, incapable de se contenir, articula :
— Voil`a le rayon de soleil qui va l’'eclairer… Je suis s^ur qu’il va appara^itre comme hier, en commencant par les pieds…
L’enfant s’'etait `a peine exprim'e, qu’un cri de stupeur jaillissait de toutes les bouches…
Le soleil s’'etait plac'e lentement, et l’un de ses rayons lumineux, `a la mani`ere d’un pinceau magique, passait de la cime d’une for^et de pins noirs `a la glace blanche d’une cr^ete de rochers.
Or, `a ce moment pr'ecis on voyait miroiter, dans l’'eclat lumineux du rayon de soleil, la silhouette caract'eristique et pr'ecise d’un pied humain, d’un pied nu aux doigts 'enormes, qui semblait s’appuyer sur un quartier de roche !
Quelques secondes apr`es, apparaissait non loin de ce pied nu, une grosse chaussure au cuir d'echir'e…
Puis on voyait les deux jambes d’un corps immense, et enfin, au bout de quelques minutes, ce corps se compl'etait par une t^ete dont les traits 'etaient difficiles `a d'eterminer, mais qui se silhouettait d’une facon pr'ecise et paraissait s’appuyer au flanc de quelque aiguille !
Assur'ement, les enfants n’avaient point menti la veille et les gens de Grenoble ne s’'etaient pas tromp'es ; il y avait r'eellement un g'eant au sommet du Casque-de-N'eron !
Le gigantesque personnage semblait dormir et ses pieds s’appuyaient sur un quartier de roche gros comme une maison ; ses 'epaules et sa t^ete paraissaient accot'es `a une aiguille de granit dress'ee vers le ciel `a la mani`ere d’une fl`eche de cath'edrale.
'Etant donn'e son 'eloignement et la taille qu’il avait, ce g'eant pouvait avoir au moins vingt m`etres de long !
C’'etait absolument invraisemblable et, du coup, toutes les l'egendes dauphinoises se trouvaient d'epass'ees par cette vision inoubliable !
D'esormais, les 'ecoliers faisaient silence, tous 'etaient devenus tr`es p^ales, leurs jeunes poitrines haletaient, et le ma^itre lui-m^eme se sentait tout tremblant.
Certes, M. Marcelin 'etait trop instruit pour se laisser prendre par le caract`ere 'enigmatique et myst'erieux de cette apparition !
Il savait que les g'eants n’existent pas et il cherchait `a expliquer cette ph'enom'enale vision.
Sans cesse il se r'ep'etait :
— Il y a des hallucinations collectives !
Et, malgr'e lui, il ne pouvait pas y croire, 'etant bien certain d’^etre dans son bon sens, 'etant bien convaincu que ce qu’il voyait, il le voyait r'eellement.
Vingt minutes `a peine s’'etaient 'ecoul'ees que le rayon du soleil avait chang'e de place et que, d'esormais, la silhouette fantastique avait disparu.
Certes, on rep'erait parfaitement bien l’endroit o`u quelques instants auparavant chacun avait vu le g'eant 'etendu.
Il 'etait toujours l`a, ce gros quartier de roche, gros comme une maison, sur lequel le g'eant semblait avoir appuy'e son pied d'echauss'e ; elle 'etait toujours l`a, dress'ee vers le ciel, cette aiguille de granit contre laquelle le gigantesque personnage appuyait ses 'epaules et sa t^ete ; mais au lieu et place du corps formidable que chacun avait apercu il n’y avait plus que le glacier bien connu de tous les habitants de la r'egion, le glacier en forme de fer `a cheval et autour duquel 'etait r'eparti une mousse 'epaisse et floconneuse de neiges 'eternelles.
— Il 'etait l`a et il n’y est plus… Qu’a-t-il pu devenir ? articula Michel les dents serr'ees.
Nul ne lui r'epondit dans la classe.
`A l’heure du d'epart, quelques instants apr`es, les enfants s’en allaient en silence, cependant que le ma^itre de son c^ot'e songeait, tout pensif, tr`es troubl'e :
— Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? et d’o`u provient cette extraordinaire apparition ?…
Chapitre XVII
Le bon locatair
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Ce m^eme jour, dans la matin'ee, M me F'erot, la m`ere du petit Louis, qui avait 'et'e puni la veille `a l’'ecole de Grenoble, s’en allait au march'e de Dom`ene.
Dom`ene est un village distant de quinze kilom`etres environ de Grenoble. Il est coquettement situ'e au pied de la cha^ine de Beldone, presque sur les bords de l’Is`ere, qui coule `a cet endroit en flots larges et tranquilles, et longe la route qui conduit jusqu’`a Chamb'ery.